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De la Bible au RMI, ces chômeurs dont on a toujours eu peur !
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Rien de nouveau sous le soleil

Alors que le nombre de sans emploi atteint un nouveau record en octobre (2 814 900 ; en hausse de 1,2 %), embarquement pour une petite "histoire du chômage"...

Atlantico : Le chômage passe pour être le mal du siècle. Or, selon votre ouvrage « Une histoire du chômage » (Perrin, 2011), il s'agit d'une hantise vieille comme le monde...

Yves Zoberman : Oui, le terme de « chômage » vient de très très loin. Dans la Bible, le septième jour est déjà considéré par beaucoup comme un jour chômé. Mais plus que tout, on a peur de l'oisiveté. On la trouve partout – y compris dans des paraboles ou dans l’Ancien testament où des passages entiers exhortent les gens à travailler. Moïse dit notamment au peuple juif de respecter les commandements sinon il ne trouvera pas de travail et ne pourra même pas se vendre comme esclave ! Il y a donc pire que l’esclavage : le chômage. Dans le Nouveau testament, dans certaines paraboles, à l’instar de celles où est dit que  « les premiers seront les derniers », le patron cherche à embaucher le plus de personnes possible de peur d’en voir certaines sur le carreau… Non seulement par charité mais aussi par peur de voir l'inactivité faire" tâche d'huile" et devenir source de troubles !

Quand apparaît le chômage au sens où on l'entend actuellement ?

Le chômage apparaît à l’heure industrielle vers 1896. On en dénombre deux types : le chômage -historique- faute de travail et le chômage faute d’emploi que nous connaissons depuis la fin du XIXe siècle. En fait, le chômage faute d’emploi est lié à l’apparition des statistiques dans lesquelles policiers, médecins et sociologues ont essayé de décrire les bons et les mauvais chômeurs. En effet, l’un des antécédents du chômage est le vagabondage et la mendicité. On craignait tout ces gens car ils étaient dans le rue, dans l’espace public sans travail. Il s’agit de l’oisiveté des pauvres, l’oisiveté subie.

La peur des chômeurs est-elle une constante de l'Homme ?

Oui, la présence de personnes qui ne font rien est jugée comme potentiellement dangereuse car l’oisiveté peut être génératrice de troubles. C'est une constante. On a eu toujours eu peur de ceux qui ne travaillaient pas. Rappelons-nous la thèse de Foucault sur la folie et l’enfermement dans laquelle il examine ce qui se passe du XVIe siècle au XVIIIe siècle. Les Anglais ont en effet créé -dès les années 1601- les Workhouses (trad. Les maisons de travail), des endroits pour enfermer les gens qui sont oisifs et pauvres afin de les mettre au travail force… Les Français ne sont pas en reste. Ils ont créée les "hôpitaux généraux" qui n’ont d’hôpitaux que le nom puisqu’on y enfermait également des pauvres pour les forcer au travail.

Pourtant, on déplore alors certains effets pervers. En dehors du fait principal que le traitement infligé à ces hommes était la plupart du temps inhumain, ces internés travaillaient en étant peu payés et créaient donc une concurrence déloyale vis-à-vis des travailleurs libres.

Alors, après avoir essayé d’intégrer de force  les oisifs au travail, l’histoire bascule avec une autre approche : la création d’un « Revenu minimum d’insertion » (RMI) en Grande-Bretagne, dès 1795 : c'est la loi de Speenhamland.

Est-on dans du keynésianisme avant l’heure ou dans la charité ?

Ni l’un ni l’autre. C’est de la surveillance des pauvres ! Les Britanniques voyaient que les pauvres d’Angleterre pouvaient -avec le début de la libéralisation du marché du travail- traverser le pays pour aller chercher du travail dans une autre ville –ou région- que celle où ils vivaient. Le pouvoir dans l’impossibilité de les suivre à la trace partout, perdait le contrôle des masses populaires pauvres. Or, voir des pauvres aussi libres que des riches a insupporté le pouvoir…

On a donc pensé à un système pour les « sédentariser » en leur allouant une indemnité par tête pour qu’ils restent à l’endroit où ils habitent. Ils touchaient cette indemnité, qu’ils travaillent ou non. Les pauvres ne mourraient plus de faim ; ce fut l'effet positif de cette loi. Mais cette indemnité « par tête » a provoqué deux effets pervers. Tout d'abord, elle a encouragé les classes populaires a faire plus d’enfants, car à chaque enfant qui naissait c'était une indemnité supplémentaire. Cela créa plus de pauvres, en fin de compte. Ensuite, les entrepreneurs privés voyant que les pauvres avaient une indemnité « de base », pouvaient les faire travailler en ne les payant qu’un tout petit plus. Finalement, ceux qui n’étaient pas assez pauvres pour obtenir l’indemnité de base, n’étaient plus employés car ils devenaient trop chers pour les entrepreneurs et tombaient à leur tour dans la pauvreté… La loi fut abandonnée en 1834 – date à laquelle le marché s’est complètement libéralisé.

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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