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Comment les enfants témoins peuvent faire basculer les enquêtes
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Enfance volée

L'enquête commence pas à pas concernant le massacre à Chevaline, en Haute-Savoie, où quatre personnes ont été abattues de plusieurs balles dans la tête pour un motif encore inconnu. Deux fillettes âgées de 4 et 7 ans ont survécu. La plus jeune a commencé à parler.

Dominique Rizet

Dominique Rizet

Dominique Rizet est un auteur, présentateur et journaliste.

Il est grand reporter et conseiller éditorial au Figaro Magazine et chroniqueur dans l'émission Faites entrer l'accusé sur France 2.

Depuis 2007, il présente également un magazine intitulé Justice Hebdo sur la chaine Planète Justice.

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Atlantico: Une fillette de 4 ans a commencé à parler dans le cadre de l'enquête concernant le massacre à Chevaline. Comment la justice considère-t-elle l’enfant dans une affaire de meurtre ?

Dominique Rizet : Dans une affaire de meurtre, l'enfant-témoin est entouré de tout un tas de précautions. Il est crédible, on le considère comme une personne capable de donner des éléments. C'est typiquement le cas de l'affaire de Chevaline en Haute-Savoie. Si c'est le frère qui a tué pour une affaire d'héritage, les enfants seront à même de dire et de reconnaitre leur oncle par exemple. L'enfant peut également dire s'il y a plusieurs tireurs, comment cela s'est passé, si la voiture a fait une queue de poisson ou pas. Les gendarmes qui sont spécialisés dans l'interrogatoire d'enfant vont filmer leur déclaration pour en faire une preuve. De cette façon, on évite de les faire revenir sur leur témoignage et donc de leur faire revivre un traumatisme. A l'audience, l'enfant ne viendra pas à la barre puisqu'on utilisera sa vidéo. Sa parole est donc centrale pour la justice.

Un enfant peut-il restituer une scène qui se joue sous ses yeux, qui plus est une scène de meurtre ?

Bien entendu ! Sa vision des faits peut même s'avérer crucial pour l'enquête. Un enfant est doté d'une importante mémoire visuelle. On l'a vu dans l'affaire Ranucci notamment. Lorsque la petite Maria Dolores est enlevé, c'est son frère de cinq ans qui d'une prévient ses parents mais aussi décrit le ravisseur avec détails, affirmant même que l'homme en question était reparti dans une voiture de marque Simca. On voit donc qu'un enfant est un témoin à part entière.

Dans quelles affaires les témoignages d’enfants se sont révélés cruciaux ?

Une des plus révélatrices, c'est l'affaire Dany Leprince. En 1994, à Thorigny non loin du Mans, une partie de la famille Leprince -Christian, sa femme et leurs deux filles- est retrouvée tuée au hachoir. La petite dernière - Solenne - qui a deux ans à l'époque est cachée derrière une porte. C'est là qu'elle était pendant le massacre. Interrogée, non pas par la police, mais sa nourrice, elle prononcera une phrase terrifiante et légendaire dans cette affaire "Tonton méchant, tonton a fait peur à papa". Ca glace le sang. D'ailleurs, Dany Leprince a été condamné à perpétuité par la suite.

A l’inverse, quels sont les cas où leur intervention  a éloigné la justice de la vérité ?

Outreau bien entendu. La parole des enfants a tout fait basculé. On a cru des enfants qui ont accusé des innocents. Mais les témoignages d'enfants dans des affaires de pédophilie ou d'inceste sont souvent plus difficiles à gérer.  Il y souvent des affaires de divorces douloureux derrière. Les enfants répètent parfois ce que les adultes leur ont soufflé dans l'oreille pour se venger de leur conjoint. Les enfants ne sont que le catalyseur de conflits d'adulte et parfois, ces mensonges peuvent être fatals.

C'est pour cela que dans l'affaire de Chevaline les policiers sont prudents. Ils s'entourent de précaution, ils évitent toute polémique autour de la fillette qui témoigne. Mais s'ils ont de vrais éléments venant de sa bouche, quelque soit l'information, les enquêteurs se jetteront dessus.

Cette fillette de 4 ans est elle condamné au traumatisme après ce drame en Haute Savoie où elle a perdu ses parents?

Si je reste sur le cas de Solenne Leprince, je sais qu'aujourd'hui elle vit assez normalement. Dans l'affaire de Chevaline, les enfants sont un peu plus âgées mais son traumatisme tiendra plus de ce qu'elle trouvera dans la presse que dans sa mémoire à elle. Il est très incertain qu'elle garde un souvenir définitif de ce drame. Pour celle de 7 ans, ça sera plus compliqué, mais pour autant dans sa tête, les souvenirs ne sont pas encore installés. Là non plus, pas sûr que cela s'imprime et c'est peut-être mieux comme ça.

Propos recueillis par Valérie Méret

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