Stéphane Hessel : une inquiétante passion française<!-- --> | Atlantico.fr
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Stéphane Hessel a déclenché une véritable passion chez une partie des Français.
Stéphane Hessel a déclenché une véritable passion chez une partie des Français.
©Reuters

Encéphalogramme plat

Malgré une idéologie contestable sur sa profondeur, Stéphane Hessel a déclenché une véritable passion chez une partie des Français. La question est maintenant de savoir dans quel vide idéologique ce manifeste d'une trentaine de pages est-il allé se loger.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Margaret Thatcher définissait le consensus comme "le processus par lequel on abandonne toutes convictions, tous principes, toutes valeurs et opinions. C’est quelque chose en quoi personne ne croit, mais auquel personne ne s’oppose".

A la lumière de cette excellente et peu consensuelle définition, on comprend mieux la nature du débat politique en France, d’autant plus intense qu’il repose sur des préjugés partagés par l’ensemble de ses acteurs. On se déchire parce qu’au fond on est d’accord.

Les écrits de Stéphane Hessel, à qui droite et gauche se sont empressés de rendre hommage, sont révélateurs de cette vacuité de la pensée politique contemporaine.

Reprenons cinq des grands thèmes présents dans son essai Indignez-vous :

  • La condamnation des marchés financiers, une ritournelle maintenant indispensable à tout discours public, parfois assortie d’une distinction – au demeurant absurde – entre "investisseurs" et "spéculateurs", alors que la France a été la première à profiter de l’internationalisation des marchés ces trente dernières années, mobilisant l’épargne des émergents pour vendre sa dette souveraine et financer ses entreprises.

  • La défense des acquis de la Sécurité Sociale, dont le quasi monopole sur l’assurance-santé est illégal au regard du droit européen, et facteur d’incroyables abus et dysfonctionnements.

  • L’idolâtrie de l’Université universelle, gratuite et sans sélection à l’entrée, qui a transformé les facs en parcs d’enseignement de seconde zone délaissés par le meilleurs étudiants et chercheurs.

  • La méfiance vis-à-vis de la "compétition" et du "productivisme", qui explique la persistance aujourd’hui en France des professions réglementées, des oligopoles et des rentiers de toute sorte.

  • L’idée que le "public" est la solution à tous les problèmes, et que le meilleur service à rendre à une entreprise en difficulté est de la nationaliser. Dans la même veine, aujourd’hui, on taxe les business angels et on veut les remplacer par une Banque Publique d’Investissement à la gouvernance grotesque. 

"Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous, écrivait Hessel, d'avoir votre motif d'indignation". Mon indignation à moi est dirigée contre ces tabous que nul n’ose briser, cette soupe idéologique qui condamne le pays à l’immobilisme. De Montebourg à Marine Le Pen, chacun s’accorde à dire aujourd’hui que les banquiers sont des voyous, la mondialisation un danger, et l’Etat le seul remède aux maux de la société. On pourrait écrire un excellent Dictionnaire des idées reçues du discours politique sur la base du livre de Hessel.

Nul ne connaît la panacée et le modèle républicain ne manque pas de vertus. Mais l’impossibilité d’interroger ses présupposés relève de la foi et non dans la raison, rendant peu risible l’existence de tant de partis aux programmes si semblables. Qui défend aujourd’hui en France le libre-échange et les libertés individuelles, pourtant à la base de la démocratie moderne ?

Ce n’est pas dans la pensée du Conseil National de la Résistance qu’on trouvera les réponses aux défis du siècle. Indignez-vous vraiment : refusez que Stéphane Hessel soit enterré aux côtés de Voltaire !

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