Assistanat : les vrais chiffres d'un fléau français<!-- --> | Atlantico.fr
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Le RSA est perçu chaque mois par 1,8 million de Français.
Le RSA est perçu chaque mois par 1,8 million de Français.
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Bonnes feuilles

L'auteur Eric Brunet explique pourquoi des millions de Français ne se sentent plus aimés par leur pays et partent. Extrait de "Sauve qui peut !" (1/2).

Eric Brunet

Eric Brunet

Eric Brunet est l'auteur de l'Obsession gaulliste aux éditions Albin Michel (2017). Il présente Radio Brunet tous les jours sur RMC de 13 heures à 15 heures

Il a par ailleurs publié Etre de droite, un tabou français (Albin Michel, 2006) et Dans la tête d’un réac (Nil, 2010).

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Un couple sans enfants bénéficiaire du RSA perçoit environ 700 euros, alors que le SMIC confère un salaire mensuel d’un peu plus de 1 000 euros. Le smicard gagne donc plus. Cependant, grâce à leur statut, les bénéficiaires des minima sociaux ont droit à de nombreux avantages que n’ont pas forcément les smicards : gratuité ou réduction sur les transports en commun, les cantines, les crèches ou les centres aérés, services de garde, tarifs sociaux du téléphone ou de l’électricité. À Paris, certains peuvent même prétendre à la coiffure à domicile. Ces nombreuses aides (seize en moyenne, selon un rapport sénatorial) sont accordées par les municipalités et les conseils généraux. Les dépenses sociales accaparent aujourd’hui les deux tiers des budgets des conseils généraux et la dérive continue à s’accélérer.

D’après le professeur d’économie Yannick L’Horty, toutes ces aides locales peuvent représenter jusqu’à 20 % du revenu d’un foyer au RSA. Elles réduisent donc l’écart de revenu entre RSA et SMIC. Résultat, de nombreux Français se désintéressent des emplois industriels ou pénibles : faire les trois huit pour gagner 100 ou 200 euros supplémentaires est un choix que de nombreux attributaires des minima sociaux se refusent à faire. On comprend mieux dès lors que, trois ans après son lancement, le RSA ne soit pas parvenu à son objectif qui était de favoriser la reprise du travail. Il est aujourd’hui perçu chaque mois par 1,8 million de Français. Les deux tiers n’ont aucune activité et bénéficient du « RSA socle » qui correspond à l’ancien RMI et s’élève à 475 euros pour un célibataire sans enfant. Le tiers qui reste (600 000 personnes) a déjà un travail à temps partiel et reçoit le « RSA activité », en guise de complément, en moyenne 170 euros.

Le coût du RSA pour les finances publiques est loin d’être négligeable : 10 milliards d’euros, soit 4 milliards de plus que ce qui avait été annoncé à son lancement. Et encore, si les statistiques indiquent que 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 954 euros par mois), un bref calcul montre que près de deux bénéficiaires potentiels sur trois ne touchent pas le RSA. Si ceux-ci devaient soudain se manifester et faire valoir leurs droits, le coût de cette mesure pour les finances publiques serait multiplié par trois. Sans parler des fraudes, que la Cour des comptes évalue à 1,5 milliard d’euros (0,8 milliard d’allocations chômage indûment perçues, le 0,7 milliard restant pour la CAF).

Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, cette politique d’assistanat n’est en rien une fatalité imposée par la crise actuelle, mais résulte d’un choix opéré par notre pays au moins depuis 1988, date de l’instauration du RMI. Son coût et ses échecs en matière de retour à l’emploi importent peu à nos politiques : l’assistanat subsistera toujours dans notre pays car il est idéologique.

Dernière preuve en date, après seulement six mois de présidence, François Hollande annonçait une hausse du RSA de 10 %, étalée sur cinq ans, hausse qui s’ajoutait elle-même à une revalorisation automatique liée à l’inflation. Le président annonça en mars 2013 une diminution des indemnités versées aux familles moyennes, remettant ainsi en cause le principe d’universalité des allocations familiales, qui prévalait depuis l’après-guerre. Notons que la Caisse des allocations familiales verse, chaque année, aux Français, la somme de 77 milliards d’euros en allocations diverses, soit de dix fois le budget de la justice dans notre pays. Le degré de générosité de cette politique publique ne connait aucun équivalent dans le monde.

"À côté de ça, la défiscalisation des heures supplémentaires, instaurée par Nicolas Sarkozy et qui bénéficiait aux smicards et aux revenus modestes, a été supprimée, et l’impôt sur les sociétés augmente. En France, le combat contre la pauvreté ne consiste pas à favoriser la création d’emplois mais simplement à augmenter les minima sociaux, à l’instar des dames patronnesses du siècle dernier. Outre le fait d’acheter à court terme la paix sociale, l’assistanat nous permet de nous donner bonne conscience, comme si, pour les Français, la satisfaction de se rendre indispensable à la survie des démunis était supérieure au désir que ceux-ci acquièrent définitivement l’autonomie.

On attribue aux Anglais (ou aux Chinois) ce merveilleux proverbe : « Donne un poisson à un homme, il aura à manger pour un jour ; apprends-lui à pêcher, il aura à manger pour tous les jours de sa vie. » Ce dicton (l’une des formules emblématiques de la Fondation abbé Pierre) est devenu l’illustration de ce que l’assistanat en France n’est pas. La générosité publique française, la plus importante du monde, donne mais n’apprend pas. L’efficience des dispositifs est secondaire, l’évaluation des méthodes n’est suivie d’aucune réorientation véritable. Loin du principe de réalité, la France célèbre la générosité de ses principes et de ses symboles, moquant au passage la pingrerie des politiques publiques de ses voisins européens et des pays anglo-saxons. Cette obsession de l’autocélébration du dogme de l’assistanat est le cœur de l’idéologie française. Elle évoque davantage la mécanique de redistribution systématique du Venezuela que les grandes démocraties responsables de l’argent que leurs contribuables leur confient.

Héritière des heures glorieuses de la Révolution, cette vision de la réduction de la pauvreté n’a jamais su s’affranchir de la doxarobespierriste. Un comportement qui, en 2013, entretient une distance inquiétante avec le monde réel. Alors que les grandes fondations américaines qui se sont donné comme objet le combat de la pauvreté en Afrique font évaluer l’efficacité de leurs process chaque année dans le but de les faire évoluer vers plus de vertu et plus d’efficacité, la France, avec un mépris souverain pour les milliards d’euros qui lui sont confiés par ses contribuables, poursuit sa politique aveuglément : distribuer davantage de minima sociaux, d’aides, d’exonérations d’impôts pour les millions de citoyens les plus modestes, sans souci d’efficience.

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 Extrait de "Sauve qui peut !" (©Editions Albin Michel), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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