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Régime 5:2 : changer de vie 2 jours sur 7, méthode efficace ou attrape-gaga ?
©Reuters

Connais-toi toi-même

Ce régime alimentaire consiste à organiser sa semaine en 5 jours "plaisir" et 2 jours "sérieux". Cette méthode peut-elle s'appliquer à des domaines autres que celui de l'alimentation ?

Jacques Fradin

Jacques Fradin

Jacques Fradin est médecin, comportementaliste et cognitiviste.

Il a fondé en 1987 l'Institut de médecine environnementale à Paris. Il est membre de l’Association française de Thérapie comportementale et cognitive.

 

 

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Atlantico : Vie amoureuse, carrière professionnelle, budget, humeur… Dans son nouveau livre "5:2 Your Life", la journaliste britannique Kate Harisson préconise d'appliquer le régime 5:2 pour améliorer au quotidien tous les domaines de sa propre vie. L'auteur invoque en outre une thérapie cognitive du comportement pratiquée par les hôpitaux publics en Grande-Bretagne, qui veut que l'on se "récompense" en effectuant une tâche qui nous ferait plaisir. Il suffirait selon Kate Harisson de choisir l'un des deux jours de "détox" du régime 5:2 pour y pratiquer la lecture, la télévision ou un soin du corps. N'est-il pas plus sain de s'accorder ce genre de plaisir de façon plus régulière ?

Jacques Fradin : L'organisation actuelle du temps, c'est cinq jours de travail, deux jours de loisirs. Pour qu'il y ait une coïncidence entre plaisir et majorité du temps, il paraît nécessaire de faire coïncider plaisir et performance, c'est-à-dire qu'on soit capable d'injecter un style qui soit personnel, afin que l'on trouve du plaisir non plus dans une activité, mais dans une façon de faire, nos plaisirs n'étant pas les mêmes, et le rythme avec lequel on en a besoin étant aussi différent. L'affirmation de soi dans une activité peut avoir autant d'impact sur le plaisir éprouvé que l'activité en elle-même. On sort un peu de la dualité "plaisir-contrainte". Je crois davantage à cela, parce que je doute que dans une vie professionnelle par exemple on arrive à gérer toutes ses contraintes en deux jours. Mais je pense que l'on peut transformer l'exécution d'un grand nombre de contraintes dans des activités beaucoup plus plaisantes parce qu'on les met à sa portée. On en fait un style, on l'assume socialement, familialement. Effectivement, on s'aperçoit aussi qu'il existe une minorité de tâches qu'on n'arrive vraiment pas à réduire à des activités plaisantes. En thérapie cognitive, on n'apporte jamais de solution toute prête. On prépare les individus, avec des méthodes qui changent suivant les personnes. On est très loin du régime "alimentaire" où l'on fait "ce qu'on veut" pendant cinq jours, et où on se contraint (ou prend du plaisir) pendant les deux autres jours !

N'y a-t-il pas d'autres moyens plus efficaces d'agir positivement sur sa vie de tous les jours, sur son humeur et son état d'esprit ?

On peut regrouper les contraintes. Tant qu'à passer en apnée, autant être efficace, et éviter d'aller polluer des périodes entières. En revanche, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de s'imposer une contrainte supplémentaire en planifiant trop la durée ou la liste des choses à faire, sauf si l'on a la personnalité pour. Chacun son style. Certains se reconnaîtront dans le modèle exprimé, mais que ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce modèle en profitent pour s'affirmer. Sur le fond, la problématique de joindre l'utile à l'agréable est saine, et rien ne nous en empêche. C'est surtout le cas de ceux qui ont un métier qui les passionne, ou qui arrivent à éduquer leurs enfants sans en faire une contrainte. Et pour les gens qui n'ont pas choisi le métier, le milieu social ou les environnements qui leur plaisaient, l'expérience montre malgré tout qu'il est rare que l'on n'arrive pas à se rattraper en misant sur le plaisir et sur la façon de le gérer. Quand on sort du moral pour passer dans l'épicurien, on gagne son temps.

A-t-on besoin de tels principes en Europe, et en France ? Ou est-ce plutôt un phénomène culturel anglo-saxon ?

C'est un phénomène culturel centré sur la Grande Bretagne pour le moment. Mais ça me rappelle une règle du behaviorisme ancien, la règle de "bonne maman", qui veut que l'on "fasse son lit" et que l'on "aille jouer après". C'est un schéma cognitif de base des pays occidentaux en particulier, qui veut que l'on fasse les corvées d'abord et qu'ensuite on voie si on a des loisirs. Certaines personnes qui seraient de trop bons élèves ont en effet pu "faire leur lit" pendant quarante-cinq ans, et "aller jouer" à la retraite. Certaines personnes, dans certaines cultures ont tellement subi le conformisme social qu'ils ne savent même plus ce que veut dire le plaisir. Ou alors pour eux il est indissociable de la reconnaissance des autres. En France, nous avons un peu plus tendance à nous individualiser, et nous avons un peu moins besoin qu'on nous rappelle que notre bonheur ne passe pas que par les autres. Quitte à ce qu'on nous rappelle que le collectivement utile l'est aussi à chacun.

Les conseils de bon sens prodigués enfoncent-ils des portes ouvertes, ou certaines personnes ont-elles besoin d'une piqûre de rappel ?

Comme tous ces systèmes rigides et projectifs, les conseils du régime 5:2 appliqués à la vie de tous les jours sont à la fois évidents pour certains, et un rappel pour d'autres. Prendre du temps pour soi est une nécessité psychologique. Il suffit simplement de consacrer un peu plus de temps à soi pour avoir plus d'énergie. Le mode "5:2" pour la vie de tous les jours n'est pas un régime miracle. Le problème de l'équilibre entre les contraintes et les moments pour soi est surtout extrêmement personnel, et modulable selon les semaines ou les moments. On se consacrera exclusivement à sa famille pendant un temps, et au contraire il y aura des moments où il faudra se retirer seul. Il n'est pas nécessaire de planifier des moments précis pour soi. Dans le milieu du travail par exemple, il suffit d'être à l'aise avec un client ou un collaborateur pour être plus détendu, se lâcher, et être plus performant. Pour moi le "tout prêt" ne va très souvent concerner qu'une minorité. Les introvertis ont toujours besoin de préparer une action avant de la faire, donc ils n'auront pas vraiment besoin de cette méthode. Quant aux extravertis, ils agissent d'abord et réfléchissent après. Cette méthode ne leur conviendra donc pas. Faisons confiance à notre capacité d'intelligence et de souplesse, et essayons de trouver nos solutions au cas par cas. Par ailleurs, plus on mélange le futile et l'utile, mieux on se porte.

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