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La fraude à la Sécurité sociale est estimée à 15 milliards d'euros par an.
La fraude à la Sécurité sociale est estimée à 15 milliards d'euros par an.
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La France perd chaque année 20 milliards

Nicolas Sarkozy devrait aborder à Bordeaux la question des fraudes sociales. On parle de 20 milliards d'euros détournés chaque année par les particuliers... Mais aussi par les entreprises.

Emmanuel Dellacherie

Emmanuel Dellacherie

 Emmanuel Dellacherie est directeur de projet fraude à la Direction de la Sécurité sociale (DSS).

 

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Atlantico : En déplacement à Bordeaux ce mardi, Nicolas Sarkozy devrait aborder la question des fraudes sociales. Vous êtes chef de projet fraude à la Sécurité sociale, pourriez-vous dresser un état des lieux : que représente réellement la fraude en France ?

Emmanuel Dellacherie : C’est d’abord un phénomène multiforme. Quand on parle de fraudes à la Sécurité sociale, on évoque aussi bien les fraudes aux cotisations – principalement le travail au noir ou dissimulé, que les fraudes aux prestations – constatées, elles, par les organismes d’'Assurance maladie, les Caisses d’allocations familiales, ou les caisses de retraite.
Si on essaye d’appréhender ce phénomène en termes d’enjeux financiers, on remarque – même si les chiffres sont à prendre avec précaution, sachant que par définition, la fraude est un phénomène sous-terrain - que l’essentiel de la fraude à la Sécurité sociale repose sur le travail dissimulé et la fraude aux cotisations. On estime - avec beaucoup de prudence -, cette fraude à 15 milliards d’euros par an (1). Alors que pour les fraudes aux prestations, tout type de fraudes confondues, nous serions - selon des éléments de la Cour des comptes -, entre 2 et 3 milliards d’euros par an.

Qui sont les champions de la fraude ? Les arnaques à la Sécurité sociale ou le travail au noir ?

Le grand champion est incontestablement le travail au noir – avec 15 milliards d’euros. Il peut lui-même prendre des formes assez variées. Cela représente à la fois, des entreprises souterraines qui n’ont jamais déclaré leur activité. Ou encore des entreprises qui existent, qui payent leurs cotisations et les impôts, mais ne déclarent pas l’ensemble de leurs salariés. Cela peut être également une sous-déclaration du nombre d’heures travaillées.


Qui est le plus important fraudeur après le travail au noir ?

C’est plus difficile à établir car dans les fraudes aux prestations, il existe des escroqueries commises par les assurés mais aussi des  fraudes à l’assurance maladie qui sont le fait des établissements de soins, ou des professionnels de santé…  En maladie, si l’on tient compte des montants financiers, la fraude est plus le fait des prescripteurs que des assurés. En revanche, s’agissant des fraudes aux allocations familiales, la quasi-totalité de la fraude vient des allocataires.

Cette fraude des allocataires au niveau des Caisses d’allocations familiales, se situe entre 500 et 800 millions d’euros par an. Sachant qu’aujourd’hui, on détecte un peu moins de 100 millions d’euros par an au niveau des Caf : cela signifie qu’on a quand même encore une marge de progrès importante. Même si beaucoup de progrès ont déjà été réalisés pour arriver à identifier une part plus importante des fraudes réalisées au préjudice des Caf, par exemple.
Evidemment si l’on rapporte cela à la totalité des prestations versées par les Caf, cela ne représente qu’un peu plus de 1%. Le phénomène est important, mais cela signifie tout de même que plus de 98 % des prestations sont versées à bon droit, tous les ans en France.


Justement, la France est-elle un mauvais élève en matière de fraude sociale ? Fraude-t-on plus, dans le sud de l’Europe que dans le nord ?

Des travaux ont été réalisés par l’OCDE sur le sujet il y a quelques années. Globalement, il ressort qu’on a un poids de l’économie informelle plus fort dans le sud de l’Europe, en Europe méditerranéenne et dans l’Europe orientale et centrale que dans l’Europe du nord. Ca n’est pas un scoop !
La France a une situation comparable avec celle de l’Allemagne ou de la Belgique, en termes d’évaluation de ce phénomène. Avec cependant, une structuration de l’économie française qui peut expliquer parfois des taux de fraude plus importants. Et notamment l’activité saisonnière. La France est un pays très touristique dans lequel on a recours au travail dissimulé dans des types d’activité tels que les hôtels-restaurants… On constate également une proportion élevée de travail dissimulé dans le BTP (Bâtiment Travaux Publics), les services aux entreprises…

Cette fraude augmente-elle ?

C’est très difficile à mesurer puisque on commence seulement à l’évaluer. On a le sentiment que le travail non déclaré a plutôt tendance à augmenter en période de crise économique. Mais il faudrait mener des études précises là-dessus durant 10 à 15 ans pour le confirmer. Le phénomène demeure somme toute important. On estime ainsi que le travail illégal représenterait entre 3,8 et 4,4% du montant des cotisations recouvrées…

Comment luttez-vous contre cette fraude ?

On augmente les contrôles et on les cible de mieux en mieux. Ces cinq dernières années, on a renforcé les effectifs de contrôle aussi bien dans les Urssaf que dans les caisses prestataires. On dispose aujourd’hui de cellules dédiées en matière de lutte contre la fraude sur le plan national.
Cette professionnalisation du contrôle donne ses premiers résultats. Ainsi, en 2010, on a détecté plus de 450 millions de fraude à la Sécurité sociale. En 2006, nous n’en n’avions décelé que 228 millions ! Et derrière, ce sont des plaintes pénales adressées au Parquet, des pénalités administratives notifiées, des exonérations de cotisations sociales annulées après la découvertes de travail dissimulé… On a un arsenal répressif complet qui permet de sanctionner sévèrement les fraudeurs…
  1. (1) Selon les données du Conseil du prélèvement obligatoire ou l’Acoss - la Caisse nationale des Urssaf.

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