Laissons parler les imbéciles : pourquoi il est urgent de rétablir la liberté d’expression<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le nouveau rapport de GenerationLibre met en lumière toutes les lois qui restreignent la liberté d'expression en France.
Le nouveau rapport de GenerationLibre met en lumière toutes les lois qui restreignent la liberté d'expression en France.
©Reuters

Liberté chérie

Le nouveau rapport de GenerationLibre, "Pour rétablir la liberté d'expression - Laissons parler les imbéciles", met en lumière toutes les lois, plus ou moins pernicieuses, qui restreignent la liberté d'expression en France. Celles-ci, si elles étaient appliquées à la lettre, constitueraient une réelle menace pour le débat public.

 GenerationLibre

GenerationLibre

GenerationLibre est un think-tank d’orientation libérale avec comme objectif de concevoir et de promouvoir des politiques publiques reposant sur la responsabilité individuelle et les mécanismes de marché. S’appuyant sur une tradition intellectuelle bien établie, d’Alexis de Tocqueville à Jean-François Revel, GenerationLibre a vocation à aborder l’ensemble des sujets d’intérêt général, qu’ils soient économiques, sociaux ou institutionnels.

Voir la bio »

Personne n’est plus embastillé pour ses opinions, et le temps où Voltaire écrivait que "sans l'agrément du Roi, vous ne pouvez penser" semble bien révolu. L’avalanche de sottises postées chaque jour sur le web conduit parfois à penser que, s’il y a un problème avec la liberté d’expression, il réside plutôt dans son abus.

Pourquoi alors des artistes aussi divers que Michel Houellebecq, Christian Clavier ou Karl Lagerfeld se sont-ils inquiétés récemment d’un retour rampant de la censure ?

Depuis quarante ans, nos gouvernants se sont mis en tête d’éradiquer la bêtise. La loi Pleven de 1972 condamnant les propos discriminatoires peut être considérée comme le point de départ de cette évolution. Bien d’autres lois ont suivi, toutes rédigées avec les meilleures intentions du monde, mais qui ont considérablement limité le champ de la liberté d’expression (voir leur liste complète en annexe de ce rapport, avec des exemples de "propos interdits"). Ce corpus juridique est aujourd’hui heureusement peu utilisé, hormis par quelques associations spécialisées et personnalités procédurières, mais il définit un cadre potentiellement très dangereux, qui explique à la fois la judiciarisation du débat public en France, et le développement des phénomènes d’auto-censure. Si ces lois étaient appliquées à la lettre, rares sont les écrits ou les paroles qui échapperaient à la justice.

Nous nous sommes tournés vers John Stuart Mill et son essai On Liberty (1859) pour retrouver les principes fondateurs de la liberté d’expression. Nous en avons tiré la conviction que tout ce qui a trait à la définition de la "vérité" ou de la "morale" doit être ouvertement autorisé. Nous faisons le pari, à la base de nos démocraties, que l’individu est rationnel, et que l’opinion, correctement informée, est mieux à même de trancher le bien et le mal que les tribunaux. Comme le dit Jamel Debbouze, "laissons les imbéciles dire tout et n'importe quoi". Seul le souci de ne pas faire de mal à autrui doit pouvoir restreindre la liberté d’expression – ce qui peut justifier, par exemple, des lois protégeant la vie privée et la réputation, ou condamnant l’incitation à la violence.

Munis de ces principes solides, nous avons passé en revue la législation française. Si l’on peut sourire du délit "d’outrage à Ambassadeur", "d’opinions contraires à la décence" ou de "diffamation à l’encontre des administrations publiques", comment tolérer qu’un véritable délit de blasphème ait été réintroduit par la Cour de Cassation ?que les lois mémorielles empêchent les historiens de faire leur travail (si elles avaient existé dans les années 60, jamais on aurait pu montrer que le massacre de Katyn avait été perpétré par les Russes et non par les Nazis) ? que chaque communauté se dote de son association spécialisée traquant toute critique (une plainte pour "discrimination envers la communauté des femmes rondes" a récemment été déposée) ? que l’on ne puisse pas montrer, dans un reportage, un vigneron qui prend plaisir à boire son vin ? que l’usage trop aisé de la diffamation soit devenu une arme politique ? qu’un simple "retweet" puisse valoir une mise en examen ?

Le législateur, en abandonnant tout principe, a mis le juge dans la position impossible de rétablir le bon sens. En ajoutant exception après exception, restriction après restriction, il s’est fait l’homme de main d’une société frileuse et inhibitrice, détruisant cet "esprit français" fait d’excès, d’esprit et d’espoir. Faisons à nouveau de la France le pays des Lumières !

SIX PROPOSITIONS

Proposition n°1 : Affranchir la liberté d’expression de l’idée de morale ou de vérité. Inscrire dans la loi une prééminence générale de la liberté d’expression sur d’autres considérations, à l’exception de l’incitation à la violence. Cela implique d’abroger les lois mémorielles ainsi que la loi Pleven.

Proposition n°2 : Libérer les propos excessifs.Abroger les infractions "d’outrages" (à l’hymne, à un fonctionnaire, aux ambassadeurs…). L’outrage est une notion trop vague pour un délit trop insignifiant. Dans le cas de l’injure, il faut étendre l’excuse de provocation aux injures envers les agents publics. Enfin, garantissons la liberté des caricaturistes, y compris dans le domaine religieux.

Proposition n°3 : Restreindre l’usage de la diffamation. Inverser la charge de la preuve dans les litiges impliquant les délits de diffamations et d’injures : ce doit être à la personne s’estimant diffamée et injuriée de démontrer la matérialité des faits, et non plus à la personne accusée de prouver sa bonne foi ou l’absence de diffamation ou d’injures.

Proposition n°4 : Redéfinir le droit à la vie privée. Abroger l’article 9 du code civil sanctifiant le droit à la vie privée afin de laisser les tribunaux juger des dommages possibles créés par des propos sous le seul article de la responsabilité délictuelle classique.

Proposition n°5 : Protéger les journalistes.Renforcer la protection juridique des sources des journalistes et abroger le délit de reproduction de propos jugés diffamatoires.

Proposition n°6 : Créer des zones de catharsis.Instaurer à Paris et dans les grandes villes de France un "Speaker’s Corner".

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !