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La crise du coronavirus lui en donnerait l’occasion mais Emmanuel Macron aura-t-il cette idée folle de réformer l’école ?
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

La réforme de l’Education, si elle n’était pas au programme avant la crise sanitaire, pourrait s’imposer à l’heure du bilan. Tout comme les soignants, les personnels de l’Education font face à un système dépensier, centralisé, administrativement très lourd mais inefficace.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Qui a eu cette idée folle de faire retourner les enfants à l’école, deux semaines avant les grandes vacances ? N’est pas Charlemagne qui veut, mais Emmanuel Macron sonne en tout cas la fin de la récré, avant l’arrivée de l’été. Pour qu’en septembre, la question de l’école à la maison ne soit plus qu’un mauvais souvenir et que tout revienne à la normale. Le faut-il vraiment ?

S’il est un domaine où les esprits se seront plus vite adaptés que le système, c’est bien l’Education, avec le développement des moyens de visioconférence qui ont amené la salle de classe dans les salons, parce qu’il n’y avait pas le choix. Le système D a pour beaucoup, formidablement marché grâce aux bonnes volontés individuelles. A l’inverse, cela aura mis en lumière les ruptures individuelles avec le système et les failles de gestion et de supervision. Ainsi, le décrochage scolaire est estimé dans une fourchette entre 5 et 8% des élèves tandis que près de 5% des professeurs n’auraient jamais fait classe depuis trois mois. Chiffre non confirmé par le ministère, qui assure n’avoir aucun moyen de le vérifier.

Le confinement en famille n’arrangeait pas la fracture sociale, tant les familles aisées pouvaient pallier, aussi bien techniquement qu’intellectuellement, l’absence d’instruction alors que d’autres étaient laissées dans un vide éducationnel ou un désert numérique.

Alors que les enfants vont donc retourner à l’école pour l’ultime semaine de l’année scolaire, cet épisode, qui a été la plus grande expérience réelle jamais réalisée sur l’éducation en ligne et sans préparation, va amener plusieurs pistes de réflexion. 

D’abord, la nécessité d’avoir un suivi plus régulier de l’élève. Via le numérique, qui peut simplifier la communication et l’organisation mais pas que. Puisque le rôle de l’école est de pallier les inégalités sociales de naissance, la crise aura donné naissance à des initiatives intéressantes comme les vacances apprenantes, avec une intensité plus forte que ce qui existait déjà. Avec des écoles « ouvertes », des colonies éducatives ou même des écoles buissonnières héritées du scoutisme, l’idée n’est pas nouvelle et le chantier est colossal.

Ensuite, les outils numériques vont imposer la nécessité de la formation et de l’investissement dans l’école. De la recherche aussi, pour trouver les meilleures pratiques éducatives, ce qui pourrait impliquer des partenariats avec des entreprises innovantes. L’Edtech – le secteur technologique dédié à l’éducation se développe en France mais est restée du domaine des entreprises et du secteur privé. « En Grande-Bretagne, le marché du numérique éducatif, c’est 900 millions d’euros par an ; en France c’est 90 millions d’euros, dont une quinzaine de millions sur les ressources innovantes soit 0,02% du budget 2020 de l’éducation nationale, ou 1 euro par élève par an. Tout est dit. » selon Marie-Christine Levet, fondatrice d’Educapital, un fonds qui aide au développement de ces startups.

Enfin, la généralisation du numérique ne doit pas faire oublier le rôle indispensable de l’enseignant. Et c’est bien là où le bât blesse. Comme à l’hôpital, la profession d’enseignant s’est laissée submerger par un système centralisé et une administration lourde, avec peu de marge de manœuvre et d’innovation. Et un salaire de misère. Dans le pays où le budget de l’Education nationale est le plus lourd, les enseignants sont parmi les Européens les plus mal payés. La sous-rémunération engendre une dévalorisation et une paupérisation de la profession, qui induit un déficit d’expertise et de qualité.

Comme pour les soignants, la solution salariale qui leur est proposée est réduite à une prime de quelques centaines d’euros, proposée par le ministre de l’Education, cela peut désengorger la colère mais ne résoudra pas le problème de fonds.

A quand un « Grenelle », ou un « Ségur », bref tout simplement une refonte de l’Education, qui recentrerait l’école sur ses vraies valeurs et redonnerait confiance à ses acteurs et aux parent ? La crise sanitaire n’exonérera pas l’Education nationale d’un examen complet du modèle éducatif, dans son contenu, son organisation comme son coût.

Le contenu, parce qu’il faudra en digitaliser une partie, pour un accès à distance, un meilleur suivi des parents, nouveaux apprentissages plus immersifs et personnalisés.

L’organisation, parce qu’il faudra bien fixer des objectifs, différencier les besoins de ressources financières ou humaines selon les établissements. Laisser plus d’autonomie aux chefs d’établissement aussi.

Enfin, le coût, parce que la France est le pays européen qui dépense le plus pour l’éducation, en terme de PIB et que la crise aura rajouté des nouvelles dépenses qu’il faudra financer.

Pour un seul objectif, une meilleure productivité. La France était en 2019 23ème dans le classement PISA, le classement international des élèves. Loin d’être une bonne élève.

Mais la réforme de l’Education nationale n’échappera pas, comme la santé, à une mise à plat de son organisation structurelle. Il faudra oser la décentralisation et l’indépendance des établissements où pourra s’exercer une responsabilité pleine et entière des chefs d’établissement . Osera-t-on considérer un établissement d’enseignement comme une entreprise, dont l’objectif serait de fabriquer des « produits performants, intégrés et employable » ?  L’enjeu c’est l’employabilité de tous ceux qui sortent de l’école et leur adaptation à la vie réelle.

Osera-t-on évaluer le corps enseignant comme on évalue les élèves et les étudiants ? Osera-t-on favoriser la concurrence entre les établissements scolaires, comme on a commencé à le faire, sans trop le dire, pour la concurrence dans l’enseignement supérieur ?

Osera-t-on reconnaître que la concurrence est un facteur de progrès. En Bretagne, où l’enseignement catholique est très important, les résultats de l’Education nationale sont parmi les meilleurs de France, si on prend les résultats au baccalauréat ou aux grandes écoles. La raison est simple. Les personnels de l’Education nationale veulent montrer qu’en Bretagne, ils sont meilleurs que dans l’enseignement catholique. Partout la concurrence existe, dans le moindre village comme dans les terminales de Rennes...

Osera –t –on ? Pas sûr !

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