L'avenir politique de Ségolène Royal plus proche d'un emploi de sniper médiatique que d'une renaissance politique <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Ségolène Royal fait son retour sur la scène médiatique.
Ségolène Royal fait son retour sur la scène médiatique.
©Reuters

Roselyne, me voilà !

A défaut d'avoir une tribune politique nationale, la présidente de Poitou-Charentes est très présente dans les médias en ce moment...

Atlantico : Après avoir contesté la véracité de ses propos rapportés dans Le Point, selon lequel elle aurait critiqué plusieurs membres du gouvernement, Ségolène Royal refait parler d’elle en se disant ouverte à l’idée d’opérations conjointes entre l’armée et la police à Marseille. Que traduit ce retour sur la scène médiatique ? Quel objectif poursuit-elle ?

Philippe Braud : La manière dont elle essaye de revenir sur la scène médiatique traduit plutôt une nervosité. Un certain nombre de ses positions sont déraisonnables, notamment celle d’envoyer l’armée à Marseille. Et dire que l’on a évité la troisième Guerre mondiale à propos de la Syrie est excessif. Son avenir politique est très sombre. On ne peut jamais prédire la mort politique de quelqu'un, mais en ce qui la concerne tous les clignotants sont au rouge. Elle appartient à une génération de responsables politiques marginalisée et qui a vocation à le rester : Lang, Jospin... Son aura personnelle est en déclin constant. Son dernier livre a obtenu un faible écho en termes de ventes. Les sarcasmes et les réserves à son sujet sont fréquents, notamment en ce qui concerne ses positions humanistes et morales.

Son influence politique a culminé avec les 47% de 2007 et son arrivée en tête au congrès de Reims. Mais depuis 2008, elle enchaîne échec sur échec : direction du PS, primaires de 2011, députation… Ce dernier point est significatif : elle n’a même pas de mandat national. Elle dispose d’une tribune médiatique mais ne jouit plus de la légitimité que confère un mandat politique.

François Belley : Avec Ségolène Royal il faut toujours se poser trois questions : la marque Royal est-elle toujours attractive auprès des Français ? Le retour est-il possible ? Comment peut-elle l’orchestrer ?

Ses sorties médiatiques sont très "ségolinistes". Historiquement, elle a toujours su manier la petite phrase qui fait mouche, ou en tout cas le verbe qui fait exister médiatiquement. On sait qu’elle est adepte de la "triangulation", qui consiste à prendre des idées dans le camp adverse. On se souvient de l’ordre militaire et de "l’ordre juste" pendant la campagne présidentielle. Lorsqu’elle parle d’armée à Marseille, cela obéit à sa tendance à aller à l’encontre de son courant d’origine pour faire parler d’elle.

Aujourd’hui c’est uniquement sur le champ médiatique qu’elle peut exister. Quand elle parle de risque de Guerre mondiale à propos de la Syrie, elle est l’une des seules à s’autoriser ce genre de formulation. Elle sait que ce genre de phrase est facilement repris. Elle sait utiliser le levier "people", en se mettant en scène dans l’affaire du Point.

Concernant son attractivité, elle est encore aujourd’hui une "femme marque". Elle est toujours associée à une dimension participative, émotive et combative. En politique, cette identité est une force. Et qu’on l’aime ou qu'on la déteste, elle ne laisse pas indifférent. Le gouvernement manque cruellement de personnalité et de charisme. A part Manuel Valls et Christiane Taubira à l’occasion, la scène n’est pas très occupée. Royal est comme le Phœnix : alors qu’on la pensait finie politiquement en 2007, elle est passée devant Martine Aubry au congrès de Reims. Même en larmes aux primaires socialistes, elle émeut toute la France… Sur la forme, son retour est donc toujours possible. Sur le fond, elle a toujours des propositions et une expérience en tant que ministre supérieure à François Hollande.

Peut-elle être porteuse de son propre mouvement ? A-t-elle la capacité de générer une adhésion populaire, et sur quelles idées ?

François Belley : Qui peut dire si Désir d’Avenir existe encore ? Ce mouvement existait à un moment particulier, grâce à l’échéance présidentielle. Mais elle a encore une carte à jouer. Sur le fond, elle donne l’impression de bien sentir les événements. Elle n’hésite pas, dans ses propositions, à s’affranchir de son parti, qu’elle ne cite d’ailleurs jamais. Elle ose et n’a pas peur de parler d’une intervention de l’armée à Marseille.

Philippe Braud : Sa base politique se réduit, elle est aujourd’hui très isolée. Ségolène Royal conserve l’admiration de personnes peu politisées, qui aiment son vocabulaire moral et émotionnel, l’image qu’elle renvoie et le fait qu’elle est une femme. En termes politiques, ce soutien ne s’exprimera pas. Au sein du PS, les rescapés du royalisme sont de moins en moins nombreux et audibles.

Elle a souvent étonné ou pris de cours des gens qui la soutenaient. Elle a donné l’impression d’être écolo en 95-98. Sur les questions de sécurité, elle a témoigné d’une certaine rigidité. Et sur les questions de la fiscalité et de l’austérité, sa ligne politique est difficile à interpréter. Son créneau serait celui de la sensibilité socialiste d’ordre moral. Le "socialisme émotionnel", en quelque sorte, qui est un très petit créneau.

A trop se singulariser, risque-t-elle de se couper de toute base politique ? Peut-on parler de numéro d'équilibriste ?

François Belley : C’est son fonds de commerce. Elle est l’une des rares personnes à pouvoir s’affranchir du Parti socialiste, alors que par exemple Martine Aubry en est un produit. Ségolène Royal s’affranchit de l’ombrelle du parti pour imposer sa marque, son style et sa différence. Sur le fond (ordre juste, encadrement militaire des jeunes…) et dans la forme (meetings aux airs évangélisateurs…), elle a totalement dénoté vis-à-vis du reste du PS.

A jouer cavalier seul, s’est-elle définitivement fermé les portes du gouvernement ? Pourquoi ?

Philippe Braud : Si François Hollande veut s’éviter des embarras, elle n’a aucune chance d’y entrer. On n’ira pas la chercher pour un poste de premier plan, car elle est trop incontrôlable, trop clivante et maladroite parfois, y compris dans ses appels du pied.

François Belley : Encore faut-il que la place au gouvernement soit intéressante en termes d’exposition. La campagne 2006, en interne, ne l’a pas ménagée, et il en reste certainement des séquelles. La bataille des egos entre François Hollande, Valérie Trierweiler et elle n’arrange rien. Cela ferait les choux gras de la presse people pendant des mois.

Propos recueillis par Gilles Boutin

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !