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Temps de travail : 
pas de révolution pour les cadres
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Heures sup'

La Cour de cassation a donné raison, ce mercredi, à un ancien salarié qui demandait le paiement de ses heures supplémentaires, mais n'a pas remis en cause le forfait jour annuel des cadres. Elle a estimé que le plaignant n'était pas soumis à cette réglementation, promulguée en 2000 avec la loi des 35 heures de Martine Aubry. Une nouvelle décision devrait être prise dans les semaines à venir sur l'encadrement plus strict de ce régime spécial.

Christophe Noel

Christophe Noel

Christophe Noel est avocat au barreau de Paris. Il est diplômé d'une maitrise en droit des affaires et d'un DEA du droit des affaires et de l'économie de l'Université Paris-Sorbonne I.

Il est aujourd'hui à la tête de son propre cabinet d'avocat.

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Atlantico : Quel regard portez-vous sur la décision de la Cour de cassation ?

Christophe Noel : Cette décision ne remet pas en causele principe du forfait jour des cadres,mais la Cour de cassation préciseque, s'il y a eu défaillance de l'employeur,le forfait jours est privé d’effet. On retombe dans ce cas dans un décompte horaire. Cette décision ouvre donc la voie à un certain nombre de recours en cas d’abus. Le principe et la validité du forfait jour ne sont pas remis en cause.

Pour autant, la Cour de cassation laisse entendre que si l'employeur est défaillant dans l'application de la convention, qu'il a commis des abus, alors les salariés pourront intenterdes recours pour écarter leur convention de forfait jour et demander le paiement d'heures supplémentaires. Dans cette affaire, la Cour de cassation a sanctionné l'employeur puisqu'il a commis des fautes et des abus.

Cette décision laisse-elle entendre que la justice pourrait juger le forfait jour au cas par cas dorénavant ?

Oui. Contrairement à ce que certains pensaient, ou craignaient, comme les employeurs, le principe du forfait jour n'est pas remis en cause. Maintenant cela risque d'être du cas par cas selon l'application qui en a été faite. Avant avec ce forfait, l’employeur était complètement prémuni contre tout recours pour le paiement d’heures supplémentaires. Depuis cet arrêt de la Cour de cassation, ce n'est plus le cas. Ce n'est plus un rempart infranchissable. C'est une grande nouveauté.

Est-ce un manque de courage de la part de la Cour de ne pas avoir annulé le forfait jour ?

Non pas vraiment. Il ne faut pas oublier que ce forfait est une disposition légale, mise en place par les parlementaires. Le problème, c'est qu'elle n'a pas réclamé davantage de réglementations, de contours, de règles strictes de ce forfait. C'est en tout cas ce que beaucoup ont pensé. Avec cet arrêt, elle ne pose pas de limites, elle n'invalide pas le principe mais elle explique que dorénavant ce sera possible de remettre en cause ce forfait.

Quand les entreprises me demanderont si en mettant un salarié sous le forfait jour, elles s'exonèrent de payer des heures supplémentaires, je leur répondrais de faire très attention. Il faudra qu’elles veillent à ne pas dépasser et à ne pas abuser la convention de forfait, sinon l'arrêt d'aujourd'hui va permettre aux salariés d’intenter des recours. Cette décision n'est pas un coup de tonnerremais il va falloir être vigilant.

Qui sera inquiété par cette décision ?

Ce sont les entreprises qui appliquent la convention de forfait jour de manière trop laxiste. Avant personne ne demandait le paiement d'heures supplémentaires pour des salariés qui étaient sous le forfait jour. C'est une grande première.

Les salariés vont-ils tous vérifier leurs forfaits jours et, pourquoi pas, déposer des recours ?

Je pense que cette décision va donner des idées à certains. Mais, on se rend compte surtout que le forfait jour n'est désormais plus un rempart infranchissable. Désormais, davantage de salariés cadres qui sont soumis au forfait annuel iront aux Prud'hommes pour demander le paiement d'heures supplémentaires.

Va-t-il falloir faire une nouvelle loi ou en tout cas fixer des limites dans les semaines qui viennent ?

Il faut bien évidemment mieux encadrerle forfait jour cadre. C'est d'ailleurs ce que le CEDS, (Centre Européen des Droits Sociaux), a expliqué. Cette instance européenne n'a jamais remis en cause le principe du forfait annuel jour en France. Elle a mis en garde la France sur sa manière laxiste d'appliquer le forfait jour annuel puisqu'il n'existait pas de limites concernant notamment les durées maximales de travail. Les entreprises pouvaient faire travailler des gens jusqu'à 70 heurspar semaine. LE CEDS exigeait que la France fixe des limites conformes au code de travail journalier, un employé ne peut pas travailler plus de 10 heures par jour ou plus de 48 heures par semaine. Mais la Cour de cassation n'a pas répondu aux attentes du CEDS.

Qui peut changer ce forfait aujourd'hui si la justice n'ose pas le faire ?

Ce n'est en tout cas pas au gouvernement de le faire mais plutôt aux partenaires sociaux defixer des nouvelles règles. Ils doivent s'en emparer. Les syndicats doivent se pencher sur la question, notamment ceux des cadres qui sont des syndicats plutôt conciliants, qui acceptent de se mettre autour de la table avec le MEDEF, mouvement des entreprises de France, pour discuter et trouver des accords. Mais on pourrait aussi imaginer un accord national interprofessionnel (ANI),des accords à portée nationale qui regroupent toutes les branches d'activités pour prévoir un encadrement plus strict des conventions des forfaits jours des cadres.

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