Maximiser vos chances d'obtenir une réponse à vos messages : petit guide de l'efficacité respective des SMS, des mails ou des appels téléphoniques<!-- --> | Atlantico.fr
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Le mail, comme le SMS, a le bel avantage d'être discret.
Le mail, comme le SMS, a le bel avantage d'être discret.
©Reuters

Bip bip !

Votre correspondant ne vous répond pas ? Vos mails restent sans suite, et les textos semblent se perdre malheureusement en route ? Peut-être n'avez vous pas compris quand, et surtout comment, contacter les gens ! Car, oui, il est un temps pour tout...

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

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Atlantico : Cyrus Stoller, un consultant anglo-saxon estime qu'il existe une hiérarchie dans la manière de contacter les gens (dictée par la nécessité d'une réponse rapide). Ainsi, pour une réponse rapide, on appelle, et quand on est moins pressé, on privilégiera l'écrit et le mail. Cela vous semble-t-il pertinent ? Quelle est la différence entre un contact au téléphone, et un autre par courriel ?

Catherine Lejealle : Si cette analyse n'est pas fausse en soi, elle n'en est pas moins très grossière, et même taillée à la serpe. Bien entendu, l'urgence de la réponse est un facteur à prendre en compte quand on cherche à contacter quelqu'un, mais tout ne se résume heureusement pas qu'à ce simple élément ! L'un des premiers points sur lequel il faille se pencher, c'est avant tout le registre de la conversation : s'agit-il d'une discussion d'ordre privé, avec un proche, ou au contraire est-ce un entretien à teneur purement professionnel ? Qu'elle est l'antériorité de la relation ? Qui cherchez-vous à contacter ? Une personne âgée qui préfère le téléphone, parce que plus habituée, ou un jeune adolescent qui n'a d'yeux que pour les textos ? Davantage que la seule urgence du message, ce sont des composantes essentielles à l'analyse.

Il faut aussi se pencher sur le contenu du message, ce qui cette fois-ci sous-entend en effet son caractère pressé ou non. S'il ne s'agit que d'un contenu phatique, visant uniquement à converser pour le plaisir de converser, à prendre des nouvelles, alors on privilégiera un modèle de conversation synchrone, soit une forme de ping-pong qu'on retrouve avec le téléphone. Un échange ou il est possible de rebondir sur ce que dit l'autre, immédiatement et spontanément, et qui permet d'entretenir le lien. Si au contraire il s'agit d'un contenu asynchrone, qui correspondra cette fois-ci à une demande (comme le code de l'immeuble, ou la date des vacances), on aura davantage tendance à privilégier les messages écrits.

Quels sont les moments les plus propices pour un contact par mail, par sms ou par téléphone ?

L'heure est également un aspect fondamental qui semble absent de cette étude. Il convient toujours de supposer dans quel état est l'autre, et de chercher à le deviner. L'appel est, évidemment, un contact bien plus intrusif, et dès lors il n'est pas toujours adapté. Egalement propice à disqualifier les appels : la distance. Quand il s'agit d'entrer en contact avec un ami à l'autre bout du monde, il va de soi qu'on s'orientera vers un moyen plus économe, comme le mail.

Le mail qui, comme le SMS, a le bel avantage d'être discret : il est donc plus propice pour contacter quelqu'un discrètement, et parallèlement à une autre activité. Il est tout à fait possible de se trouver en réunion et de répondre à un mail en même temps, en écoutant les propos des autres sans pour autant les déranger comme l'aurait fait un appel. En fait, l'appel ne se passe que quand on a la possibilité de s'isoler un tant soit peu : pendant les pauses, ou quand on est seul au bureau.

Il faut savoir, aussi, deviner la disponibilité du récepteur. Percevoir l'état dans lequel il se trouve. Plus on avance dans la journée, moins les méthodes intrusives sont adaptées. Il est possible d'appeler quelqu'un en journée, cependant passé une certaine heure, ça n'est plus vraiment conseillé… A moins d'initier une phase d'ouverture de la communication, de tendre une perche. Si, après plusieurs messages écrits, le récepteur à l'air d'être disponible, il est possible de proposer un appel, et de changer de mode de conversation.

Qu'est-ce que cette façon de communiquer traduit-elle de nous ? S'agit-il de simple bon sens, ou au contraire est-ce quelque chose qui doit se comprendre ?

Aujourd'hui, on assiste à une multiplication des moyens de communication. Auparavant, il n'y avait pas grand-chose : tout juste un téléphone particulièrement couteux, et les lettres. En une fourchette d'une dizaine-quinzaine d'années, on a eu une explosion de ces moyens, et il faut donc trouver ce qui correspond à chacun des usages. D'autant plus qu'avec Free, le verrou financier a sauté. Le SMS ne coûte plus rien, le mail est accessible depuis le téléphone… Il est dorénavant possible d'arbitrer toute la journée entre ordinateur et téléphone pour communiquer, et en conséquence il est important de se demander ce qui dérangera le moins l'autre.

Cela traduit donc un nouveau rapport au temps, et à l'espace. On est beaucoup plus sûr du tout, tout de suite : l'instantanéité entraine aussi la fragmentation. On a moins tendance à grouper l'information, elle est beaucoup plus spontanée. Aussitôt qu'elle nous vient, on la communique, quitte à devoir le faire en plusieurs fois. Ça permet de partager l'émotion, à chaud, avec tous les avantages ! Egalement, ça gomme aussi les distances. Il est possible de contacter des gens à l'autre bout du monde, de leur transférer des images, et somme toute, d'être un tant soit peu avec eux.

Le rapport hiérarchique est mis à mal par ces habitudes, aussi : le rapport protocolaire n'existe plus de la même façon. Google permet de rentrer en contact avec n'importe qui, sans aucun mal, fut-ce un patron.

S'agit-il d'un vrai changement, ou l'Homme a-t-il toujours eu différentes façon de s'exprimer et communiquer avec ses semblables ?

Il ne s'agit pas d'un véritablement changement : les limites financières ont simplement été levées. Aujourd'hui, on se moque souvent de ces ados qui restent scotchés à longueur de journée à leurs téléphones mobiles dans l'attente d'un message. Mais… à l'époque, c'était strictement la même chose ! Prenez l'exemple de la littérature de début de siècle dernier, et ce qu'il s'agisse de Proust ou de Ken Follet et sa Chute des Géants : les protagonistes passent leurs journées à s'échanger des billets, et à envoyer les domestiques à droite ou à gauche pour en récupérer. L'Homme est avant tout un animal social, et par conséquent il cherche toujours le contact et la communication avec ses semblables. Aujourd'hui, le verrou financier est levé, il n'y a donc pas de raison que ça cesse. Il existe bien des travaux qui témoignent d'une évolution dans la façon de construire le lien. Auparavant, il s'agissait, pour les hommes, de faire quelque chose ensembles, comme bricoler ou regarder le match de football Pour les femmes il existait la notion de partage narratif. Tout ceci est facilité par les nouveaux moyens à notre disposition.

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