Les 100 milliards du plan de relance seront-ils suffisants pour faire repartir l’économie française ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Bruno Le Maire plan de relance activité france crise économique coronavirus covid-19
Bruno Le Maire plan de relance activité france crise économique coronavirus covid-19
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Le gouvernement s’est donc donné une semaine de plus avant de dévoiler le plan de relance de l’économie. Un plan de 100 milliards d’euros dont beaucoup disent déjà qu'il ne sera pas suffisant pour échapper à l’affaissement durable de l'économie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Le vrai risque couru par l’économie française est de tomber dans un mouvement récessif profond dont les économistes connaissent bien la mécanique. Avec des entreprises en panne, c’est la situation de l’emploi qui se dégrade et du coup la demande de consommateur qui tombe. Or, le système économique a besoin du consommateur et de son pouvoir de dépenser, ce qu’il ne fait pas encore. Parallèlement à l’offre qui va bénéficier d’un soutien substantiel, c’est donc la demande qu’il faudra à nouveau doper. Or, sur la demande, on ne sait jamais si les revenus et prestations distribuées se retrouveront dans le circuit ou plutôt dans les comptes d’épargne parce que les agents de l’économie ont peur. C’est ce qui se passe encore actuellement.

Alors quand on écoute les chefs d’entreprises, les salariés, les syndicats, et une grande partie de la classe politique, les milliards de fonds publics ont beau s’empiler, ça n’est jamais suffisant.

Le plan annonce portera 100 milliards d’euros dont :

40 milliards dédiés à la réindustrialisation ;

20 milliards pour la transition écologique ;

20 milliards pour l’emploi ;

20 milliards pour la solidarité sociale.

Ces 100 milliards étalés sur 2 ans arrivent après plus de 400 milliards mobilisés en début de crise.

Donc l'effort global consenti par la France, pour éviter l’écroulement du système économique est important, il est à la hauteur de ce qu’a fait l’Allemagne ou les États Unis.

Ce qui est compliqué en France, c’est que vous avez deux crises à gérer en même temps.

Une première crise liée au confinement, c’est à dire liée à l’arrêt total du système économique, pas de transport, pas de mobilité etc... Donc à ce niveau, le gouvernement a sorti la grosse artillerie dès le mois de mars, avec les prêts garantis par l’État, les reports de paiement de charges et de taxes, et la généralisation du chômage partiel. Il fallait protéger les actifs de production et les contrats de travail pendant la durée du coma artificiel pour que les systèmes puissent redémarrer au moment du déconfinement. Depuis juin, l’appareil économique est reparti mais pas dans tous les secteurs et pas au même rythme que précédemment. Les consommateurs sont encore extrêmement prudents et même frileux. Des branches entières sont encore paralysées parce que les voyages sont quasiment interdits, les échanges commerciaux sont réduits. On estime que le PIB français a perdu plus de 11%.

Mais à côté de cette crise économique mondiale provoquée par la pandémie, le système français est touché par une crise structurelle qui était antérieure à l’arrivée du virus et que le confinement a révélé très fort.

Renault était malade avant, l’industrie automobile savait depuis longtemps qu‘elle devait muter vers la mobilité électrique, ce qui nécessite beaucoup de changements structurels.

Air France savait que son modèle économique n’était plus adapté aux conditions d’exploitation impactées par le « low-cost » et la digitalisation.

Ne parlons pas des petites et moyennes entreprises qui ont vécu trop longtemps à l’abri de la concurrence et qui n’ont pas entamé leur modernisation.

Par ailleurs, la crise sanitaire et l’arrêt mondial des transports nous ont montré à quel point nous étions dépendants des autres. Des secteurs entiers ont perdu leur capacité de produire. Des entreprises se sont retrouvées à l'état de dépendance et par conséquent, piégées par des fournisseurs étrangers. En bref, on a perdu depuis longtemps une partie de notre souveraineté industrielle. Le coronavirus nous a dit cela et nous oblige à retrouver une indépendance industrielle nationale.

Dans ces conditions,le gouvernement peut demander la réindustrialisation pour des produits stratégiques : les masques, les médicaments, les matériels de santé. Mais le gouvernement ne peut pas tout faire. Et surtout pas prévoir une planification globale des productions à l’intérieur de l’hexagone comme le réclament quelques nostalgiques.

D’abord, il n’en a pas les moyens. Ensuite, parce que les délocalisations industrielles ont été organisées massivement depuis 20 ans sous la pression des consommateurs qui réclamaient des baisses de prix. Dans le textile, dans la mécanique, dans tout ce qui est plastiques moulés, dans l’électroménager.

La délocalisation des industries s’est développée pour rechercher des conditions de prix très avantageuses.  On a déplacé les fabrications en Turquie, puis en Chine ou en Inde des tee shirts et des chemises parce que c’était moins cher. Et que ça permettait de donner satisfaction à des créneaux de clients qui étaient exclus de la consommation de masse.

Par conséquent, on ne peut guère rapatrier ces fabrications en Europe sans accepter d’augmenter les prix de vente et par conséquent, fermer des circuits de distribution qui ne seront plus accessibles à beaucoup de consommateurs, ce qui est difficilement imaginable.

A coté de ce phénomène inéluctable, les chefs d’entreprises vont avoir intérêt à éviter de se faire piéger par un seul fournisseur et se ménager la possibilité de se fournir auprès de plusieurs partenaires venant de pays ou même de continents différents. Les constructeurs automobiles sont très concernés par la diversification de leurs approvisionnements...

Alors, 100 milliards d’euros dont 40 milliards pour la réindustrialisation, c’est beaucoup et pas beaucoup à la fois. Tout dépend comment ils seront affectés et utilisés. L’entreprise a quand même d’autres sources de financement que d’attendre les générosités de l’Etat.

Les entreprises travaillent avec des banques, des actionnaires mais pour activer tous ces moyens, il leur faut promettre des rentabilités et pour que la rentabilité soit au rendez-vous, il faut que les consommateurs soient d’accord. 

Si le gouvernement a retardé l’annonce de son plan de relance, ce n’est ni par hasard, ni par maladresse. Le gouvernement a reculé l’annonce de ce plan pour des raisons de calendrier politique et de communication. Il faut d’abord régler la question de la rentrée scolaire qui est assez compliquée et préciser sa connaissance du comportement du virus.

Il faut ensuite être sûr que les mesures de protection renforcée contre le virus seront acceptées par les personnels d’entreprise, par les étudiants, les enseignants.  Le port du masque n’est pas dans la culture occidentale ni dans les espaces clos, ni dans la rue et encore moins dans l’entreprise ou à l’école parce qu’il est assez mal supporté.

Au fond, le gouvernement reste très hésitant parce que les informations qu'on a sur l’épidémie sont encore très floues, très anxiogènes. La peur est très présente et la peur est plus dangereuse que le virus lui-même. Donc le gouvernement cherche la formule qui rassure. Tous les sondages réalisés actuellement montrent qu’il ne l’a pas vraiment trouvée.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !