1000 dollars par habitant et par an : ce que l’économie américaine (et Barack Obama) doivent au gaz de schiste <!-- --> | Atlantico.fr
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Barack Obama devrait sa réélection aux chiffres de l’économie américaine, « améliorés » par le gaz de schiste.
Barack Obama devrait sa réélection aux chiffres de l’économie américaine, « améliorés » par le gaz de schiste.
©Reuters

Matière à penser

Au-delà du débat écologique, le gaz de schiste a indéniablement eu un impact positif sur l'économie américaine qui prend notamment la forme d'un gain allant de 1000 à 1200 dollars par foyer américain et par an. Les bons chiffres qui en ressortent pourraient même être l'une des raisons de la réélection de Barack Obama.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Atlantico : Alors que François Hollande a verrouillé le débat sur l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire français, l’économie américaine semble en avoir déjà tiré de nombreux avantages. Quelle est l’ampleur de l’impact de cette nouvelle exploitation sur l’économie américaine ?

Florent Detroy : On a vu passer de nombreux chiffres sur l’impact en terme d’emplois et de croissance de la révolution des gaz de schiste. On parle de 400 000 à 650 000 emplois selon les estimations créés dans le secteur du gaz de schiste entre 2007 et 2012. Aujourd’hui, si l’on prend en compte l’ensemble de la filière des hydrocarbures de schiste, du forage au paragazier et parapétrolier, c’est un total de 2,1 millions d’emplois qui ont été créés selon le consultant IHS Global Insight. A l’avenir, ces chiffres pourraient encore croitre. Le consultant prévoit 3,3 millions d’emplois dépendants de ce secteur sur l’ensemble de la chaine industrielle d’ici 2020, et 3,9 millions d’ici 2025. Barack Obama lui même a promis 600 000 nouveaux emplois pour 2020 dans les gaz de schiste lors de la campagne de novembre 2012. Les retombées en terme  de croissance sont également très fluctuantes. On estime que les foyers ont économisé autour de 1 000$ par an grâce à la baisse du cout de l’énergie.

Ces bénéfices vont-ils selon vous s’inscrire dans la durée et dans une large mesure ? S’agit-il au contraire d’un effet de nouveauté  qui va se stabiliser voire se résorber ?

L’inscription dans la durée signifierait que les prix notamment du gaz restent les mêmes dans les années à venir. Or rien n’a été plus volatile que le prix du gaz ces dernières années. Il était au dessus des 10$ le million de BTU [British Thermal Unit] au début des années 2000, puis est passé sous les 3$, et recommence actuellement à monter. Cela s’explique effectivement par un effet de nouveauté, qui a conduit les opérateurs à forer de manière « sauvage », pour reprendre l’expression de l’universitaire Thomas Porcher, pour produire toujours plus, jusqu’à noyer le marché. Aujourd’hui, ces mêmes acteurs estiment qu’une remontée des prix vers les 7-8$ serait justifiée, notamment pour que leur activité redevienne rentable. Il n’est pas sûr que les quelques industriels de la chimie ou des engrais, dont l’activité est très énergivore, qui sont restés ou revenus sur le territoire américain pour profiter des faibles couts de l’énergie ne finissent pas par partir.

D’aucuns disent que Barack Obama doit sa réélection aux chiffres de l’économie américaine « améliorés » par le gaz de schiste. Quel crédit accorder à cette théorie ? L’économie américaine aurait-elle été à ce point en plus mauvaise santé sans cela ?

Selon l’étude d’IHS Global Insight, la révolution des hydrocarbures non-conventionnels aurait effectivement fait baisser le taux de chômage de 9 à 7,8% en novembre 2012, donnant à Barack Obama un argument de poids pour sa campagne. Cette estimation me semble un peu excessive, puisque les industries qui ont réellement profité de la baisse des couts de l’énergie, celles dont je viens de parler, se comptent sur les doigts d’une main. Après on sait qu’au niveau local, le succès des gaz de schiste a pu lui assurer le soutien de l’électorat. Il a été confortablement élu en Pennsylvanie par exemple, un des cœurs de l’industrie des shale gas.

Dans quelle mesure l’adoption d’une politique énergétique peut-elle être une arme politique ? N’est-ce pas un peu imprévisible en termes de retombées économiques ?

Le cas américain est particulier, car il est habituellement très lent et très couteux de faire évoluer un mix énergétique. Là, la révolution s’est faite en quelques années seulement. Autre particularité, le changement s’est fait sans que l’État n’intervienne, du moins au début. Barack Obama s’est contenté de surfer sur la vague du gaz de schiste. Il faut se rappeler qu’il a été élu une première fois avec un programme très vert, axé sur un soutien aux énergies vertes. Après la crise, ce discours était moins vendeur. Il s’est replié sur les gaz de schiste, qui ont l’avantage d’être moins polluant que le charbon, et moins cher que les énergies vertes. Il a plus couru derrière cette révolution plutôt qu’il ne l’a engendré. Après, débarrassé des échéances électorales, du moins après les élections de mid term, il est possible de le président américain revienne à ses engagements premiers. Barack Obama s’est déjà engagé à réduire les émissions de CO2 de 17% d’ici 2020. Et la publication de son climate action plan en juin dernier laisse augurer une politique énergétique bien plus volontariste. Il sera intéressant de voir comment les démocrates défendront cet éventuel virage en 2016.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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