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Le maire de Cannes, David Lisnard, lors d'une séance photo pour l'AFP.
Le maire de Cannes, David Lisnard, lors d'une séance photo pour l'AFP.
©JOEL SAGET / AFP

ETHIC

Le mouvement ETHIC et Sophie de Menthon ont organisé un débat avec David Lisnard (maire de Cannes), le mardi 5 octobre, sur le thème : "Comment réformer l'Etat profond ?".

David Lisnard

David Lisnard

David Lisnard est Président de l’AMF, Maire (LR) de Cannes et Président de Nouvelle énergie.

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Intervention de David Lisnard pour le Mouvement ETHIC, mardi 5 octobre 2021

La société est la somme de ce que nous en faisons. La liberté existe dans la responsabilité, la responsabilité n’a de sens que dans la liberté. Cannes est la ville française la plus connue du monde après Paris, une ville contrastée avec des pauvres (21% contre une moyenne nationale à 13,8%). J’essaie d’allier les principes du privé dans le public.

Le mandat de maire est un mandat de praticien, c’est celui qui met en adéquation, se documente et prends des décisions. C’est précisément ce que nous faisons quand il y a des crises, à condition que l’État profond nous laisse agir. Cette notion d’État profond dont nous souffrons revêt une acception plus large que la vision américaine, où elle renvoie à la connivence de l’appareil politique et de l’appareil militaire qui décident au gré des congrès et des présidents.

La notion d’État profond renvoie à la permanence de grands décisionnaires, qui caractérisent la France dans la lourdeur, la pesanteur et l’abime de son administration. On retrouve cette pesanteur administrative dans toutes les administrations françaises ; elle se traduit par des entraves à la liberté de créer, à la création de richesses et de valeur, et tout ce qui distingue l’humain des autres espèces animales.  L’administration est le fruit de la civilisation, il faut de l’administration mais pas d’excès or c’est un système qui s’autonourrit.

Cet État profond sur-administré se  retrouve dans des chiffres simples comme le nombre d’agents publics par rapport à la population active en France : 5 en 1922, 10 en 1955, 25 aujourd’hui. Le nombre d’agent public représente plus de 5,6 millions de personnes. Jamais nous n’avons eu une telle fonction publique alors qu’en revanche dans de nombreuses communes il existe un véritable manque de service public, il y a là un mystère. Les collectivités sont excédentaires en France contrairement à l’État, déficitaire depuis 1974. La dépense publique est de 56% de la richesse produite en France avant le Covid et de 70% dans l’année Covid. Les analyses montrent la présence de doublons et une vraie pesanteur administrative : dans les trois fonctions publiques on est à 33% d’administratif. La fonction publique n’est pas un concept, pas un statut mais une mission or la moyenne européenne est de 23,2%. L’Allemagne, pourtant très administrée, a un taux 25% donc il y a un différentiel de 8% soit 450 000 agents. Nous aurions donc 450 000 agents pour aider sur le terrain avec le taux allemand !

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Ce système de normes, produits des normes pour justifier de la norme ! On remarque un conformisme qui fait du mal au pays. Nous sommes hors du droit européen qui s’impose à nous, juste sur les textes législatifs, 320 000 textes pèsent sur nous avec une progression de 50% en 19 ans. On nous parle de lois de simplification depuis longtemps et parmi les mesures pour simplifier le pays, les seules acceptées étaient l’absence de réponses.

Les tâches administratives représentent 3,7% du temps de travail en Allemagne et 7% en France, soit l’équivalent d'un point de PIB.

Il faut distinguer complexité et complication. On peut complexifier, par exemple pour les jeux pour enfants ; pour les normes d’accessibilités pour que chacun ait sa place et c’est l’honneur de notre civilisation.

Le régime des technocrates a remplacé le régime des partis où seul le technocrate a une compétence technique. Les injonctions contradictoires se multiplient et à la fin le technocrate gagne. L’État profond avec la surcharge de l’État renvoie à une réalité dans notre processus de production de richesse.

Que faire ?

Il faut d’abord poser le diagnostic : on a encore des débats où l’on nous dit qu’on manque de moyens. Il faut réguler le conformisme. Le conformisme est une gangrène qu’il faut combattre, comme l’entre-soi, par exemple pour les magistrats il n’y a qu’une école, il faudrait donc plusieurs écoles. Il faut un meilleur contrôle de l’exécutif, avec un parlement doté de vrais moyens de contrôle.

Il faut sortir de la guerre entre régions et départements. Je suis pour l’État-nation à la française. Il faut que cela soit du ressort de l’administration. Il ne faut pas supprimer les fonctionnaires, c’est une erreur, ce n’est pas une fin en soi mais il faut de la performance pour chacun.

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La question est : Est ce qu’il est possible de réformer l’État depuis l’État ?

Gaspard Koenig a fait une démarche formidable et il a crée un mouvement simple pour accéder aux absurdités de tous les jours.

Parlons aussi du déclassement éducatif, le déclassement de l’éducation est le plus grave car se paye sur le temps long. Chaque classement PISA dénonce ce déclassement et cela devrait faire un débat national à chaque publication ! Si on ne peut pas être une grande puissance militaire soyons une puissance éducative et culturelle.

On doit rendre les administrations responsables car dans cette situation on peut décider des choses. Usages et abus sont indissociables. L’État a été créé pour sanctionner l’abus, mais comme on peut sanctionner tous les abus, on multiplie les décrets. Tout est souci à autorisation : la France est le seul pays à s’auto signer des autorisations, c’est Kafkaïen.

Il faut renverser cette matrice folle à défaut de quoi, je crains des phénomènes de violence.

La reforme territoriale n’a jamais été faite convenablement pour réduire le millefeuille. C’est un des échecs d’Emmanuel macron.

Dans mon projet pour l’AMF, je serai proactif sur la normalisation. La dernière évolution était le mythe de la suppression de la taxe d’habitation qui en fait était nationalisée. Elle sert à financer les écoles, les polices, elle représente 25 milliards d’euros ; dans ma commune à Cannes, depuis 6 ans la dette baisse chaque année et on a multiplié par 5 les capacités de financement.

Il faut aussi travailler sur le processus législatif, j’ai refusé le cumul des mandats et je me suis trompé dessus. A l’Assemblée nationale on a des députés de très bons niveaux mais qui sont devenus déconnectés de la réalité.

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Question : Il existe une plateforme « Entrepreneurs pour la République », est ce qu’il est possible dans une mairie de faire en sorte qu’on fasse appel au privé, de résoudre les problèmes en s’appuyant sur les entreprises ?

J’ai vu des délégations du service public très efficaces par rapport au privé. Sur la propreté j’ai réinternalisé les marchés en les cassant ; à masse salariale équivalente j’ai donné des heures supplémentaire pour motiver les collaborateurs. Il faut faire des stops and go. Il faut externaliser certaines questions comme les espaces verts. Je fais une vraie comptabilité analytique pour gérer ma ville. Il y avait un vrai savoir faire. Il faut avoir des principes et savoir équilibrer les talents du public et du privé. Je termine en disant que le pouvoir central doit renoncer à la prétention de tout faire et il cessera d’être seul.

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