"Où va la France ?"
Top 10 des préoccupations des Français : quel bilan pour Emmanuel Macron, chapitre par chapitre ?
Le président de la République s’est invité sur TF1 ce mercredi soir afin de dresser -notamment- « un bilan de son quinquennat ».
Louis Maurin
Louis Maurin est directeur de l’Observatoire des inégalités.
Michel Ruimy
Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.
Jean-Paul Brighelli
Jean-Paul Brighelli est délégué Education de Debout la France. Professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français, il est également l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012).
Arnaud Lachaize
Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien.
Alain Bauer
Jean-Paul Oury
Docteur en histoire des sciences et technologies, Jean-Paul Oury est consultant et éditeur en chef du site Europeanscientist. com. Il est l'auteur de Greta a ressuscité Einstein (VA Editions, 2022), La querelle des OGM (PUF, 2006), Manifester des Alter-Libéraux (Michalon, 2007), OGM Moi non plus, (Business Editions, 2009) et Greta a tué Einstein: La science sacrifiée sur l’autel de l'écologisme (VA Editions, 2020).
Jérôme Marty
Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.
Pierre-Marie Sève
Pierre-Marie Sève est délégué général de l'Institut pour la Justice.
#1 : POUVOIR D'ACHAT
Michel Ruimy : En lien avec les aides publiques, l’INSEE a montré que cette crise sanitaire et économique a été la seule pendant laquelle le pouvoir d’achat a augmenté (+0,6% en 2020) tandis que, de son côté, l’Institut des politiques publiques (IPP) a conclu que l’ensemble des ménages auront vu leur niveau de vie progresser d’environ 1,6% depuis le début du quinquennat, excepté les 5% de ménages les plus pauvres, qui ont perdu jusqu’à 0,5%. Il n’y a donc pas d’absolue clarté.
Au-delà des querelles méthodologiques, l’étude de l’IPP est intéressante pour ce qu’elle révèle des années écoulées. En effet, Emmanuel Macron avait fortement insisté sur la valeur travail lors de son allocution en novembre dernier, non sans fondement : les ménages actifs sont tous gagnants sans exception, avec un bénéfice moyen de +3,5% du fait de la forte revalorisation de la prime d’activité ou de la bascule des cotisations sociales vers la CSG. Le gain en bas de l’échelle des revenus n’est d’ailleurs pas très différent de celui enregistré par les plus riches.
Bien qu’il soit difficile d’expliquer de manière rationnelle ce qui est irrationnel, le ressenti des ménages est différent en raison notamment du prisme naturel selon lequel nous sommes plus sensibles aux mauvaises qu’aux bonnes nouvelles, des dépenses pré-engagées (loyers, dépenses d’eau, d’électricité, télévision, assurances…) - près de 40% de la dépense totale des ménages pauvres contre environ 30% pour celle des ménages aisés - qui contraignent notre liberté de consommer et/ou de l’anticipation d’un nombre important de faillites qui a créé un pessimisme ambiant.
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Ces faits montrent pourquoi l’exécutif a tant de mal à convaincre des effets concrets de sa politique en matière de pouvoir d’achat. A court terme, celui-ci risque d’être affecté par la réapparition de l’inflation les secteurs de l’alimentation et de l’énergie.
#2 : SECURITE
Pierre-Marie Sève : Le quinquennat Macron sera passé comme un fantôme dans l’évolution de la sécurité en France. Si l’on observe les statistiques de la délinquance et de la criminalité, on constate que la délinquance a assez fortement augmenté sur les 10 dernières années. Cette évolution qui a commencé sous Sarkozy s’est poursuivie sous Hollande puis sous Macron. Les agressions (Coups et blessures volontaires) ont augmenté de 30% en 10 ans, les cambriolages ont augmenté de 38%, les violences sexuelles ont doublé et les homicides et tentatives d’homicide ont doublé elles aussi.
C’est donc d’abord du point de vue statistique que le quinquennat Macron sera passé comme un fantôme car il n’aura eu absolument aucun impact sur l’évolution de la délinquance et de la criminalité.
Ensuite, il y a certains points objectifs sur lesquels le quinquennat Macron a lourdement failli.
Le tout premier est peut-être le plus important : la construction de places de prison. C’est le nerf de la guerre contre la délinquance. Sans places de prison, il ne peut y avoir d’action dissuasive contre la délinquance. Emmanuel Macron lui-même le savait puisqu’il avait promis le chiffre relativement intéressant de 15 000 nouvelles places dans son programme en 2017. Cinq ans plus tard, ce sont 2000 places qui ont été construites. Ce nombre est ridiculement bas et marque un vrai point noir de la lutte contre la délinquance. Les moyens n’ont clairement pas été pris.
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Autre point noir qui montre à quel point Emmanuel Macron n’a pas pris la mesure du problème, ce sont les recrutements de magistrats. Depuis une dizaine d’années, le nombre de nouveaux magistrats, fixé chaque année par le ministre de la Justice, tournait autour de 250 places annuellement. Un nombre encore insuffisant à beaucoup de points de vue mais qui marquait une accélération par rapport aux années 2000. Mais cette année, le nombre de magistrats recruté sera de 195, le plus bas niveau depuis 10 ans. Comment le ministre de la Justice explique-t-il ce nombre ? ne sait-il pas qu’une Justice pauvre est une Justice inefficace ?
Enfin, au niveau symbolique, Emmanuel Macron n’a jamais eu de ligne intellectuelle claire : il a oscillé entre le wokisme et des faux-airs sécuritaires au gré des sujets dans l’actualité. Rappelons-nous son interview sur le média Brut. Il avait soutenu qu’il y avait des violences policières, donnant du grain à moudre à toute l’extrême gauche anarchiste. Quelques mois auparavant, son Ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, acceptait de mettre un genou à terre et lâchait une des phrases les plus déplorables du quinquennat : « l’émotion dépasse les règles juridiques ». C’est cette phrase qui symbolise le mieux les 5 années qui viennent de s’écouler : l’émotion, la communication, l’image, mais surtout pas de règles claires et respectées.
#3 : IMMIGRATION
Arnaud Lachaize : On retiendra du quinquennat Macron le record absolu des flux migratoires en France ou des entrées à des fins d’installation, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur lui-même, un record absolu atteint en 2019 : 274 700 premiers titres de séjour dont 90 000 pour raison familiale, 90 000 étudiants, 38 000 à des fins professionnelles et 36 000 à des fins humanitaires (réfugiés, étrangers malades). En outre l’année 2019 a battu un autre record de 177 222 demandeurs d’asile enregistrés. On n’additionne pas les deux en raison du risque de double compte (une partie des demandeurs d’asile deviendront réfugiés et seront donc pris en compte les années suivantes dans la statistique des premiers titres de séjour) mais grosso modo, ces deux chiffres montrent l’augmentation spectaculaire du flux migratoire sur la France. En 1997 ces chiffres étaient de 125 000 premiers titres de séjour et 20 000 demandeurs d’asile… Ils étaient stabilisés sous les gouvernements de droite (2002 à 2012) autour de 180 000 premiers titres de séjour et 40 à 60 000 demandeurs d’asile. Depuis 2012, l’accélération est constante et fulgurante. 2020 et 2021 connaissent une baisse (très relative d’ailleurs) mais elle est uniquement liée à l’épidémie de covid19. Les gouvernements du quinquennat Macron n’ont absolument rien fait pour enrayer cette augmentation. Ils ont donné des coups de menton en promettant la fermeté et en procédant à des coups médiatiques comme les évacuations de campements mais tout en ouvrant les vannes comme aucun gouvernement ne l’avait jamais fait avant eux. Une loi a été adoptée le 10 septembre 2018, placée sous le signe de la fermeté, mais elle ne contient pas une seule mesure utile, purement loi d’affichage. S’il est un domaine où le « en même temps » a été particulièrement désastreux, c’est bien celui de l’immigration. Ce laxisme invraisemblable est la cause directe des tensions sur le sujet en France et de la poussée des droites radicales.
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#4 : SANTE
Dr Jérôme Marty : Les divers gouvernements de la présidence Macron n’ont rien fait sur le plan des réformes. Tout ce qui a été mis en œuvre, en particulier sur la médecine de ville, sont des choses qui existaient déjà dans la loi de modernisation de la santé de Marisol Touraine du gouvernement précédent. Les CPTS, (les communautés professionnelles territoriales de santé), les assistants de santé, les maisons de santé pluridisciplinaires existaient déjà. Tout ce qu’ils ont fait, c’est s’inscrire dans une augmentation de ces choses là. Ils n’ont donc strictement rien fait !
Le Ségur hospitalier a été en dessous de tout. Ils ont dit que l’on n’avait jamais autant dépensé pour l’hôpital, mais on voit bien que ça ne suffit pas. C’est largement inférieur à ce qu’il faudrait et ils n’ont pas compris, pas plus que leurs prédécesseurs, que le maximum devait être mis sur les mains qui soignent.
Pas sur les structures, les outils, ni sur les administratifs, mais sur les mains qui soignent.
Sur la médecine de ville, il n’y a pas eu de Ségur. Il y a eu un avenant neuf qui touchait à quelques rémunérations des psychiatres, gynécologues ou pédiatres et Olivier Véran a eu le culot de dire que la médecine de ville avait eu son Ségur. À titre de comparaison, l’hôpital s’inscrit dans une dépense de 32 milliards sur dix ans, puisque le Ségur c’est 8,5 milliards plus 14,5 milliards et dix milliards de récupération de dettes. La médecine de ville, c’est 700 millions. Donc 32 milliards d’un côté, 700 millions de l’autre. Une fois encore, ils n’ont strictement rien fait.
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Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un point ou l’on voit un effondrement de l’hôpital et l’effondrement de la médecine de ville va s'accélérer car le Covid est révélateur de la crise et elle fait qu’augmenter celle-ci. La Covid, je l’avais dit dès mars 2020, est une crise sanitaire à l’intérieur d’une crise sanitaire, cela ne pouvait pas bien se passer. On va payer le prix très lourd et très dramatique d’un système qui en effondrement. Presque tous les français aujourd’hui, sont soumis à la problématique d’un déficit de médecin, d’infirmières, etc. 96,5% de la population d’Île de France est soumise à cela et 75% des Français sur le territoire. Les déserts médicaux sont partout.
Les politiques n’ont pas pris en compte l’ampleur de la crise actuelle et ils en sont toujours à des réformes cosmétiques alors qu’il faut des réformes systémiques. Il faudrait tout remettre tout à plat et véritablement voir ce que c’est d’être médecin aujourd’hui. Combien vaut un médecin, combien vaut un kiné, combien vaut une infirmière. Qu’est ce que la nation est prête à miser sur ces professions, qu’est ce que cela dégage comme richesses ? Quelles sont les richesses directes et indirectes générées par la santé ? Tout ça n’est pas fait, puisque l’on regarde la médecine de ville et hospitalière sous l’angle du coût et non sous l’angle de ce que cela rapporte. On a une vision comptable dans le sens des dépenses. C’est la grande erreur.
Une réforme courageuse aurait été de sortir les rémunérations des soignants de l’enveloppe de l’objectif national d’assurance maladie. Ils ne l’ont pas fait. On se retrouve avec une sécurité sociale en fort déficit du fait des dépenses en lien avec la Covid, il n’y aura donc pas d’augmentation réelle sur les actes des professionnels du public et du privé. Nous allons donc continuer d’avoir des soignants qui abandonnent leur métier, la catastrophe actuelle est là.
On assiste ébahi, à un château de cartes qui s’effondre. Quand on vous dit que l’on ferme des lits, ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’on les ferme par faute de personnel. Nous n’avons plus personne pour faire tourner les services donc on ferme les lits. Pendant un temps, on fermait les lits car le lit engendre de la dépense, aujourd’hui on ferme des lits parce qu’il n’y a plus de personnel. L’échec a engendré de l’échec. On est dans cette dynamique d’échec depuis des années et la politique de Macron n’a fait qu’augmenter cela. Leur bilan est nul, leur bilan est grave.
#5 : ENVIRONNEMENT / ECOLOGIE
Jean-Paul Oury : Si on la replace dans la perspective des 30 dernières années, la présidence d’Emmanuel Macron poursuit et accentue la tendance anti-science prométhéenne initiée par ses prédécesseurs et adhère pleinement aux thèses de l’écologisme (considérée comme une idéologie politique). Nous voulons dire en ce sens que depuis le milieu des années 90 ; cela peut s’expliquer aussi bien par le refus de prendre des risques (affaire du sang contaminé et de la vache folle) mais aussi pour des raison électoralistes. De fait les hommes politiques semblent mettre davantage d’énergie pour freiner le développement de nos applications technologiques, que pour encourager celles-ci.
Ainsi, Alain Juppé, est à l’origine du premier moratoire sur les OGM qui a eu pour conséquence de détruire l’industrie des biotechnologies végétales en France (notre pays était leader sur le secteur) ; on doit à Lionel Jospin l’abandon de Superphénix ; François Hollande a souhaité la fermeture de Fessenheim dans une logique électoraliste…. Quand on sait que les politiques avec un CV de scientifique ou d’ingénieur sont très rares dans le contingent des élus français - essentiellement composé de juristes - on n’est pas étonné que la parole des ingénieurs soit inaudible. A titre de comparaison, le gouvernement de Xi Jinping, lui-même chimiste, est constitué aux deux tiers d’ingénieurs, ce qui explique sans doute pourquoi la Chine se lance dans des projets scientifiques et technologiques audacieux…
Tous ces éléments mis bout à bout, ce n’est pas un hasard si la France a été le premier pays et sans doute l’un des seuls à avoir introduit le principe de précaution dans la constitution… A l’époque, Jacques Chirac, sous l’influence de Nicolas Hulot, avait voulu entériner dans le régalien ce principe, une décision absurde dont on voit aujourd’hui le résultat : l’euristique de la peur souhaitée par le philosophe Hans Jonas règne partout et les idéologues écologistes n’ont pas besoin d’être au pouvoir pour dicter aux politiques en place leurs lubies.
Cette emprise est radicale et on voit bien qu’Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, s’est vu dicter ses actions par cette idéologie qui d’une part dénigre la science prométhéenne et d’autre part impose des pseudo-solutions labellisées « made in nature » (voir notre analyse dans Greta a tué Einstein) ; ainsi il a lancé dès le début de son mandat le slogan « make our planet great again » aussi, le résultat attendu ne manquera pas d’être la décroissance, d’autant plus que ces politiques sont désormais entérinées au niveau européen qu’il s’agisse de la nouvelle PAC et de F2F ou encore du Green Deal.
Emmanuel Macron durant son quinquennat n’a donc jamais cherché à mener des politiques pour encourager le développement de la science et de la technologie au service de l’environnement, au contraire il a écouté les sirènes de l’écologisme et c’est ainsi que durant quatre années, il a été un fervent adversaire du nucléaire en menant à bien le projet de fermeture de Fessenheim (Une décision qui coûtera 1 milliard d’euros par an de perte d’exploitation) ou encore en poussant à l’abandon du projet Astrid, un réacteur "rapide" à sodium d’une puissance électrique de 600 MWe qui aurait pu donner à la France l’avantage en termes de recherche.
On ne peut s’empêcher toutefois de penser que s’il avait écouté les experts et les ingénieurs plutôt que des conseillers en communication, le président Macron aurait pu peut-être avoir l’information selon laquelle l’énergie nucléaire est la mieux à même de répondre aux défis d’une énergie accessible, bon marché et qui permet de répondre aux enjeux climatiques de la décarbonation et donc de faire les bons choix en termes de politique scientifique et environnementale.
Ainsi le grand manitou du climat et du nucléaire Jean-Marc Jancovici remarque lors d’une interview avec Stéphane Soumier que le président Macron a pris le temps de recevoir Greta Thunberg, mais n’a pas pris cinq heures pour s’instruire sur la science de la problématique énergétique. Pendant qu’il a laissé coulé le nucléaire le président a oeuvré pour la prolifération du solaire et de l’éolien, mais pour quel résultat ? Comme le rappelle l’expert du nucléaire André Pellen « la main sectatrice du pouvoir ne parvient-elle péniblement qu’à obtenir du GW éolien installé qu’il couvre 0,38 % de la consommation électrique nationale et du GW photovoltaïque seulement 0,23 %, deux performances nettement inférieures à celles de tous les autres outils électrogènes. »
Le même raisonnement s’applique pour l’agriculture. Si Emmanuel Macron avait écouté les experts, il n’aurait jamais affirmé comme il l’a fait au salon de l’agriculture « Le glyphosate, il n’y a aucun rapport qui dit que c’est innocent. Dans le passé, on a dit que l’amiante ce n’était pas dangereux, et après les dirigeants qui ont laissé passer, ils ont eu à répondre. » puis twitté dans la foulée : « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. #MakeOurPlanetGreatAgain». De fait, le candidat des verts Yannick Jadot s’est amusé récemment à revenir sur cet engagement avec un tweet et une animation dans laquelle le président se contredit sans cesse. « Il y a 3 ans @EmmanuelMacron s’engageait à interdire le #glyphosate. Une promesse trahie de plus. Et un quinquennat perdu pour le climat, la santé et la biodiversité. Sortons de l’écologie de posture pour une écologie de l’action, sociale et républicaine ! » Dans cet exemple encore s’il avait écouté les experts, peut-être que le président de la République ne se serait pas empêtré dans une contradiction. Comme le dit le journaliste Gil Rivière Wekstein contrairement à l’affirmation présidentielle péremptoire du salon de l’agriculture « toutes les agences du monde qui évaluent les produits chimiques s'accordent à conclure que les bénéfices de l'usage du glyphosate est largement supérieur aux éventuels inconvénient et qu'aucune d'entre elles n'a relevé un quelconque problème sanitaire. Seul le CIRC qui n'est pas une agence d'évaluation des risque est arrivé à une conclusion différente en raison d'une méthodologie très particulière. » (lire à ce sujet son excellent livre Glyphosate l’impossible débat).
S’il fallait donner un dernier exemple de la captivité d’Emmanuel Macron à l’écologisme, il suffit pour cela de se pencher sur l’épisode de la conférence citoyenne pour le climat. Rappelons que celle-ci a vu le jour à la suite de la crise des Gilets jaunes, provoquée à l’origine par une hausse de la taxe carbone. La convention mise en place pour répondre à la crise issue du débat citoyen et qui a donné lieu à plus de 146 mesures n’a été qu’une réunion de militants et d’ONG écologistes et décroissants. La plupart des mesures proposées étaient castratrices, essentiellement issues de l’écologie punitive telles que la suppression de lignes d’avion ou encore l’interdiction de la publicité pour les SUV. Le plus frappant étant que ces nombreuses concessions n’ont pas empêché des ONG de se plaindre du manque de courage écologique du gouvernement et certaines, comme l’Affaire du siècle ont porté plainte contre la France.
Le bilan du quinquennat Macron affiche donc un fort tropisme pour l’écologisme politique…
On peut voir toutefois une lueur d’espoir dans les annonces de France 2030 où la ré-industrialisation occupe une place centrale. Ayant fait du « En même temps » le leitmotiv de sa campagne, on ne sera pas étonné alors du revirement effectué dans ce plan pour ré-industrialiser la France dans lequel le président a annoncé vouloir relancer l'industrie nucléaire, notamment en développant la technique des SMR. On a pu juger au passage de la vertu rhétorique de cette formule qui permet à un même président d’annoncer une mesure au début de son quinquennat puis de revenir sur celle-ci à la fin. Ce qui pourrait donner en substance : « je ferme une centrale nucléaire en 2020, et en même temps je suis pour le maintien de cette même technologie en 2021 ».
Mais un esprit chafouin s’interroge : est-ce une vraie vision ou s’agit-il d’une pirouette de dernière minute pour s’adresser à un électorat qui n’a pas envie de voir sombrer notre pays dans la décroissance qui pourrait très bien se manifester prochainement par des black-out électriques et des pénuries alimentaires ?
Au final on constate que ce grand écart est intenable et s’il compte exercer un nouveau mandat le président sortant devra sortir de l’ambiguïté et s’engager sur un programme clair dès le départ. Pour cela, il suffit d’avoir le courage de dire que la science et la technologie ne sont pas opposées à l’environnement et que, bien au contraire, elles sont les mieux à même de proposer des solutions pour une relation équilibrée entre l’humanité et son environnement. Le nucléaire nous fournit une énergie abondante et décarbonée, l’agriculture intelligente nourrit l’humanité en optimisant l’usage des intrants et dans le respect des terres, les biotechnologies vertes permettent d’optimiser les rendements et l’IA nous assiste dans les problèmes compliqués tels que par exemple l’invention de vaccins. Une volonté politique forte qui croirait dans ces messages pourrait les expliquer à l’opinion, et ne céderait pas à la démagogie électoraliste du « en même temps » en se pliant aux désirs des sirènes de l’écologisme.
#6 : RETRAITES
Michel Ruimy : Le président de la République est favorable à un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite sans, pour autant, préciser à quel niveau il souhaiterait voir relever ce seuil - sauf exceptions, cet âge minimal s’élève à 62 ans -, supprimer les régimes spéciaux (RATP, SNCF, etc.) pour les nouveaux employés en harmonisant les règles entre public et privé, encourager le travail au-delà de l’âge légal et de faire en sorte qu’au terme d’une carrière complète, aucune pension ne puisse être inférieure à 1 000 euros.
Chacun de ces scénarios présente des difficultés opérationnelles ou politiques potentiellement rédhibitoires. Sachant que le chef de l’Etat cherche à afficher un bilan de réformateur capable de maîtriser la dépense publique, en maintenant cette réforme, l’exécutif aurait pris un risque politique à l’approche des échéances électorales, des grèves et des manifestations étant susceptibles de pénaliser l’activité économique.
Face à la difficulté à instaurer un système par points, thème clé de son projet de réforme de 2017, soutenu par la CFDT mais critiqué par les autres syndicats, le chantier de la réforme des retraites est reporté au début d’un éventuel deuxième quinquennat, « les conditions n’étant pas réunies pour relancer aujourd’hui ce chantier ». Un autre élément laisse peu de doutes quant à la décision présidentielle : l’ordre du jour encombré à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Ainsi, en dépit du volontarisme d’Emmanuel Macron, un autre scénario, le statu quo, s’est donc imposé.
#7 : EMPLOI
Michel Ruimy : L’économie française devrait enregistrer une croissance de près de 6,5% (2021) après avoir chuté de plus de 8% (2020). Elle ne reviendra donc pas au niveau de fin 2019. Dans le même temps, le taux de chômage n’a quasiment jamais été aussi faible, comparativement à février 2020.
Or, si une reprise est plus riche en emplois qu’en production, la situation révèle un problème de productivité. Elle caractérise une économie française devenue de plus en plus une économie de services plutôt qu’une nation industrielle où les emplois sont de haute qualité et très productifs. Il y a donc un problème d’éducation et un problème de formation en France.
Bien qu’elle soit une bonne chose, la baisse du nombre de chômeurs pouvait laisser penser que l’objectif d’Emmanuel Macron d’atteindre 7% de chômage à la fin de son quinquennat était crédible. Aujourd’hui, il semble que ce but sera difficile à tenir avec un taux de chômage qui continue de dépasser la barre de 8%. Même si le chef de l’Etat pourra arguer d’avoir trouvé un taux de chômage à 9,5% en prenant ses fonctions, la réussite nécessite, en particulier, que les Français puisent notamment dans le « surplus » d’épargne constitué pendant ces derniers mois, amenant ainsi l’économie à retrouver toutes ses capacités de production et/ou que la réforme de l’assurance-chômage et le grand plan de formation des chômeurs produisent les effets attendus. Arriver au plein-emploi n'est pas impossible, mais le chemin risque d’être long.
#8 : INEGALITE / INJUSTICE SOCIALE
Louis Maurin : Il faut se méfier des caricatures qui peuvent exagérer et résumer une présidence, comme avec l’expression : « président des riches ». La présidence Macron est double. D’entrée de jeu, elle a été très favorable aux plus riches avec des mesures comme l’impôt sur la fortune et avec le changement de prélèvement forfaitaire unique de l’imposition sur le revenu du patrimoine, très favorable aux inégalités. Ces mesures ont favorisé les inégalités de chances tout en prônant le contraire, ce qui est contradictoire. Quand on ne fait pas ce qu’on dit, cela entraîne un choc.
Et sous la contrainte du mouvement social des Gilets jaunes, des mesures, qui n’auraient jamais été prises sans cela, plus favorables au travail ont été mises en place avec le relèvement de la prime d’activité. Puis a suivi un ensemble d’autres mesures favorables aux plus démunis à condition qu’ils n’exercent pas d’activité. C’est le relèvement du minimum vieillesse et de l’allocation adulte handicapé. De moindre importance par rapport à ce que l’on a donné aux plus aisés, mais qui ont tout de même été prises. Sur tous les autres points, il y a eu très peu d’avancées sur le structurel comme l’école, le logement, les services publics et la sécurité du quotidien.
Dans le domaine de la santé, il y a eu une amélioration avec la question de la prise en charge à 100% de appareils optiques et dentaires, mais il est très difficile de faire le vrai bilan avec la pandémie. Durant la crise sanitaire, j’applaudis le fait que le gouvernement ait changé de politique à cause du changement de circonstances. On a complètement changé de politique budgétaire.
#9 : EDUCATION
Jean-Paul Brighelli : Le rictus de Mme Vallaud-Belkacem lors de la passation de pouvoirs rue de Grenelle en 2017 avait donné bien de l’espoir. Jean-Michel Blanquer prendrait-il le chemin inverse, après cinq ans de dégringolade ? Il l’a fait partiellement — en offrant La Fontaine aux élèves de CM2 par exemple, en permettant l’expérimentation en grand — sur Paris — de la méthode de lecture Lego, alpha-syllabique (qui lui a immédiatement attiré les foudres de Guislaine David, qui dirige le SNUIPP et dérangée dans ses mauvaises habitudes), ou en installant Mme Souad Ayada à a tête de la Commission des programmes. Mais il s’est perdu dans un combat douteux — modifier le Bac, c’était mettre un mort sous assistance respiratoire. Il s’est attiré ainsi les foudres des professeurs, qui détestent être dérangés — etc.
#10 : MENACE TERRORISTE
Alain Bauer : Le quinquennat n’est pas terminé mais on peut souligner à la fois la constance dans l’amélioration des dispositifs antiterroristes lancés depuis 2007 (par Nicolas Sarkozy), accélérés en 2015/2016 (par Manuel Valls et Bernard Cazeneuve) et renforcés par l’extension du Coordinateur National du Renseignement (CNR) pour la lutte antiterroriste (CNRLT).
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