Pourquoi les drames n'unifient pas les Français comme ils le font pour les Américains<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Des américains ont remercié les forces de l’ordre pour leur intervention suite aux attentats de Boston.
Des américains ont remercié les forces de l’ordre pour leur intervention suite aux attentats de Boston.
©

Esprit de corps

A la suite des attentats de Boston, le peuple américain a fait corps devant la catastrophe, des citoyens allant même jusqu’à remercier les forces de l’ordre pour leur intervention. Rien de semblable ne s'est produit en France durant la traque de Mohammed Merah en mars 2012.

François Durpaire

François Durpaire

François Durpaire est historien et écrivain, spécialisé dans les questions relatives à la diversité culturelle aux Etats-Unis et en France. Il est également maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise.

Il est président du mouvement pluricitoyen : "Nous sommes la France" et s'occupe du blog Durpaire.com

Il est également l'auteur de Nous sommes tous la France : essai sur la nouvelle identité française (Editions Philippe Rey, 2012) et de Les Etats-Unis pour les nuls aux côtés de Thomas Snégaroff (First, 2012)

 


Voir la bio »

Atlantico : Après les attentats de Boston, le peuple américain a de nouveau montré au reste du monde sa force et son unité. Durant l’épopée tragique de Mohammed Merah en mars 2012, rien de semblable ne s'en produit en France. Pourquoi ?

François Durpaire : Il y a deux explications à cela, une conjoncturelle et une structurelle. Il faut savoir que le 11 septembre 2001 a constitué un traumatisme pour la nation américaine et a par conséquent renforcé un sentiment patriotique américain du fait de la perception d’une attaque extérieure contre l’Amérique et ses valeurs. La réaction patriotique est à l’échelle de ce que l’on perçoit d’une attaque extérieure. C’est une première explication de court terme.

Si l’on prend un peu plus de profondeur historique, on peut dire que le patriotisme américain se manifeste plus que du côté français de manière quotidienne. On peut par exemple voir des drapeaux américains devant les habitations, contrairement aux français. D’autre part, pour les événements exceptionnels, on peut voir ses marques d’unité nationale dans le fait que les forces de l’ordre n’ont mis que cinq jours à trouver les auteurs des attentats de boston. Ce qui est important chez le peuple américain, c’est d’afficher son amour de la patrie mais aussi et surtout une fierté patriotique.

En France, la dernière manifestation massive et spontanée du patriotisme a eu lieu à l’occasion des festivités pour la Coupe du Monde de 1998. Si on ne voit que très rarement des drapeaux français brandis par les foules, c’est peut-être une crise de fierté collective. Il y a incontestablement de manière plus continue et durable une expression de patriotisme au quotidien et de manière exceptionnel plus important dans la société américaine.

Les Américains sont-ils plus sensibles que les autres à la notion de menace collective ? Sont-ils plus solidaires ?

On ne peut pas parler d’un peuple américain plus solidaire, car la solidarité s’exprime de manière beaucoup plus ostentatoire en France. L’Etat providence ne s’exprime pas de manière aussi importante aux Etats-Unis qu’en France. C’est plutôt une marque d’unité nationale plus qu’une solidarité concrète. Il y a une expression d’unité très marquée aux Etats-Unis, en particulier lorsque l’Amérique est en guerre. Dans ce cas, c’est une nation toute entière qui soutient son armée, la guerre est facilement perceptible derrière le front, ce qui n’est pas le cas de la France.

Comment cette union nationale se traduit-elle concrètement ?

L’assimilation américaine est beaucoup plus visible que le processus d’assimilation français. Les enfants américains font par exemple le serment d’allégeance au drapeau des Etats-Unis (pledge of allegence). On fête également le jour du drapeau (flag day) aux Etats-Unis, et d’une manière générale les grandes cérémonies du super bowl à l’investiture présidentielle sont l’occasion de moment d’intense ferveur patriotique, toujours de manière très ostentatoire. Pourquoi ? Il ne faut pas oublier que la devise américaine « Pluribus Unum » (« unité dans la diversité»). Cette devise, qui réfère d'abord à l'intégration des 13 colonies indépendantes en un pays unifié, a ensuite pris une signification sociopolitique supplémentaire, de par la nature pluraliste de la société américaine, issue de l'immigration. Tous ces « outils patriotiques » ont la fonction de former et d’assimiler les nouvelles générations d’américains.

D'autres pays partagent-ils cette approche ou est-elle spécifique à la nation américaine ?

Non, je ne pense pas. Pas à cette échelle-là. Les Etats-Unis est le pays où la ferveur patriotique est le plus visible et ostentatoire. Le pays qui ressemblerait le plus aux Etats-Unis de ce point vu là, c’est la France. Ce sont les deux pays qui sont issues des Lumières. Seulement la France n’est pas née de sa révolution, il y a une antériorité dans l’histoire de France tandis que l’acte de naissance des Etats-Unis est la révolution américaine de 1776.

Sous quelles formes se matérialise la solidarité à la française ?

La France est plutôt du côté de la solidarité concrète. L’institutionnalisation de la solidarité, c’est-à-dire le fait que l’Etat prend en charge la solidarité (Etat-providence) dédouane les citoyens de manifester cette solidarité de manière immédiate. L’Etat s’en charge et par l’intermédiaire des impôts les citoyens français contribuent à la solidarité.

C’est d’avantage une crise de fraternité qui traverse la société française. On peut rencontrer par exemple de nombreux jeunes français d’origine étrangère qui ne se reconnaissent pas en tant que français. Il n’y a pas ce sentiment d’appartenir à la même nation, à la même communauté. Une partie de la jeunesse française issue du droit du sol manifeste une distance vis-à-vis de la France qui n’est pas perçue manifestement comme son pays. Mais ce n’est pas un phénomène figé. Si l’on rencontre un français à l’étranger, de manière automatique la fierté patriotique et le sentiment d’appartenir à un même groupe est indéniable.

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Lettres empoisonnées aux Etats-Unis : un suspect arrêté au MississippiBoston : Katherine Russell, la veuve de Tamerlan Tsarnaev, convertie à l'Islam par un "lavage de cerveau"Boston : Djokhar Tsarnaev affirme que son frère "voulait empêcher l'Islam d'être attaqué"Boston : Djokhar Tsarnaev va mieux, Katherine Russell, la compagne de son frère est "sous le choc"

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !