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Warning : pourquoi il ne faut pas manquer les annonces que va faire la Fed ce mercredi
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Pas dupe

La Fed est réunie depuis hier mardi pour actualiser sa stratégie de politique monétaire.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Le monde financier est troublé depuis qu’en février un gouverneur de la Réserve fédérale, Jeremy Stein, a exprimé quelques inquiétudes dans une allocution sur “La surchauffe des marchés du crédit”, au cours de laquelle, après un bref survol de certains marchés présentant des signes avant coureurs de surchauffe ou de spéculation excessive, il a plaidé pour “l’utilisation des instruments de politique monétaire pour assurer la stabilité financière”. En clair ça veut dire : l’open bar va bientôt fermer. Et comme ce sont les banquiers centraux qui fixent les cours, les taux, l’humeur, les risques et l’essentiel de ce qui constitue de nos jours notre « économie de marché », il est logique qu’une certaine fébrilité règne dans les salles du dit marché.

Au cours du premier trimestre on a pu constater en effet aux Etats-Unis quelques signes de « mousse » comme disent les gens de la Fed : une progression du recours à l’endettement par les hedge funds, une première depuis la crise, ainsi que de la demande de financement de produits titrisés et d’obligations d’entreprise à haut rendement. Ces phénomènes sont décrits dans l’édition de mars de l’enquête “Senior Credit Officer Opinion Survey on Dealer Financing Terms”, l’un des principaux moyens du FOMC pour surveiller les conditions de crédit sur les marchés de titres et dérivés OTC. Le tout dans un contexte assez différent de l’Europe : reprise économique, prix de l’immobilier résidentiel à +11% sur un an pour l’ensemble du territoire, actions dynamiques à +15% sur un an, etc.

Quelques autres officiels ont enchainé, et depuis quelques semaines chacun spécule sur un arrêt prématuré des achats d’actifs (QE3) et même (là, ça devient loufoque) sur de possibles hausses de taux directeurs (Fed Funds) dès 2014 si l’emploi continue sa reprise. Du coup, les taux longs US (qui sont largement une agrégation de taux courts anticipés) ont pris 50 points de base environ. Du coup, l’ensemble des taux des pays émergents ont pris 50 points de base (le reste du monde n’est le plus souvent qu’un dérivé de l’économie US et de la finance US, en particulier pour les pays qui choisissent de lier leur monnaie au dollar). 

Cette position des faucons n’est pas très sérieuse. Elle est certes plus sérieuse que celle des officiels BCE qui même au moment de la crise Lehman ou même en pleine crise des PIIGS voyaient des bulles spéculatives se former, en pleine chute verticale des marchés (pour ne prendre que deux exemples parmi 100 et en se focalisant sur le seul Yves Mersh, le plus stratosphérique de la bande : 21 Novembre 2008, "Increasingly I feel that too many decisions on our part could also create problems of digestion within financial markets, increasing operational risk", ou 29 mars 2011, "We have been in an environment of very persistent low interest rates. That means there is a high risk of creating new bubbles by creating incentives for a misallocation of capital“). Mais ce n’est pas sérieux parce que l’inflation US est hyper basse (le core PCE deflator à 0,8% sur un an, au plus bas depuis 1960), parce que le chômage est encore trop élevé, le manque d’emplois encore trop criant (taux d’activité très faible), et la reprise encore trop entamée par le resserrement budgétaire ou par la crise européenne. La Fed n’appréciera pas la hausse des taux réels et les doutes sur sa volonté de garder les taux bas très longtemps. La modification du dernier FOMC était de pouvoir adapter les achats à la hausse comme à la baisse…

Petite parenthèse. Cette crise donne lieu à un festival d’acronymes : en zone euro (SMP, FESF-MES, PSI, LTRO, OMT…) nous l’avons déjà dit dans ces colonnes, mais aussi aux Etats-Unis (TARP, ZIRP, QE1, QE2, QE3, opération TWIST,…). Le simple fait que les QE américains se comptent au nombre de trois en quatre ans, et qu’il ait fallu attendre le 3e (cinq ans après le début de la crise !!) pour un packaging sans date limite de fraicheur (le QE3 est théoriquement un « open QE », mais il ne se passe pas 24h sans rumeurs auto-alimentées sur sa fin prochaine), montre que c’est l’improvisation et le stop&go qui ont prévalu au dépend de la gestion sereine du canal des anticipations (même si des tentatives louables ont été enregistrées comme les Thresholds par exemple, ces seuils notamment sur l’emploi qui permettent aux marchés de mieux cerner la fonction de réaction de la Fed à propos de la fin de la ZIRP). Au fond c’est ce que reconnait humblement William Dudley(n°2 ou 3 de la Fed), fin mai 2013, lorsqu’il déclare : “we could have done better in communicating our intentions and goals. We put too much emphasis, too early, on the exit. At an earlier stage, we should have put greater emphasis on our commitment to use all our tools to the fullest extent possible for as long as needed to achieve our dual mandate objectives”. C’est typiquement américain : on reconnait ses pêchés (chose inimaginable en zone euro), on promet qu’on ne recommencera plus, oh non plus jamais, et puis le temps fait son œuvre et l’incohérence temporelle reviendra de plus belle.

Comme tous les économistes professionnels, j’ai un faible pour la Fed car c’est encore un lieu de débats, on voit des dissidences, il y a encore un écosystème de la pensée critique. Mais la cacophonie au moment où les taux sont à 0% et où par conséquent la communication devient un instrument décisif, ça suffit. Ben Shalom ce soir doit agir en patron, faire un travail de synthèse certes mais aussi donner du sens, ramener un peu d’ordre dans la maison et calmer les excités de la hausse des taux, ce qui devrait être positif à court terme pour les actions.

Comment va-t-il s’y prendre sans parler du bordel européen et sans trop désavouer les faucons de la FED qui voient des bulles partout alors que les actions n’ont presque pas progressé depuis 15 ans ? Ben va avancer les nouvelles prévisions de l’institution sur la croissance (en baisse) et l’inflation (en baisse). Il va réitérer le discours traditionnel des économistes (output gap encore très négatif, faiblesse de la croissance mondiale et de l’inflation, nécessité du gradualisme). On n’est pas à l’abri de mauvaises surprises bien entendu (les minutes du FOMC montrent que la Fed passait encore la moitié de son comité à parler du risque d’inflation un mois après Lehman !) et de concessions à l’adresse des faucons (nécessité de la surveillance de certains marchés du crédit, et blablabla) mais on peut compter sur lui pour équilibrer les choses, assurer un service monétaire minimum ainsi qu’une relative calinothérapie des marchés et une forme de réassurance globale, dont la zone euro en bonne passagère clandestine va bénéficier une fois de plus à bon compte (tout en critiquant l’aventurisme américain).

A ce propos, notons que la montée des taux nominaux et réels n’est pas un problème pour l’Amérique (où les taux sont très en dessous de la croissance du PIB nominal, où la reprise s’affirme) mais un problème pour la zone euro (où les taux sont honteusement trop hauts versus la décroissance du PIB nominal, où les prix des actifs baissent et où les risques sont partout) : je ne crois pas que l’éventuelle hausse des taux US se répercutera cette fois chez nous, mais si cela devait arriver (du fait de l’inaction coupable de la BCE, tout est possible), nous subirions un nouveau choc récessionniste et déflationniste. Après les 7 trimestres que nous venons de passer en zone euro, ça ferait mal. Prions donc à nouveau pour que Bernanke fasse le job.     

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