Si même Obama ignore tout de ce que fait la NSA, qui protège donc la démocratie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président américain Barack Obama n'aurait appris l'existence du programme de surveillance des communications de 35 dirigeants de la planète que cet été.
Le président américain Barack Obama n'aurait appris l'existence du programme de surveillance des communications de 35 dirigeants de la planète que cet été.
©Reuters

Frankenstein

D'après plusieurs médias américains, Barack Obama ignorait l'existence du programme de surveillance de 35 dirigeants de la planète jusqu'à l'été dernier. La NSA apparaît indéniablement comme un État dans l’État, qui échappe au contrôle de ceux qui l'ont créée.

Michel Nesterenko

Michel Nesterenko

Directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

Spécialiste du cyberterrorisme et de la sécurité aérienne. Après une carrière passée dans plusieurs grandes entreprises du transport aérien, il devient consultant et expert dans le domaine des infrastructures et de la sécurité.

 

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Atlantico : Alors que les nouvelles révélations se multiplient sur l'étendue de la surveillance des citoyens et des dirigeants européens par la NSA, le New Yorker et le Wall Street Journal révèlent que le président américain Barack Obama n'aurait appris l'existence du programme de surveillance des communications de 35 dirigeants de la planète que cet été. Est-il possible que Barack Obama n'ait pas été au courant ?

Michel Nesterenko : Sur la base des déclarations des dirigeants de la NSA et du renseignement américain, il est évident que le Président n'était que partiellement informé. Le Président Obama avait, au mieux, communication des grandes lignes, mais certainement pas de ce qui est appelé pudiquement "le détail", et qui est en fait l'essentiel. Les dirigeants du renseignement soutiennent que le Président "n'avait pas besoin de savoir" et que c'est eux-même qui décidaient ce qu'ils estimaient devoir dire ou pas. Fin août, le renseignement américain a omis d'informer le Président Obama des bombardements à l'arme chimique par les troupes du Président Syrien. Le Président Obama a appris la nouvelle par les journalistes de Reuters comme un vulgaire citoyen.

L'excuse donnée pour ne pas informer le Président consiste à dire que les informations sont trop techniques. De cette façon, en réalité le Président n'a pas besoin de mentir si on lui pose la question. Après tout, un programme secret est secret par définition. Les dirigeants du renseignement savent pertinemment que si le Président et les élus du Congrès en charge de la supervision sont mis au courant, il y aura forcément des fuites, et il faudra mettre un terme à leurs opérations, qui sont sur le fond totalement illégales. Alors on dissimule et on ment à tout le monde, y compris au tribunal spécialisé pour donner les passe-droits. Même à l'intérieur de ces immenses organisations, les services se mentent les uns aux autres en se faisant une concurrence malsaine pour "publier" en interne.

Si ce n'est pas le président américain, alors qui contrôle la NSA ?

En fin de compte, personne ne contrôle la NSA, qui est vraisemblablement elle même trop grande et incontrôlable au niveau de ses propres activités. Tout cela a largement été décrit par les journalistes du  Washington Post, du New York Times et de Reuters. Ces faits sont incontournables.

Comment expliquez-vous que cette agence bénéficie d'une telle indépendance ? Est-ce une exception aux Etats-Unis ?

Ce n'est pas la première fois qu'une agence de renseignement américaine dérive ainsi. La CIA a déjà été coutumière du fait, comme l'ont montré, pendant la présidence Reagan, les enquêtes du Congrès relatives au financement des révolutions sud-américaines (les "Contras") par des profits dérivés du trafic de drogue et du trafic d'armes. Tout cela supervisé plus ou moins par la CIA. En son temps, le Directeur du FBI J. Edgar Hoover avait établi des dossiers sur toutes les personnalités politiques afin d'exercer sur elles un chantage très efficace. Il a été amplement démontré par de nombreuses enquêtes que le FBI et la CIA avaient toutes deux eu vent de l'imminence de l'assassinat du Président Kennedy et n'avaient pas transmis l'information au Président. On peut donc affirmer qu'il s'agit là d'une constante américaine.

Quels problèmes  démocratiques, cette situation pose-t-elle ?

Le Président Eisenhower avait lui même mis en garde les leaders de la démocratie contre de telles dérives. Aujourd'hui le renseignement américain espionne non seulement toute la planète contre laquelle il est en guerre froide, ou autre, mais aussi tous les citoyens américains, en croisant les banques de données de la police, des banques, et plus, toujours plus... Nous sommes déjà dans le "Big Brother", et demain nous serons dans le "Minority Report"."On" arrêtera les bonnes gens parce-qu'un ordinateur, en un lieu secret, à établi qu'ils appartiennent à des communautés qui statistiquement sont portés sur le crime, avec tous les risques de ciblage aux connotations raciales que l'Europe a combattues il n'y a pas si longtemps. Sont-ce là les vrais alliés de la démocratie européenne ?

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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