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Certains patrons jouent sur les peurs, les angoisses et les frustrations de la personne, ce qui n’est plus qualifiable de management mais de terrorisme, éminemment condamnable.
Certains patrons jouent sur les peurs, les angoisses et les frustrations de la personne, ce qui n’est plus qualifiable de management mais de terrorisme, éminemment condamnable.
©Flickr

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Pour faire rester ses employés plus longtemps dans les bureaux, rien de tel qu'une petite bière tendue par le manager. Cette pratique qui revient en force dans les start-up de la Silicon Valley a beau ne pas avoir cours dans les sociétés françaises, ces dernières ne manquent pas de techniques pour motiver les salariés. Petit tour d'horizon de ces manipulations, bienveillantes pour certaines, destructrices pour beaucoup...

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : D’après le Wall Street Journal, l’alcool opère un retour en force dans les entreprises, notamment dans les sociétés innovantes de la Silicon Valley. Celles-ci réussiraient par ce moyen à faire rester leurs employés plus longtemps sur leur lieu de travail. S’agit-il d’une pratique managériale comme une autre, et celle-ci a-t-elle cours en France ?

Xavier Camby : Les responsables limitent autant qu’ils peuvent, voire prohibent,  tout alcool sur leur lieu de travail, pour des raisons sanitaires et relationnelles évidentes. Car pour célébrer un événement au sein d’une équipe, il est préférable de le faire en dehors du lieu de travail, ou dans un environnement encadré. Ni en France, ni en Suisse, ni au Québec où j’ai travaillé, je n’ai assisté à une telle pratique managériale. L’effet serait même l’inverse de celui recherché à la base, car le manager qui penserait à boire alors qu’il lui reste du travail se déconsidérerait lui-même.

Il existe en revanche une pratique managériale qui nous vient du monde anglo-américain, où on a coutume le vendredi soir à partir de 17h, de célébrer la semaine dans un bar ou dans un pub. On peut y boire une simple bière, ou aller bien au-delà.

Si ce procédé n’est pas retenu en France, quelles sont les autres techniques managériales dans l’air du temps ?

Le management est une méthode fondée sur des processus et l’attention à la personne. Les managers méthodiques sont malheureusement peu nombreux. Ne pratiquant pas leur propre méthode, ils appliquent des « trucs ». Pour augmenter la durée de travail, le plus simple et d’avoir recours à la loi de Parkinson, qui consiste à augmenter la charge pour exploiter tout le temps disponible de la personne. Il suffit par exemple de confier un dossier à 16h en demandant qu’il soit traité pour le lendemain. Au lieu d’y passer une heure de son temps, il en consacrera dix. En augmentant toujours le nombre de dossiers, on provoque une compression du temps qui augmente la productivité. Cette pratique est particulièrement dangereuse, car elle est génératrice de stress, positif au début, mais qui devient très rapidement négatif si elle se transforme en habitude.

A l’inverse, quelles méthodes managériales participent d’une attitude bienveillante à l’égard des salariés ?

La première technique fondée sur la convivialité pour améliorer l’efficacité des salariés est celle de la porte ouverte. Sinon, le simple fait pour un manager de faire le tour des bureaux pour aller à la rencontre de ses subordonnés favorise considérablement l’instauration d’un climat propice à la bonne entente. De plus en plus, on assiste à des micro-réunions : le manager rassemble pour seulement quelques minutes et de manière spontanée les salariés pour prendre une décision commune de manière immédiate, ce qui a un effet de dynamique très fort. L’une des techniques les plus originales que j’ai pu voir consistait pour un manager à débuter chacune de ses rencontres par une plaisanterie. Dans la même veine, les salariés peuvent être incités à faire des blagues entre eux, comme scotcher des cartes de visite pour qu’elles viennent toutes en même temps, ou répandre de la colle sur le combiné d’un téléphone… L’objectif est de détendre l’atmosphère en restant bienveillant.

Même si les techniques employées restent bienveillantes, peut-on dire que les salariés sont manipulés par leurs managers ?

Etymologiquement, manipulare signifie « prendre par la main ». Sans utiliser le sens péjoratif du mot, un manager doit conduire, mener par la main ses subordonnés. En ce sens, il utilise des techniques pour les encourager à être plus heureux, épanouis et efficients. En revanche une manipulation beaucoup plus perverse peut se faire aux dépens de la personne si elle n’est pas complice, pas au courant qu’elle va se faire accompagner : dès lors on rentre dans une logique d’instrumentalisation malheureusement fréquente. On joue alors sur les peurs, les angoisses et les frustrations de la personne, ce qui n’est plus qualifiable de management mais de terrorisme, éminemment condamnable.

Que le management soit critiquable ou respectueux des personnes, les salariés ont-ils dans tous les cas intérêt à identifier les techniques mises en œuvre ? Une prise de recul s’impose-t-elle systématiquement ?

Absolument, car on a les managers qu’on mérite. Le manager ne pourra pas se laisser aller à adopter des attitudes qui seraient contraires à son propre intérêt. On est toujours un petit peu responsable de la façon dont on est managé, car il est du devoir de chacun de se manifester lorsqu’on considère qu’une relation est biaisée. Il faut pouvoir prendre le recul nécessaire et avoir la latitude de dire de façon calme et apaisée ce que l’on pense du management dont on est l’objet.

Beaucoup de managers sont dans l’incapacité d’entendre les critiques, car ils sont dans une position hiérarchique à laquelle eux-mêmes n’ont pas été formés. Le manager « non toxique » ne se fait pas de mal à lui-même et fait du bien à son entourage, que ce dernier soit professionnel ou personnel. Mais on apprend trop peu aux managers à tirer le meilleur de leurs subordonnés sans les « abîmer » et les frustrer.

Quelle posture faut-il adopter pour se protéger des manipulations  de managers abusifs ?

Il faut d’abord prendre le recul nécessaire pour s’en rendre compte, puis contextualiser pour comprendre l’attitude du manager : que veut-il obtenir de moi qu’il ne peut pas me demander directement ? Ma relation avec lui est-elle juste et normale ? De plus en plus, dans les sociétés se développent des instances de médiation dans lesquelles les DRH jouent un rôle important de conseil.  La conception pyramidale et autoritaire de la hiérarchie présente dans la plupart des entreprises rend la communication difficile, car le manager pense généralement qu’il a raison parce qu’il est le chef. Cette attitude, en suscitant beaucoup de conflits, conduit à des échecs quasi systématiques, car elle produit ce qu’on appelle le « sabotage inconscient » : comme vous êtes obligé de lui obéir, vous dites « oui » à votre manager, mais derrière se cache en réalité un « non » qui vous amènera à souhaiter qu’il échoue dans chacune de ses entreprises. Mais vous aurez beau être dans une posture de sabotage, la responsabilité incombera au manager.

Propos recueillis par Gilles Boutin

A lire sur le même thème, par un autre auteur : Petit guide anti-manipulateurs. Partie 1 : Comment les reconnaître, Jacques Regard, Editions Eyrolles. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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