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Nucléaire : la France a besoin d'un débat, pas d'une dispute
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Zone franche

Un référendum sur l'abandon du nucléaire serait grotesque et démagogique. Un vrai débat, en revanche…

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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La rapidité de certains écologistes à exiger un référendum sur le nucléaire ― désolé pour Cohn-Bendit, que j’apprécie par ailleurs : un camarade libéral de gauche, c’est si rare… ― a quelque chose de l’impétuosité émotionnelle si souvent critiquée chez Sarkozy.

Un événement tragique survient ? Le public est ému ? Paf, je dégaine ma mesure massue ! Ok, c’est plus souvent un meurtre en rase-campagne qu’une fissure de réacteur nucléaire et une proposition de loi sur la récidive plutôt qu’un appel au vote citoyen, mais les logiques restent assez superposables.

Moi-même, je ne suis pas spécialiste du nucléaire, mais c’est le cas de 99,9% de la population française ― apparatchiks verts et adorateurs de saint Atome récitant leur bréviaire compris. C’est d’ailleurs une excellente raison de tenter d’avoir un avis, cette absence de spécialisation : les questions énergétiques de cette amplitude concernent tout le monde et, s’il fallait s’en remettre aux seuls diplômés des Mines pour savoir de quel bois nous chauffer, nous en serions peut-être encore au charbon…

Comme non-spécialiste prioritairement concerné par la température dans la chambre de mes gosses, que m’inspirent donc les images venues du Japon ? D’abord, une immense et sincère compassion pour ces milliers de victimes, ces centaines de milliers de sans-abris et ces millions de personnes dont la vie est bouleversée.

Ensuite, une inquiétude quant au danger que ce nouveau Tchernobyl fait peser sur la santé des Japonais d’une part, et des humains d’un peu partout d’autre part.

Enfin, une réflexion sur la nature de nos propres centrales nucléaires et le risque qu’elles représentent.

Dans cet ordre.

Il n'y a pas une énergie de gauche, propre et sympa, et une énergie de droite, crade et menaçante

Sur les deux premiers points, il n’y a pas grand chose à faire. J’espère seulement que les autorités japonaises se montreront à la hauteur, que la France et l’Europe contribueront à soulager la détresse des victimes à la hauteur de leurs moyens et que, si un nuage radioactif s’aventure au-dessus de nos têtes, on ne nous refasse pas le coup de la panne

Mais pour le dernier élément, je refuse de me laisser entraîner dans une querelle de militants donnant le sentiment que le nucléaire est devenu, comme tant d’autres thèmes, un enjeu politique au sens vil. Car, c’est une évidence, le nucléaire n’est pas partisan. Il n’y a pas une énergie de gauche, propre et sympa, et une énergie de droite, crade et menaçante.

Il y a, plutôt, les choix informés et réalistes que doit faire un pays comme le nôtre, sans gaz ni pétrole mais que son niveau de développement oblige à fournir de l’énergie à ses citoyens comme à ses entreprises de façon fiable, sûre et en grande quantité.

La France métropolitaine, autant que l’on puisse en juger, n’est pas située en zone sismique. Ses centrales ne risquent pas d’être submergées par un tsunami et n'ont connu, en plusieurs décennies d’exploitation, ni désastre sanitaire ni catastrophe écologique. Elles lui ont au contraire permis de devenir l’une des grandes nations industrielles les moins émettrices de CO2, de jouir d’une électricité bon marché et même d’exporter deux-trois KWh chez les voisins ayant fait des choix différents…

Elle n’est pas, pour autant, à l’abri d’un terroriste créatif qui, lassé d’expédier des avions sur Wall Street, s’intéresserait à La Hague. Ni même d’une défaillance dans les formidables systèmes de sécurité dont on nous rebat constamment les oreilles.

Nous sommes donc face à des choix complexes, à un arbitrage entre un risque réel mais, disons-le, faible, et quelque chose qui s’apparente à un plongeon dans l’inconnu. Sortir du nucléaire à l’heure où le pétrole vient à manquer et se négocie au prix du champagne, où les énergies de substitution dites renouvelables doivent encore faire leurs preuves, c’est aussi un risque.

De fait, le Français moyen, à l’inverse du militant pour ou anti, n’a pas de religion. Il se fiche totalement de savoir si l’ampoule qu’il allume est alimentée par un barrage hydroélectrique, une centrale à alcool de patates, un four solaire géant ou des atomes en folie. Bien sûr, il préfèrerait qu’on évite de pourrir la planète si c’est possible, mais il ne veut surtout pas qu’on le prenne pour un demeuré en le sommant de choisir un camp pour des raisons idéologiques, les images d’une centrale japonaise en flammes prenant la place des vidéos d’embryons qu’affectionnent les anti-IVG.

Un référendum sur une question aussi complexe ― un oui ou non sec comme un coup trique venant déterminer, ou plutôt, obérer l’avenir énergétique de la France ―, c’est grotesque et démago. C'est une dispute de plus. Un vrai débat informé et civilisé, en revanche… Mais saurons-nous l'organiser ? On a pu s'en rendre compte ces derniers temps, nous sommes manifestement plus calés en nucléaire qu'en discussions courtoises !

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