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La Chine, l'autre pays du schiste
©Reuters

Nouvelle donne

Les Etats-Unis ont su utiliser le gaz et le pétrole de schiste pour nourrir leur "renaissance" économique... mais ils ne sont pas les seuls sur le marché !

Cécile  Chevré

Cécile Chevré

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’Institut national des techniques de documentation (INTD). Elle rédige chaque jour la Quotidienne d'Agora, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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En novembre dernier, une déclaration de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) avait fait grand bruit : les Etats-Unis deviendront le premier producteur de pétrole au monde d'ici à 2017, et le premier exportateur d'ici à 2030. Et le premier producteur de gaz d'ici à 2015.

Une annonce qui a mis le feu aux poudres puisque cette nouvelle donne énergétique porte un nom : gaz et pétrole de schiste. Certains se sont mis à rêver d'indépendance énergétique, de profits énormes, de relocalisation... D'autres ont dénoncé les conséquences environnementales... D'un côté comme de l'autre, les fantasmes ont eu tendance à masquer la réalité économique et du terrain.

Depuis, l'embrasement médiatique s'est un peu calmé. En premier lieu parce que, devant l'affluence de l'offre, les cours du gaz se sont effondrés.

Pour nombre de sociétés qui ont voulu profiter de la révolution shale américaine, le bilan est mitigé. Comme le soulignait Christophe de Margerie, le PDG de Total, dans un entretien accordé au Monde en janvier dernier, l'effondrement des prix du gaz a remis en cause la rentabilité de nombreux projets. En 2010, Total avait investi 2,3 milliards de dollars dans le gisement de gaz de Barnett Shale en fondant ses projections sur un prix du gaz à plus 6 $ le million de BTU. Début janvier, le million de BTU valait un peu plus de 3 $.

Les valeurs liées à ce secteur en ont pâti ces derniers mois

Depuis quelques semaines cependant, un certain optimisme est de retour : les prévisions de forage de nouveaux puits aux Etats-Unis sont en hausse et le secteur se reprend...

Les énergies non-conventionnelles n'ont clairement pas dit leur dernier mot et l'accalmie médiatique et financière que nous traversons me paraît très saine pour le secteur, qui soit s'organiser, se structurer et investir sur de nouvelles infrastructures (pipelines, stations d'exportations...) pour passer à la phase suivante de son développement.

Devant le potentiel que représentent ces énergies, nombre de pays se sont intéressés de plus près aux richesses de leur sous-sol. En France, le débat est toujours en cours mais l'Allemagne vient d'autoriser l'exploitation des gaz des schistes via la fracturation hydraulique. Objectif : remplacer d'ici à 2020 l'énergie d'origine nucléaire. Un pavé dans la mare des plus écologistes les plus utopistes – pour ne pas dire plus. Oui, produire de l'énergie à des conséquences environnementales, que vous fassiez le choix du nucléaire, des énergies de schiste ou même des énergies dites vertes.

L'énergie est reine

L'énergie est donc reine, et en matière d'énergie, s'il y a bien un pays dont les besoins sont en constante croissance, c'est la Chine. Aujourd'hui, le pays produit 70% à 80% de son électricité via des centrales à charbon et consomme à lui tout seul la moitié de la production mondiale d'houille. Seulement voilà, le charbon est extrêmement polluant et les problèmes de pollution atmosphérique prennent une ampleur telle que même les médias officiels osent en faire la une.

Pour Pékin, il devient donc urgent de diversifier sa production d'électricité : outre les centrales nucléaires et les importants investissements dans le domaine du renouvelable (la Chine est le premier producteur au monde de panneaux photovoltaïque), le pays s'est lancé dans l'exploitation du gaz de schiste. Les objectifs affichés sont ambitieux, comme toujours : l'empire du Milieu veut produire 6,5 Mds de m3 de gaz d'ici à 2015 et entre 60 et 100 Mds en 2020.

Pour cela, la Chine a besoin de construire des puits. Aujourd'hui, elle en dispose de quelques dizaines alors qu'il en faudrait 1 500 pour que l'objectif de 2015 soit tenable. Pékin a donc lancé en 2011 puis en 2012 des appels d'offres pour l'exploitation de ses réserves de gaz. Et changement majeure, le dernier en date était réellement ouvert aux entreprises et investisseurs étrangers – fait assez marquant pour être souligné et signe des besoins immenses du pays qui préfère généralement les entreprises chinoises sur des sujets aussi sensibles que l'énergie.

Dans son interview accordée au Monde, Christophe de Margerie soulignait d'ailleurs que Total misait de plus en plus sur l'exploitation des gaz de schiste dans les pays émergents, et notamment en Chine.

Or l'exploitation des gaz de schistes en Chine se heurte à plusieurs problèmes, qui peuvent en partie être résolus par des partenariats avec des entreprises étrangères. Premier d'entre eux : la difficulté d'accès aux poches de gaz. Sur les 7 principaux bassins – pour une capacité estimée autour 30 000 Mds de m3, soit l'équivalent des réserves américaines – 5 sont pour l'instant trop difficiles à exploiter techniquement. Reste donc le gigantesque gisement du Tarim, à l'ouest du pays, donc très éloigné des zones de consommation et celui du Sichuan, au centre. Mais là encore, les difficultés techniques sont légion : manque de ressources en eau pour fracturer la roche, déficit d'infrastructures de stockage et de transport et surtout un gisement qui se trouve à 4 km de profondeur.

Sur toutes ces questions – forage profond, fracturation hydraulique, infrastructures – les entreprises chinoises manquent de connaissances techniques et d'expérience. Ces dernières années, elles ont donc multiplié les partenariats et les investissements à l'étranger avec pour objectif d'acquérir compétences et connaissances manquantes. PetroChina, la branche cotée de l'entreprise d'Etat CNPC, a ainsi signé un partenariat avec le Canadien Encana en décembre dernier pour l'exploitation de gaz de schiste dans l'Alberta, une des régions les plus riches en énergies non-conventionnelles des Etats-Unis. CNOOC, une autre des majors publiques chinoises, s'est quant à elle alliée à l'Américain Chesapeake pour une exploitation commune dans l'Eagleford Shale, au Texas .

Mais la stratégie chinoise ne s'arrête pas là. En autorisant dans son dernier appel d'offre l'intervention d'entreprises étrangères, Pékin affiche clairement la couleur : les compétences des entreprises étrangères sont les bienvenues.

C'est donc allié à BP, que Sinopec a entrepris la première fracturation hydraulique sur sol chinois en 2010 et, en 2011, PetroChina a construit le premier puits de forage horizontal avec l'aide de Shell.

Côté entreprises étrangères, l'attrait est évident... et le potentiel alléchant. Lors de l'appel d'offres de 2012, les plus grandes compagnies occidentales ont candidaté. Total s'est ainsi allié à Sinopec et Shell à CNPC pour exploiter des gisements dans le Sichuan.

Les majors ne sont d'ailleurs pas les seules à s'intéresser au sous-sol chinois. Toutes les parapétrolières tentent elles-aussi d'être de la partie – et, à mon sens, ce sont elles qui ont le plus de chances de tirer leur épingle du jeu chinois.

Les ressources chinoises vont être beaucoup plus compliquées à exploiter que les ressources américaines, par exemple : il faudra donc fournir des puits de forage capables de forer à une profondeur importante, prévoir des espaces de stockage, des pipelines, fournir de l'eau pour la fracturation, construire des routes, des bâtiments pour les ouvriers, etc.

[Qu'est-ce que tout cela signifie pour un investisseur individuel -- et comment profiter de telles opportunités ? La réponse à ces questions est par là...]

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