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Chasse à la pollution : puisque les énergies recyclables ne suffiront jamais, quelles technologies permettraient de rendre propres les énergies fossiles ?
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De la houille, toujours de la houille

La Chine a mis au point un dispositif permettant de récupérer et de stocker les émissions provoquées par la combustion du charbon. C'est une des solutions envisagées pour réduire la pollution, puisque la consommation d'énergies fossiles n'est pas près de diminuer.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Bien que la disparition des énergies fossiles soit programmée dans les esprits, elles sont encore bien présentes dans notre quotidien, les pics de pollution venant nous le rappeler. La Chine, très dépendante du charbon, s'est engagée dans le développement de technologies permettant de réduire l'impact de sa combustion. Aujourd'hui, de quelles avancées technologiques disposons-nous pour "museler" les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants ? Quelles sont les technologies les plus prometteuses ?

Stephan Silvestre : Les énergies fossiles représentent plus de 80% de la consommation mondiale d’énergie primaire et, si cette proportion baisse lentement, les volumes continuent eux de croître. Cette croissance va se poursuivre sous l’effet de deux facteurs dominants : l’accroissement naturel de la population mondiale et l’élévation de son niveau de vie. Plus d’habitations et plus de voitures induiront inévitablement plus d’énergie. Néanmoins, les pays émergents, comme les développés, chercheront toujours à limiter le recours aux énergies fossiles, pour des raisons à la fois géopolitiques et sanitaires.

Le premier axe est la substitution. Pour ce qui est de la production d’électricité, on connaît les alternatives : hydraulique, nucléaire ou éoliennes. Toutes ont leurs limites et la production d’électricité à partir du charbon ou du gaz reste très compétitive un peu partout. Mais des efforts sont faits et la proportion de ces sources tend à augmenter. Pour le chauffage, la substitution est plus difficile. Le gaz a tendance à s’imposer. S’il est moins polluant que le charbon ou le fioul, il reste une énergie fossile. Enfin, pour la motricité, les solutions sont encore embryonnaires (véhicules électriques, pile à combustible, agrocarburants). Elles progressent, mais il faut bien être conscient que, au rythme actuel, le remplacement du parc automobile mondial – plus d’un milliard de véhicules – nécessitera des décennies, si ce n’est des siècles.

Le deuxième axe est la diminution des rejets lors de la combustion. Pour l’automobile, il s’agit de filtres qui se traduisent par un surcoût des véhicules. Pour la production d’électricité, on travaille sur la capture et le stockage du CO2 (CCS). Là aussi, il y a un surcoût important qui bloquera sa généralisation. Mais il y a aussi des freins techniques : complexité de la capture et nécessité d’acheminer le CO2 sur de longues distances pour trouver les sites de stockage. Cette solution restera donc marginale à l’échelle des émissions mondiales de CO2 (moins de 1%).

Enfin, le troisième axe consiste en la diminution de la consommation, ou amélioration de l’efficacité énergétique. C’est là que les progrès sont les plus prometteurs. Pour l’automobile, cela consiste en la diminution de la taille des moteurs thermiques ou leur hybridation avec des moteurs électriques. Enfin, pour le bâtiment, de très gros progrès ont été faits dans l’isolation et l’utilisation de nouveaux matériaux. Mais, là aussi, on est confronté au problème du remplacement du parc existant, qui nécessitera plusieurs siècles.

Quels sont aujourd'hui les pays et les entreprises les plus en pointe sur le sujet ?

Dans le secteur automobile, pratiquement tous les constructeurs mondiaux et leurs sous-traitants travaillent dans ce sens, avec une avance notable pour les constructeurs japonais et allemands. Les Indiens se sont spécialisés dans les véhicules très petits, voire à air comprimé. Dans le domaine des agrocarburants, ce sont les Brésiliens et les Américains qui dominent le marché. Mais de nombreuses startups biotechnologiques sont très prometteuses, notamment en France. Dans l’aéronautique, Airbus comme Boeing travaillent depuis longtemps à la réduction de la consommation de leurs appareils. Dans la production d’électricité, on peut citer Alstom, qui propose des centrales thermiques affichant des rendements améliorés. Côté CCS, les Allemands ont de l’avance, mais il est peu probable que leurs solutions s’imposent. Dans les matériaux de construction, des Français comme Lafarge ou Saint-Gobain sont très innovants.

Quels sont les enjeux économiques derrière ces techniques ? Sont-elles abordables et pourront-elles un jour le devenir ?

Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, l’enjeu est la maîtrise de la technologie. Face à la montée en puissance de la Chine dans de nombreux secteurs industriels (automobile, aéronautique, centrales électriques), les Occidentaux jouent leur survie industrielle en se positionnant sur ces technologies. Certaines technologies resteront économiquement non viables (CCS), mais d’autres sont déjà rentables et se déploieront plus ou moins rapidement (matériaux nouveaux, biocarburants, moteurs hybrides).

Quel est le potentiel des énergies carbonées propres ? Peuvent-elles devenir la norme ? À mesure que leur efficacité progresse, les énergies renouvelables sont-elles amenées à reculer ?

Qu’on le veuille ou non, les énergies fossiles resteront dominantes pendant encore plusieurs décennies. Partant de là, les pays développés chercheront à minimiser leur impact environnemental. Mais cela ne signifie pas que les énergies renouvelables diminueront, ni en proportion, ni en volume. Fortes du soutien des pouvoirs publics, elles continueront de se développer. Cependant, il faut s’attendre à ce que leur croissance ralentisse en raison des coûts qu’elles entraînent et de la raréfaction des sites d’accueil. Le coup de grâce des énergies fossiles nécessitera une rupture de technologie, comme les algocarburants ou la pile à hydrogène.

Vers quel mix énergétique pourrait-on aller dans ces conditions ?

Le mix énergétique à l’échelle mondiale a peu de sens, tant il diffère d’un pays à l’autre, pour des raisons de disponibilité des ressources, de géopolitique ou encore de climat. Dans le cas de la France, la consommation de carburants va continuer de diminuer, sur la tendance déjà engagée depuis plusieurs années. Ils seront en partie remplacés par des agrocarburants. Pour la production d’électricité, la part du nucléaire diminuera légèrement à la faveur des énergies renouvelables. Elle devrait se situer un peu en dessous de 70% en 2030. Enfin, pour le chauffage, le gaz naturel devrait continuer de se substituer au fioul. Au total, les énergies fossiles devraient représenter environ 45% de notre mix énergétique en 2030 contre un peu plus de 50% aujourd’hui. 

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