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Le PS menace la France 
d’un retour de "l’État stratège"
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Bis repetita

Parmi les nombreuses mesures - plus ou moins électoralistes - contenues dans le programme socialiste pour 2012, il y a la création d'une grande "banque publique d’investissement". Un nouveau bras armé, plus musclé encore, et destiné à diriger l'économie. Ou quand l'Etat interventionniste se complaît dans les erreurs du passé.

 Santiago

Santiago

Santiago est blogueur.

Il tient la bibliothèque en ligne catallaxia.net et écrit de temps en temps pour le webzine La catallaxine.

 

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Fruit de deux ans de concertation, le programme socialiste cru 2012 est arrivé. Au milieu des multiples points destinés à flatter tel groupe social, à satisfaire tel courant interne ou au contraire à gêner tel petit camarade potentiellement candidat [1], un point a retenu mon attention : la création d’une grande "banque publique d’investissement".

Ses missions seraient de financer les entreprises françaises sur les moyen et long termes, de stimuler l’innovation (placez du "vert" pour faire de gros clins d’œil aux amis apporteurs d’af… de voix), d’aider à relancer lacroissance (vieille lubie d’arriérés productivistes), soutenir l’industrie (qui pollue notre pays), éviter les délocalisations et intensifier les exportations (les français d’abord !).

Rationaliser l’interventionnisme déjà existant

Il faut tout d’abord noter que, d’après ses théoriciens, cette banque ne serait pas une création ex-nihilo financée discrètement en allant trouer un peu plus encore la passoire des finances tricolores, mais qu’elle rassemblerait l’existant en la matière, soit : la Caisse des Dépôts et Consignations (et ses nombreuses filiales), Oséo, le Fonds Stratégique d’Investissement et la Banque Postale[2]. L’argument latent est compréhensible : prenez des ingrédients qui, seuls, ne servent à rien ou peu – les intéressés apprécieront – agrégez-les, mélangez, mettez au four le temps d’une échéance électorale et vous obtenez un met suffisamment présentable pour gagner à Top Grand Chef Visionnaire, la future émission peoplitique de M6.

Bref, grâce à cette attèle, la bête à trois pattes qui, jusqu’ici n’a pas marché, ou pas assez bien, puisqu’il faut la rependre en main, va se mettre à jouer les lièvres demain lorsque le PS sera au sifflet. Au pire, si l’animal interventionniste,retors, s’entête à claudiquer pitoyablement, il ne faudra envoyer qu’un seul faire part de décès plutôt que d’aller chercher dans tous les recoins de France les rejetons de l’Etat au clientélisme inutilement coûteux, ça fera de l’économie de paperasse. Rationnel. Comme le fait d’éviter que les membres de ce fabuleux corps social, dont les meilleurs neurones se trouvent à la rue Solférino, ne se tirent dans les pattes comme on le constate si souvent, bien que les plus belles argumentations de l’Etat tentaculaire reposent sur le fait que Lui-Seul peut pallier les défaillances du marché aveugle.

Pourquoi s’entêter à planifier l’échec ?

Remarquons ensuite que si la nouveauté n’est pas en soi un gage de quoi que ce soit, les mesures nouvelles ont un avantage sur leurs aînées : n’ayant pas encore montré concrètement leurs limites, il faut leur accorder le bénéfice du doute, de sortequ’elles peuvent faire illusion en attendant l’heuredes bilans. Dans l’autre cas, la charge de la preuve est inversée

Ainsi, quand bien même, la vanité est un des moteurs du politique mais les exemples du passé devraient conduire à un peu de modestie et de doute quant à la capacité d’un Etat à planifier un monde plus complexe que le jeu vidéo auquel les positivistes enthousiastes réduisent inconsciemment la réalité. Les russes et leurs multiples plans quinquennaux ont fini moribonds aux pieds du capitalisme : "idiots !". Les chinois ont connu leur essor en pratiquant un capitalisme d’Etat liberticide : "impossible ici !". Jospin a beaucoup privatisé, reconnaissant lui aussi, de facto, la supériorité du polycentrisme sur la direction centralisée des activités humaines : "du passé !", semble nous dire son équipe d’alors. Villepin a remplacé le Commissariat au Plan par le plus modeste Centre d’Analyse Stratégique : "un flambeur sans coffre", s’entête encore de concert l’école autrichienne encore la tête sous terre mais soucieuse de la relever en 2012.

Pourtant, le temps du politique est surtout celui de la réélection, de l’alternance des majorités politiques qui peuvent faire aller à hu et à dia des projets ayant besoin de stabilité. Les décideurs (para)étatiques peuvent être moins impliqués dans les entreprises qu’ils gèrent que des propriétaires, et leur responsabilisation des plus relatives, comme en attestent les errances des politiques américaines à la base de la crise de 2008. Une stratégie est aussi le terrain de jeu où l’idéologie, le clientélisme, l’arrogance nationale (se souvenir du Minitel…) jouent à domicile. Et puis, puisque il s’agirait d’une banque, comment ne pas penser au précédent du Crédit Lyonnais… dont émergent des noms comme celui de Bernard Tapie (un ex-visionnaire encarté dans la Fraternité des Grands Stratèges) ou Bernard Trichet (encore membre des Guides des Peuples). Mise en garde négligeable sur la route des glorieux lendemains ?

Fruit de deux ans de concertation sans inspiration, le programme socialiste nouveau est arrivé : il a un goût de banane, de dirigisme déjà-vu, et de vase vendéenne. Certes, ils nous en veulent encore pour 2007, mais on ne mérite pas ça. Alors, si on mettait en bouteille ce fleuron de la pensée industrielle et qu’on l’envoyait aux japonais avec un bataillon de plombiers polonais-qui-nous-menacent pour reboucher leur centrale nucléaire et des cartons de beaujolais pour qu’ils oublient ? Après tout, en bons sociaux-nationalistes, on ne peut que vouloir du mal à ces concurrents étrangers !

[1] Qui pourra toujours s’asseoir dessus, l’oublier sélectivement une fois élu, voire lui préférer une grande concertation participative avec fra-ter-ni-té !, c’est dire que ce programme n’a pour seule utilité que d’essayer de montrer que l’encéphalogramme de la pensée socialiste n’est pas désespérément plat…

[2] Rappelez-vous que la France a "relancé" son économie, regardez tout ce que gèrent la CDC et ses filiales, ou l’étendue des entreprises où le FSI et l’Agence pour la Participation de l’Etat interviennent. Vous n’avez pas envie d’assommer le premier venu qui vous parlera d’Etat ultralibéral ? Mais n’allez pas plus loin dans l’enquête, vous en deviendrez malade. Voir libéral, ce qui est très très mal !

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