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Lutte contre le Coronavirus : ces failles intellectuelles qui fragilisent la méthode française
©Reuters

Coronavirus

La pandémie du SARS Cov-2 à surpris le monde entier et révélé ses fragilités. Notamment en France, où la réponse des dirigeants à l'épidémie, parcellaire et risquée, démontre leurs nombreuses lacunes.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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L’urgence climatique imminente était en fait une redoutable épidémie virale à grande vitesse de propagation. La “nature ingrate”, aidée par les mutations spontanées d’un virus, a laissé surgir un nouveau SARS de son réservoir zoonotique. La pandémie prévisible, modélisée dès le 17 janvier menace une partie de la population mondiale et toute son économie. Oui la “nature ingrate” disais-je car tout cela s’est produit juste après que de nouveaux dirigeants encore plus convaincus de l’urgence climatique aient été nommés à l’UE et que Mme Von der Leyen ait annoncé son intention de dépenser 1000 milliards pour la transition écologique. Rien n’est écrit et c’est nous qui sommes fragiles, les dangers pour l’homme ont toujours été aléatoires: cette leçon évidente au regard de l’histoire a été gommée par les décennies de progression de notre niveau de vie, de notre longévité. Pour autant cette incertitude des événements menaçant l’espèce humaine peut être réduite, l’intelligence permet d’établir la quantification du risque et sa probabilité de survenue, avant, pendant et après l’évènement. Or nos sociétés européennes, ignorant ce risque, ont dû passer de l’insouciance conviviale à l’alerte sanitaire et au confinement indifférencié entre la fin décembre et le mois de mars 2020. Il était temps de réaliser. Mais y rester représente un danger aussi grand. Depuis le début de l’épidémie COVID-19 la question qui se pose est la même: comment faire pour diminuer la transmission du virus tout en assurant la poursuite de la production de biens et services? Car les deux sont essentiels à notre survie.

Les avocats de la décroissance ont ils fini par atteindre le sommet de l’état ?

La question de la pérennité de l’activité économique n’est pas celle de la production “indispensable à la nation”.

On se croirait revenu après la Nouvelle Politique Économique dans l’URSS de Joseph Staline. L’activité économique n’est pas divisible et arrêtable selon des critères administratifs. Toutes les activités économiques sont indispensables, elles sont reliées, et les productions sont innombrables qui contribuent à la valeur ajoutée finale. Les entreprises sont des plateformes aux interconnexions multiples et surtout il faut continuer, accélérer et valoriser l’innovation qu’elle soit liée à l’épidémie ou non. Seules les activités économiques produisant des biens et des services liés à des loisirs, des mobilités ou des évènements où existent des risques d’augmentation de la transmission doivent être stoppées. Cependant il est nécessaire de les réévaluer si les acteurs inventent une organisation parfaitement sécuritaire et conforme aux prescriptions. Ceci doit être encouragé car la gestion de cette épidémie peut être longue en particulier si des résurgences apparaissent et la soutenabilité des restrictions d’activité est inversement proportionnelle à leur nombre.

Le confinement total ou le faux espoir de triompher du virus pour périr économiquement

Le Conseil d’état (CE) a été saisi par un collectif de “jeunes médecins”, l’Ordre et le syndicat des Internes la semaine dernière. Le but était de contraindre l’état à imposer un lockdown à durée indéterminée et à fournir des tests. La décision est parue hier. Pour la première requête c’est bien parti, le CE qui ne connaît rien à la transmissibilité virale ni aux effets bénéfiques de l’activité physique sur l’immunité ne veut pas que vous sortiez et encore moins que vous courriez. Les bases scientifiques de sa décision sont absentes de l’arrêt. Il suggère fortement au PM de revoir sa copie et de l’écrire de manière à ce que l’état, dont l’impéritie a été grande, reprenne le contrôle de vos sorties devant chez vous en marchant, en courant ou en vélo. Le CE apparaît favorable dans son raisonnement à un lockdown économique mais ne l’impose pas car il estime que l’état est incapable d’y pourvoir. Enfin pour les tests, instrument essentiel d’une politique intelligente, le CE considère que le gouvernement a tout fait et qu’il impossible de le contraindre puisqu’il a rempli cette obligation de moyens. Nous allons donc aller vers plus de contraintes et moins de diagnostics certains. Sera-ce vers plus d'efficacité? Il est rationnel d’en douter.

La décroissance est la pire des solutions qui se nourrit d’un aléa moral

Nous recommençons à entendre ceux qui n’ont pas vu arriver le TGV qui décime l’Europe, Mrs Hulot, Jadot ou d’autres. Ils n’ont pas de solution mais voudraient culpabiliser encore un peu plus les populations de cette planète alors que c’est une épidémie qui ne doit son génie maléfique qu’à sa capacité de survie et de mutation comme toutes les autres dans notre histoire, HIV, Zyka, Ebola, SRAS, MERS, Influenza… Pour autant ils ne sont pas au pouvoir et ce qui est inquiétant c’est le discours officiel. En effet lors de son intervention le président de la république a évoqué le chômage partiel dans des termes qui conduisent aujourd’hui à considérer que l’état prendra en charge le chômage partiel dans tous les cas sans exception. Il n’en fallait pas plus pour que certains acteurs économiques choisissent l'aléa moral. L’aléa moral consiste pour une entreprise assurée contre un risque à se comporter de manière plus risquée que si elle était totalement exposée au risque. L’arrêt de l’activité doit être dissuadé.

Les macroniens s’enfoncent dans leur approche hospitalo-centrée

Partie de Wuhan (Hubei, Chine) l’épidémie se développe vers l’ouest, destination des échanges avec l’Europe et vers l’est c’est à dire les USA. Non seulement l’Europe est touchée mais elle est l’épicentre de l’épidémie et le nombre de morts a dépassé celui de toute la Chine. L’Italie du Nord est le siège d’une catastrophe avec une mortalité élevée comme l’Espagne. Dans le Grand Est de la France un foyer épidémique de grande ampleur s’est déclaré depuis le rassemblement d’une église évangélique… Le système de soins public est dépassé ce qui était prévisible. Pourtant toutes les ressources ne sont pas mobilisées. Comment peut on imaginer que le secteur hospitalier privé puisse avoir été tenu à l’écart? Comme pour la mise à l’écart des médecins généralistes c’est un choix délibéré. En effet ce n’est pas au moment d’une demande maximale que l’offre de soins doit être réduite. Plusieurs dizaines de lits de réanimation sont disponibles et restent disponibles dans les hôpitaux privés en raison du report des interventions programmées. Pourquoi l’ARS, dont le rôle devrait se cantonner à ces situations d’urgence sanitaire, n’a-t-elle pas coordonné toutes les capacités d’hospitalisation? Ce sont là des questions extrêmement importantes qui ne doivent pas faire oublier que le pays de tant de réussites industrielles n’a pas de masque, de solutions hydro-alcooliques, de test diagnostique et peine à en produire. Tout semble dicté par la pénurie d’un système de santé publique abandonné et inspiré par une vision exclusive hospitalo-centrée qui ne repose sur aucune base scientifique. Les errements du discours officiel sur les masques, sur la fermeture des frontières, sur l’école, sur les tests en témoigne.

Les autres pays européens tirent parti des erreurs des pays du sud

Pandémie

Plusieurs pays ont rapidement mis en place une communication adaptée en temps réel en parlant plus tôt que l’OMS de pandémie. C’était approprié car la réalité très fidèlement imagée par les tableaux de bord de la diffusion planétaire du virus permettaient de l’affirmer.

Frontières

Ce sujet a divisé les pays de l’UE. Il est évident aujourd’hui que le contrôle des frontières est un instrument de sécurité dans une pandémie. On ne peut pas affirmer l’évidence que les virus ne se déplacent que dans un hôte biologique et refuser de contrôler intelligemment les flux aux frontières physiques. Là aussi, par idéologie des erreurs ont été commises.

Test de diagnostic du SARS-CoV-2

Depuis le début les tentatives de justifications rationnelles à propos des tests diagnostics n’a abusé personne. C’est l’absence de tests qui en est la cause. L’Allemagne a conservé le système de soins dans son organisation habituelle et les tests ont été pratiqués sur prescription des médecins généralistes par plus de 400 laboratoires. Comme pour tout autre pathologie. Il n’est jamais trop tard pour bien faire car nous nous installons peu à peu dans la durée de la pandémie. Faire des tests diagnostic pour rechercher le virus ou les signes d’une réponse immunitaire protectrice est fondamental pour les patients et pour le contrôle différencié de l’épidémie en France.

Quarantaine

Une grande confusion règne sur les définitions des mesures et c’est préjudiciable. Nous étions bien partis après le rapatriement de nos ressortissants de Wuhan. L’organisation fut presque parfaite. Nos ressortissants n’ont pas contribué à la transmission. Dès lors que ce schéma a été expliqué et compris par tous comment justifier la suite? Comment refuser aux français les tests qui permettent un diagnostic plus fiable et la mise en quarantaine (avec l’organisation qui va avec) des personnes contaminantes? Comment faire comprendre que l’on impose un confinement indifférencié voire un lockdown à tous alors que le diagnostic des personnes contaminantes est possible et nécessaire car elles sont les plus nombreuses?

Le confinement indifférencié est uniquement une mesure de protection immédiate dont il faut sortir au plus vite

À l’école l’instituteur sait qu’il ne faut pas punir tout le monde quand on peut identifier les fauteurs de trouble. C’est pareil pour l’épidémie, il faut contraindre au confinement jusqu’à ce que les comportements, les organisations, les mobilités soient en place pour casser la transmission et permettre de travailler en sécurité. Il faut organiser le dépistage par les tests et ainsi mettre en quarantaine les individus positifs. Il faut confiner strictement les fragiles, dont les critères sont connus et que les médecins peuvent alerter pour qu’ils ne prennent aucun risque. Enfin le confinement différencié s’adresse aux personnes qui travaillent à l'extérieur et qui doivent rentrer directement à la maison. Il s’adresse aussi dans le cadre familial aux vecteurs qui peuvent effectuer des télé-activités, du télé-enseignement, du télétravail depuis leur domicile mais sans leur interdire de sortir seul pour des activités comme les courses, le sport et ce à pied ou en vélo. Ainsi la société civile redevient capable de fonctionner, de fournir les biens et services sans favoriser la transmission et ce pour plusieurs semaines. Car il y a une courbe d'apprentissage individuel et si nous ne faisons pas cet apprentissage le risque de résurgence augmentera. À l’inverse le confinement indifférencié dans la durée sera un échec par non observance et/ou effondrement économique. Il n’est pas possible que l’état incapable de faire respecter les consignes et les conditions de fonctionnement qui cassent la transmission par une minorité impose à tous des restrictions d’activité qui au final sont excessives et délétères. Certains pays l’ont compris qu’il s’agisse de l’activité physique ou des marchés.

Finalement il faut s’intéresser au moral des français. Les conséquences psychologiques d’une telle pandémie sont inévitables. En minimisant cette dernière le gouvernement a fait fausse route. Annoncer chaque semaine ou chaque jour que ce qui a été affirmé la veille n’est plus vrai a, le plus souvent, été la conséquence de cette volonté politique de ne pas dire la vérité plutôt qu’un principe de réalité. Or l’excès d’optimisme est pire que la panique. La peur est un sentiment naturel qui comme la douleur ne doit pas être supprimé complètement car le prix à payer est élevé. C’est ce qui s’est passé lorsque les français ont massivement ignoré le danger en ne respectant pas les consignes visant casser la transmission. En dehors des hors la loi habituels ce comportement traduisait l’ignorance, une forme de déni ou l’excès de confiance dans des déclarations imprudemment rassurantes qui d'ailleurs ne venaient pas uniquement du gouvernement. Plus que jamais il faut traiter les français d’abord comme des adultes. C’est très bon pour leur moral.

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