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Pourquoi il faut oublier la question de l’impact des Gilets jaunes sur l’économie française et regarder l’inquiétante situation qui prend forme dans la zone euro
©GEORGES GOBET / AFP

Crise en vue ?

Pendant que la France a les yeux rivés sur le phénomène des Gilets jaunes, les indicateurs de la zone euro commencent à inquiéter dans un contexte ou les menaces économiques s'accumulent pour 2019.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Alors que le gouvernement s'inquiète de l'impact des Gilets jaunes sur l'économie française, l'indice de confiance des consommateurs de la zone euro a connu une nouvelle baisse en ce mois de décembre. Comment décomposer l'ensemble de ces risques ?

Il faut tout de suite évacuer cette question de l'impact des Gilets jaunes sur l'économie, parce que selon les prévisions de la Banque de France, par exemple, il s'agit d'une croissance du 4e trimestre révisée à 0.2% au lieu de 0.4 prévu initialement. Mais sur l'ensemble de l'année, cela représente 0.05 point de PIB, alors que la croissance française était encore à attendue à 2% en juin dernier par le gouvernement et qu'elle sera vraisemblablement de 1.5% au final. Ce qui signifie que les Gilets jaunes expliquent 10% de la baisse. Ce qui est d'ailleurs parfaitement logique en considérant que l'ensemble de la zone euro est concernée par le ralentissement. L'indice de confiance des consommateurs de la zone euro vient d'atteindre, pour ce mois de décembre, son plus bas depuis 2 ans. Et ce ne sont pas les Gilets jaunes qui en sont à l'origine. 

L'INSEE vient également de réviser à la baisse sa première estimation de la croissance du PIB du 3e trimestre, avant les Gilets jaunes, avec un chiffre de 0.3% au lieu de 0.4% initialement prévu. Si l'on veut regarder l'évolution du PIB selon une mesure plus dynamique, c’est-à-dire en évitant de moyenner les chiffres de l'ensemble de l'année (ce qui est le mode de calcul normal et officiel de la croissance) on se rend mieux compte de la situation. En regardant simplement l'évolution du PIB entre le T4 2017 et le T4 2018 prévisionnel (en prenant en compte la prévision de 0.2% pour le T4, chiffre de la Banque de France), la croissance française ne progresserait que de 0.87% pour l'ensemble de l'année, alors que selon le même mode de calcul, la croissance 2017 était de 2.82%. Soit une baisse de 70% de la croissance d'une année sur l'autre. Il faut donc arrêter de se lamenter sur l'effet Gilets Jaunes, parce que la croissance française connaît une décélération importante pour d'autres raisons. 

Quelles sont les causes de ce ralentissement européen ? 

Le premier facteur est le ralentissement de la demande intérieure de la zone euro, suite logique de l'arrêt de la politique monétaire expansionniste de la BCE, dont l'annonce a été suffisante pour faire fléchir l'économie européenne dès le début 2018. Cette baisse de la demande s'observe très bien dans ce graphique publié par la BCE, concernant le secteur manufacturier :

Mais d'autres causes sont encore à signaler. On observe un ralentissement de la demande chinoise, notamment en ce qui concerne le secteur automobile allemand, ce qui a été suffisant pour faire plonger le PIB du pays au T3 2018 (-0.2%). Il faut également évoquer la progressive remontée des taux américains, par la FED, qui commencent également à inquiéter les investisseurs, c'est ce que l'on peut observer par exemple sur les marchés boursiers, et le ralentissement européen n'arrange rien en la matière. (Le CAC 40 a chuté de près de 20% depuis le mois de mai 2018). Mais d'autres sources d'inquiétude viennent se greffer sur ce contexte déjà anxiogène. La première est la possibilité que les autorités américaines décident de mettre des tarifs douaniers en place pour sanctionner le secteur automobile européen. Au regard de l'importance du client américain pour les véhicules haut-de-gamme allemands, il s'agit d'un risque très lourd qui pourrait se matérialiser dans les prochaines semaines. Et il ne faut pas oublier le Brexit. Si le 29 mars, aucun accord n'est trouvé, les dégâts peuvent être considérables, avec une véritable inconnue sur la capacité d'absorption d'un tel choc par le secteur financier. Le contexte est d'autant plus problématique que les européens ne semblent pas vouloir réagir pour le moment. 

Quelles seraient les actions à mettre en place pour éviter que ces menaces ne se transforment en une nouvelle crise économique ? 

C'est le travail de la BCE. Elle est en première ligne parce qu'il s'agit avant tout d'ajuster le niveau de la demande. Si la demande extérieure à la zone euro est en baisse, elle doit être en mesure de le compenser en poussant la demande intérieure à la hausse. Elle doit aussi annoncer aux marchés financiers qu'elle est consciente des risques qui pèsent sur l'économie européenne et qu'elle fera ce qu'il faut pour éviter le pire. Mais le fait est que le mandat de la BCE lui laisse trop peu de latitudes pour faire face à ces situations. D'autant plus que certains gouverneurs semblent se satisfaire de la situation actuelle, aussi longtemps que l'inflation ne menace pas de dépasser le seul fixé de 2%, le monde peut s'écrouler. 

Concernant les risques commerciaux encourus avec les Etats-Unis, le seul moyen d'apaiser la situation est de faire en sorte de corriger nos excédents commerciaux, ce qui passe là aussi par une poussée de la demande intérieure de la zone euro.Soit par la voie monétaire, soit par la voie budgétaire (avec un déficit total de 0% pour la zone euro, il y a des marges de manœuvre importante pour y arriver, et rapidement). La France ferait d'ailleurs bien de se désolidariser de l'Allemagne sur ce sujet, parce qu'objectivement, la France souffre autant que les Etats-Unis de la construction des excédents allemands. 

Enfin sur le Brexit, il paraît évident que l'Union européen suit une logique punitive pour "faire un exemple" pour ceux qui quittent le navire. Ce qui pourrait évidemment avoir un effet très lourd pour le Royaume Uni, mais il ne faut pas négliger le fait que la zone euro est réputée pour son incapacité à agir dans les temps lors de la survenance d'une crise. Il ne fait pas de doute que la Banque d'Angleterre réagirait immédiatement, mais cela est beaucoup moins sur du côté européen. 

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