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Les Français risquent de subir une nouvelle année d'épreuves et de violences microéconomiques.
Les Français risquent de subir une nouvelle année d'épreuves et de violences microéconomiques.
©ERIC PIERMONT / AFP

Mystère des prévisions

Les perspectives de croissance pour l'année 2023 sont peu enthousiasmantes. Les Français vont subir une nouvelle année d'épreuves et de violences microéconomiques.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Les perspectives de croissance pour l'année 2023 sont hélas peu enthousiasmantes : de plus, il n'y a pas de consensus formellement établi entre les prévisionnistes autour d'une valeur centrale même si la tendance dominante est baissière

Majoritairement, la survenance d'une récession ressort des travaux les plus crédibles. Les Français vont donc subir une nouvelle année d'épreuves et de violences microéconomiques.

Le débat économique est assez étrange. Il y a quelques mois, il se disait – chez d'aucuns – que l'inflation serait une " bosse " et qu'elle serait un " phénomène transitoire ". ( Gouverneur de la Banque de France ). S'il y avait matière à rire, ce qui n'est nullement le cas, nous pourrions dire que la bosse est loin du dromadaire et proche des pics de l'Europe des belles Asturies.

De même, la notion de " transitoire " est devenue une fable tant il est vrai que l'inflation est dynamique dans de nombreux secteurs et ne se limite pas aux fameux prix de l'énergie. Certains confondent une hausse des prix spéculative aux relents géopolitiques avec une inflation multisectorielle examinée dans les années 80 par l'estimé Serge Christopher Kölm.

La hausse des prix alimentaires sera durable et je doute que la prévision de la Banque de France qui " voit " une inflation générale située en 2023 entre 4,2% et 6,9% ne soit démentie. Il suffit de lire Philippe Chalmin, expert du domaine des matières premières, pour appréhender le défi que nous allons devoir affronter.

Au demeurant, une telle inflation affecte le processus de croissance. Les verreries d'Arques ou la firme Duralex ainsi que plusieurs fonderies ont été contraintes de stopper leurs activités du fait de l'explosion de leurs factures énergétiques. Les cessations d'activité repartent à la hausse et ceci aura nécessairement un impact sur la nouvelle dynamique du chômage ( pour la Banque Barclays : passage de 7,3% à 7,7% ) dont il faudra veiller à la quantification exacte. En effet, bien des établissements ont déjà recours au chômage total partiel qui matérialise un geste d'apaisement social tout autant qu'un nouvel accroissement de la dette publique.

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En période de hausse des taux d'intérêt, la fameuse affirmation d'Olivier Blanchard ( ancien économiste du FMI ) selon laquelle l'endettement est finalement neutre devient absurde dès lors que l'intérêt surclasse le taux de croissance. Et de loin.

La dette publique française était une facilité, elle devient désormais un péril.

Tant pour le contribuable que pour la belle et majestueuse notion de souveraineté nationale.

Non, nul ne peut souhaiter pour notre pays un programme d'ajustements digne de celui éprouvé par la Grèce.

Inflation durable ?  Oui.  Réductions d'activité ? Oui.  Risque de pénuries énergétiques en 2023 ? Oui. Climat social pesant ? Oui. Inversion de la courbe du chômage ?  Oui.  A force d'enfiler des oui comme des perles, on aboutit à la confection d'un collier nommé stagflation ou pour être plus précis slumpflation.

La slumpflation, c'est la stagnation en plus violent notamment au niveau de l'emploi.

Cela étant, nous sommes face à un Exécutif qui n'a pas été troublé par le fait de placer neuf ( 9 ) millions de personnes en chômage total partiel lors du confinement ce que notre pays ne pouvait s'offrir. Il fallait indemniser mais pas autant.

Même remarque pour le prix de l'essence où nulle dégressivité n'est introduite ce qui fait que l'infirmière libérale en campagne reçoit le même discount temporaire que le ténor du barreau fier de son 4x4 rutilant.

Quelle stratégie concrète de négation des besoins distincts des diverses classes sociales !  Quel penchant pour l'inégalité via des dispositifs uniformes et incongrus !

Le ministre de l'Économie saura continuer à être le prince de la dette à défaut d'être le baron de l'harmonie sociale.

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Pour l'heure, nous attendons le futur avis éclairé du HCFP sur le PLF 2023.

Une chose est acquise : le hiatus entre les prévisions du Gouvernement et celles de la Banque de France.

S'agissant de la croissance du PIB, le Budget retient le chiffre de +1% ce qui ne se retrouve pas chez la quasi-totalité des économistes.

Le hiatus Gvt / BdF tient au fait que celle-ci fait varier la croissance estimée entre +0,8% et une baisse de -0,5%. Il est peu fréquent, s'agissant de la croissance, que la Banque de France dévoile un tel écart. Il faut lire l'obligation de prudence cumulée à l'obligation de sincérité.

Le dernier trimestre 2022 pourrait déjà être porteur de nouvelles sombres et je maintiens mon analyse préalablement exposée concernant la récession de 2023 qui va se déployer dans un contexte parlementaire tendu.

Dans " La Réforme de l'État " publié en 1934 par André Tardieu, ce fin praticien de l'exécutif avait émis une proposition choc. Celle consistant en la perte du droit d'initiative des dépenses publiques pour le Parlement.

La classe politique avait repoussé cette idée mais il est instructif de lire l'article 40 de la Constitution de la Vème République qui va, dans les semaines à venir, être fortement sollicité afin de contenir la dépense publique.

Article 40 : " Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. "

Sans même évoquer l'article 49-3 dont la forte probabilité d'emploi rend le document budgétaire d'autant plus incertain que le Gouvernement croit avoir, en apparence, les mains libres.

Autrement dit, si le ministre Attal et bien entendu Bruno Le Maire sont convaincus, chacun selon leur mode raisonnement, que tout finira en 49-3, alors ils peuvent se sentir délier – pour ne pas dire délivrer – des contraintes de la discussion budgétaire tant au Palais-Bourbon qu'au Sénat.

Tenir le cadenas final peut ouvrir un champ de tentations autoritaires loin de l'usage de la discussion budgétaire et de son art si spécifique.

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