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De 7 à 77 ans : y a-t-il un âge pour être  heureux ?
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A la poursuite du bonheur

Dans la vie, il y a deux pics de bonheur : l'un à 23, l'autre à 69 ans. C'est ce qu'a observé une équipe de chercheurs britanniques de la London School of Economics. De là à dire que nos vies sont faites de quarante années de morosité, il n'y a qu'un pas... que nous ne franchirons pas !

Florence Servan-Schreiber

Florence Servan-Schreiber

Florence Servan-Schreiber est journaliste. Formée à la psychologie transpersonnelle en Californie, elle a été l'animatrice d'une chronique dans Psychologies, un moment pour soi sur France 5 - la déclinaison télévisuelle de Psychologies magazine- en 2004 et 2005.

Elle est notamment l'auteure de "Trois kifs par jours et autres rituels recommandés par la science pour cultiver le bonheur" publié aux éditions Marabout.

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Atlantico : Selon les travaux menés par une équipe de chercheurs britanniques du Center for Economic Performance de la London School of Economics (voir ici), on distingue deux périodes de bonheur dans l’existence : à 23 ans et 69 ans. Pourquoi serait-on plus heureux autour de la vingtaine et de la soixantaine ?

Florence Servan-Schreiber : Quand on regarde la courbe du bonheur en France, on se rend compte qu’à partir de 18 ans l’indice du bonheur ne fait que baisser, mais très progressivement : trente ans, quarante ans… jusqu’à atteindre le "fond du seau", qui se situe entre 50 et 53 ans. C’est à parti de là que les chiffres remontent et atteignent des niveaux que l’on n’a même pas connus à vingt ans. Pour un indice de cinq points à vingt ans, on atteint facilement les dix points après soixante ans.

A 20 ans, on est en pleine possession de ses moyens physiques, les possibilités sont multiples, tout est encore à l’état de projet. Au fur et à mesure, ces projets se réalisent : on se lance dans des relations amoureuses à long terme, on a des enfants… Si on demande à plusieurs femmes  ce qui les rend heureuses, elles répondront que ce sont leurs enfants. Mais si on leur demande d’évaluer leur niveau de bonheur dans chacune des situations de leur quotidien, on s’aperçoit que les moments pendant lesquels elles sont le moins heureuses, sont ceux passés avec leurs enfants.  Cela s’explique par le fait que lorsqu’elles sont avec leurs enfants, elles font toujours d’autres choses en même temps, souvent contraignantes. La raison pour laquelle nos enfants sont la prunelle de nos yeux est génétique : nous sommes conçus pour que l’espèce se reproduise.  La vie de famille est une somme de responsabilités, de complications et d’abandon de son temps. On perd la maîtrise de son temps puisqu’on est constamment en train de s’occuper d’autres gens.

Une autre raison à l’amenuisement de notre bonheur réside dans nos affres professionnelles et vocationnelles. C’est-à-dire que la maturité est une chose qui s’obtient jour après jour. Quand on commence une carrière, même si on sait exactement ce qu’on veut faire, on traverse aussi bien des moments formidables que difficiles. Entre 20 et 50 ans, on passe une bonne partie de son temps à chercher la place qui est la nôtre.

Pourquoi est-on plus heureux une fois arrivé à 60 ans ?

A 60 ans, on trouve enfin sa place. Il est d’ailleurs très surprenant de constater que c’est au moment où ses capacités physiques et cognitives commencent à décliner que l’on est plus heureux.  C’est pourquoi il ne faut pas être effrayé par le vieillissement. Acceptons que certaines choses nous échappent dans ce domaine. Statistiquement, c'est à ce moment-là que nos enfants deviennent indépendants. On retrouve donc son autonomie ; les préoccupations financières sont moindres puisque tout ne dépend plus de nous ; on a fait beaucoup de choses, ce qui réduit l’impression d’inachevé ; et la chose la plus importante : on a atteint la connaissance de soi.

Cela signifie-t-il que pendant une certaine période, on n’est pas en situation de percevoir son propre bonheur ?

De toute façon, nous sommes heureux en permanence, quel que soit notre âge. Mais ce n’est pas l’âge qui influe sur note perception du bonheur. Ce que l’expérience nous aide à faire, c’est à mieux profiter des choses. Malheureusement, même si on essaye de se convaincre de son bonheur, de se montrer reconnaissant pour tout ce que l’on a, il est indéniable que plus on vieillit, plus on est en mesure de le faire. Ce n’est pas seulement de la perception, c’est aussi une forme de sagesse et de paix. Ce sont toujours les pertes et les échecs qui nous donneront la saveur du reste. Quand on est plus âgé, on s’est plus "cassé la gueule", on a perdu plus de choses, ce qui permet de donner toute sa valeur à ce qui reste. Entre la théorie ("je devrais") et l’expérience réelle de l’échec, la manière dure est la plus efficace en termes d’apprentissage. Et quand on a 60 ans, on a toujours plus d’expérience que quand on en a 20.

Faut-il se résigner à attendre la soixantaine pour être pleinement heureux ?

Non, car ces chiffres sont extrêmement encourageants. On ne vit pas sa vie de façon résignée, mais avec intensité. Malgré l’intensité que l’on ressent à 30 ans, on sait que ce sera mieux après. Là est la bonne nouvelle. Il ne faut pas regarder ces chiffres avec appréhension, car entre 20 ans et 60 ans, va se dérouler une vie riche de tout, aussi bien de choses formidables qu’épouvantables. C’est ce qui, au fil du temps, permettra d’être de mieux en mieux avec la personne que l’on est.

L’inverse serait épouvantable. Car nous sommes optimistes par défaut : comment voulez-vous que nous continuions à nous reproduire alors qu’il n’y a qu’une seule chose dont nous soyons certains, c’est que nous allons mourir ? Comment, pourquoi… le reste est aléatoire. Nous continuons de nous lever le matin, de faire des enfants, de travailler, alors que la seule promesse qui sera tenue est celle de notre mort. Par conséquent, nous sommes une espèce qui a besoin de se projeter positivement. Nous sommes prêts à supporter certaines choses,  en sachant que ce sera mieux après.  C’est donc encourageant.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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