Les jeunes Japonais n'ont jamais été aussi peu nombreux : quel est le prix à payer pour un pays sans enfants ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les jeunes Japonais n'ont jamais été aussi peu nombreux
Les jeunes Japonais n'ont jamais été aussi peu nombreux
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Catastrophe démographique

D’après les derniers chiffres publiés, le nombre de Japonais de moins de 15 ans, soit 16,49 millions de jeunes, a baissé de 150 000 en 1 an, pour ne plus représenter que 12,9 % de la population totale. Talonné par l'Allemagne et l'Italie, le Japon dessine un sombre avenir démographique qui pourrait être celui de nombreux pays développés.

Gilles  Pison

Gilles Pison

Gilles Pison est démographe, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle, conseiller de la direction de l’INED (l’Institut National d’Etude Démographique). Gilles Pison a publié « Atlas de la population mondiale » aux éditions Autrement. 

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Atlantico : En baisse pour la 32e année consécutive, le taux de natalité du Japon a atteint un niveau historiquement faible : les moins de 15 ans ne représentent plus que 12,9% de la population totale du pays. Quelles sont les perspectives d'évolution de la population japonaise ?

Gilles Pison : La population du Japon diminue d’année en année en raison de décès plus nombreux que les naissances. Les Japonaises ont 1,4 enfant en moyenne chacune, soit nettement moins que 2,1 - le seuil de fécondité pour assurer le renouvellement de la population à terme. Les projections annoncent une baisse de 30 millions d’habitants d’ici 2050, soit le quart de la population du pays.

Les démographes japonais tentent d’alerter les autorités et la population. L’Institut national de recherche japonais sur la population et la sécurité sociale a publié en 2006 des projections jusqu’en l’an 3000, ce qui est excessif, personne n’ose se projeter aussi loin. Mais l’idée était de frapper les imaginations. Si la fécondité se maintenait au niveau d’aujourd’hui, dans un millénaire, le Japon ne compterait plus que 10 personnes, autrement dit il n’y aurait plus de Japon. Inconcevable pour un Japonais.

À court terme, c'est-à-dire les prochaines décennies en langage de démographe, le Japon va se retrouver face à une diminution des effectifs d’âge actif et des problèmes de recrutement.  Les pays développés ont traditionnellement recours à la main d’oeuvre immigrée en cas de besoin. Mais le Japon est jusqu’ici resté un des pays les plus fermés à l’immigration. S’ouvrir à celle-ci et accepter un métissage de sa population est pour lui l’un des grands défis de demain.

Les tendances sont-elles les mêmes en Allemagne ?

L’Allemagne a en commun avec le Japon une fécondité relativement basse, moins de 1,4 enfant par femme ces dernières années. Comme au Japon, les décès sont plus nombreux que les naissances, l’excédent ou « solde naturel » se chiffrant aujourd’hui à 200.000 par an. Mais, différence avec le Japon, ce solde naturel négatif a été compensé ces dernières années par un solde migratoire, différence entre les entrées et les sorties de migrants, positif et de niveau au moins aussi important. Résultat, la population de l’Allemagne ne diminue pas.

Dans les prochaines décennies, le solde naturel va se creuser en raison notamment de l’arrivée aux "âges élevés" des générations nombreuses nées entre 1935 et 1970. Si l’Allemagne veut maintenir sa population, le solde migratoire devra augmenter et atteindre un demi-million par an voire plus. L’intégration de ces immigrés sera à n'en pas douter l’un de ses grands défis.

La plus forte fécondité en France (18,7% de moins de 15 ans) est-elle un avantage ?

Contrairement au Japon, à l’Allemagne, à l’Italie, mais aussi à beaucoup de pays émergents où la fécondité a baissé nettement en dessous de deux enfants par femme, la France a une fécondité  proche du renouvellement des générations. Le nombre de naissances reste pratiquement le même d’année en année, et ceci depuis plus d’un siècle, ce qui confère à sa pyramide des âges une forme cylindrique. Les projections annoncent que les naissances pourraient continuer à se maintenir au cours des prochaines décennies et la population d’âge actif également. Cette constance est un avantage pour la gestion de la pyramide des âges et des besoins, par exemple en matière scolaire ou sanitaire. Le manque de main-d’œuvre devrait être moindre à terme, même si l’immigration continuera à pourvoir à certains emplois dont les natifs ne veulent pas.

Mais cette situation n’empêchera pas la population de la France de continuer de vieillir en raison de l’allongement de la durée de vie. Le vieillissement démographique s’y effectuera en revanche moins rapidement que dans les pays à très basse fécondité, et il sera au final moins prononcé, ce qui peut être considéré comme un avantage étant donné les défis qu’il pose.

Pour en savoir plus :

Gilles Pison – France-Allemagne : histoire d’un chassé-croisé démographique. Population et Sociétés, mars 2012, 487: http://www.ined.fr/fr/ressources_documentation/publications/pop_soc/bdd/publication/1585/

Jacques Véron – Le Japon face au déclin annoncé de sa population. Population et Sociétés, octobre 2008, 449: http://www.ined.fr/fr/ressources_documentation/publications/pop_soc/bdd/publication/1371/

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