Les incertitudes sur le vaccin et les risques de krach bancaire hypothèquent les chances d’un rebond pour 2021<!-- --> | Atlantico.fr
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vaccins covid-19 coronavirus crise économique relance
vaccins covid-19 coronavirus crise économique relance
©Justin TALLIS / AFP

Atlantico Business

Selon l’Insee, l’année 2020 restera, en termes de croissance, une des plus noires depuis plus d’un siècle. Le problème, c’est que le rebond attendu pour 2021 sera plus décevant que ce que tout le monde espérait : en cause, les incertitudes sur l’efficacité du vaccin et les risques bancaires liés au montant des crédits consentis.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Curieusement, alors que les chiffres de la pandémie sont beaucoup moins inquiétants qu’il y a six mois, tous les acteurs majeurs de l’économie sont plus réservés sur les chances d’une reprise rapide et spectaculaire en 2021. Notamment en Europe.

La Banque de France, l’Insee, les grandes banques, la Banque centrale européenne, la Commission européenne… Tous les observateurs et analystes restent sur un scénario de rebond de l’activité pour 2021... mais plus tardif et moins spectaculaire que ce qu’ils croyaient il y a encore deux mois.

Dans sa dernière note de conjoncture, l’Insee confirme une prévision de perte de richesses (le PIB), au mieux de 9 %. La Banque de France situe la baisse d’activité entre 9 et 11%. Le gouvernement et Bercy sont toujours sur -11%. 

En fait, tout le monde a été surpris par la deuxième vague. On est sorti du premier confinement en mai 2020 avec un sentiment d’euphorie. L’économie a beaucoup souffert pendant le premier confinement, puisque toutes les activités ont été brutalement arrêtées et personne ne s’était organisé pour échapper au désastre. On a donc perdu au deuxième trimestre 80 % de l’activité, mais à la sortie, tout le monde avait envie de se rattraper et tout le monde a rebondi très fortement. Ce qui fait, qu’en septembre, on pensait pouvoir limiter les dégâts. D’autant que l’Etat a, dès le début, mis le paquet pour éviter une faillite générale. L’Etat a réussi à mobiliser 450 milliards d’euros pour mettre l’économie sous perfusion de fonds publics, de crédits bancaires, de moratoires et de PG, ce qui a permis de conserver le système économique en état de marche. D’où le rebond de juin, juillet et aout.

Malheureusement, le virus est lui aussi rentré de vacances en pleine forme et il a fallu déchanter.

Alors, le deuxième confinement a certes été beaucoup moins dur, avec des professionnels qui avaient tiré les leçons du premier confinement et aussi appris à le gérer et l’assumer. Sauf que des secteurs entiers ne sont pas repartis : le tourisme, l’hôtellerie, les transports, l’aéronautique, l’évènementiel, le cinéma, les théâtres.

Le commerce est reparti, mais le couvre-feu depuis mardi soir, 20 heures, a bloqué leur reprise parce que la plupart des commerçants pensaient faire des nocturnes comme ils font d’habitude à cette époque.

Donc globalement, on va encore perdre plus de 10% en novembre et décembre. Par conséquent, on va tous rentrer en 2021 à un niveau très bas. Ce qui fait qu’on aura du mal à rebondir très vite. L’Insee, comme la Banque de France, tablent sur un rebond de +6% maximum. Ça veut dire, qu'à la fin de l'année prochaine, on sera encore en dessous de la normale saisonnière. Il nous faudra encore attendre fin 2022 pour retrouver l’équilibre d’avant Covid.

Ce qui est paradoxal et compliqué à assumer dans cette situation, c’est que tous les facteurs techniques et financiers existent pour permettre une relance.

Tous les actifs ont été protégés, il n’y a pas eu de destruction comme après une guerre ou une catastrophe naturelle. Les matériels ont été entretenus. Les avions, les bateaux, les camions et les trains peuvent fonctionner, il suffirait de tourner la clef des moteurs pour pousser les régimes. Dans les usines aussi. Les contrats de travail n‘ont pas été détruits. Il y a même du carburant c’est à dire de l’argent, beaucoup d’argent disponible. La Banque de France chiffrait récemment à 130 milliards le montant de l’épargne liquide et disponible. Tout simplement, parce qu’il n'y a pas eu de consommation ou d’investissement pendant presque un an. Cela dit, c’est une bonne nouvelle puisque c’est cette épargne très abondante, couplée à la politique de la banque centrale, qui permet de financer les endettements colossaux contractés par l'Etat et les organismes sociaux. C’est cette épargne du plus grand nombre qui permet les endettements publics et privés.

En théorie, ça pourrait donc repartir très vite, à moins de quelques incertitudes et des risques qu’on n’avait peut-être sous-estimés.

Le premier de ces risques est un risque bancaire, mis en lumière cette semaine par l’organisme européen de contrôle des activités bancaires. En Europe, les banques ont distribué beaucoup de crédits et surtout accepté beaucoup de moratoires, qui font peser une menace sérieuse sur l’équilibre des banques. Il faut donc que les institutions financières veillent à renforcer leurs fonds propres pour se mettre à l’abri d’un accident qui serait forcément systémique comme en 2008 avec Lehman Brothers. A noter que, parallèlement, on n’est pas à l’abri d’un risque boursier. Les marchés ont tenu le choc de 2020, mais ils commencent à trembler pour 2021 dans la mesure où ils commencent à croire que les promesses de redressement ne seront pas réalisées.

Le risque de l’endettement public excessif ne fait pas trop peur. La dette représente pourtant 120% du PIB. Mais dans la pratique on s’y habitue. Cette dette ne coute pas cher. Elle rapporte même de l’argent puisque les taux sont négatifs. Les épargnants paient pour que les Etats prennent l’argent en garde. Et cette dette est à très long terme. Donc ça n’est pas un souci.

Le deuxième risque est un risque social. Il va y avoir au premier trimestre de l’année 2021 une vague de faillites et de dépôts de bilan. Toutes les entreprises à risques qui étaient malades avant le Covid vont avoir du mal à survivre après. L’Etat finira par alléger le dispositif d’aides (faute de moyens), beaucoup de grands groupes vont se restructurer pour aborder un écosystème nouveau, ils vont donc procéder à des plans sociaux que de toute façon, Covid ou pas, ils auraient dû faire.  Il va donc falloir gérer la disparition de beaucoup d’entreprises qui se sont mal préparées et notamment parmi les PME et les TPE. Il y en a des grandes et beaucoup de petites qui ont épuisé leur trésorerie. Beaucoup de cafés, restaurants, de cinémas, de résidences hôtelières ne pourront pas recouvrir et repartir le moment venu. Donc la casse sociale sera importante alors que nous dépassons déjà les 10% de chômage.

Autre risque, international celui-là,  il faut que le monde entier redémarre et ce n’est pas gagné.

Enfin, il ne faut pas exclure les risques cyber, la période actuelle favorise les attaques des systèmes informatiques et ça fait peur à tout le monde.

Pour être complets, les marchés n’excluent pas les risques politiques. On voit bien que toutes les démocraties sont fragilisées.

Ce qui est terrible aujourd’hui, c’est que le retour au calme et à la stabilité ne dépend que du vaccin et des campagnes de vaccination. C’est évidemment le seul moyen de mettre la population à l’abri et de rétablir la confiance. Or, les incertitudes sur le vaccin n’ont pas encore été levées et la méfiance envers la vaccination est toujours aussi tenace. 

La situation est très compliquée. Les opinions s’inquiétaient de n‘avoir ni traitement, ni vaccins avant très longtemps. Maintenant que les vaccins arrivent, les opinions se préoccupent de leur efficacité, et de leur disponibilité. Tout se passe comme si cette pandémie nous avait habitués à ajouter du stress au stress. 

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