Vaccins contre la Covid en vue : une excellente nouvelle pour le monde, une moins bonne pour la France et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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covid-19 coronavirus vaccin Pfizer BioNTech
covid-19 coronavirus vaccin Pfizer BioNTech
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Pfizer - BioNTech

Les groupes Pfizer et BioNTech ont annoncé lundi 9 novembre que leur candidat-vaccin contre le coronavirus serait "efficace à 90%", selon des analyses partielles réalisées au cours des essais cliniques. Le vaccin est encore au stade 3, l'ultime étape avant la demande d'autorisation de mise sur le marché.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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En avance sur leur agenda BioNtech et Pfizer ont annoncé les résultats de leur phase 3 du vaccin qu’ils ont inventé pour immuniser les humains contre le Sars-CoV-2, c’est une annonce majeure. Dans un article récent j’ai évoqué les conséquences de cette extraordinaire course scientifique. Il est probable que les autres participants vont aussi apporter leur pierre à l’édifice et que les stratégies vaccinales seront déterminées par les résultats en particulier pour les groupes à risque séronégatifs. Après les négationnistes du mois d’août qui assez cyniquement répondaient à toute demande de civisme: « y a pas de morts », il y a eu les libertaires allergiques au confinement. Mais même les voix de ceux qui sautaient récemment, comme des cabris en criant ma liberté ma liberté, se sont tues. Car ils ne proposent rien d’autre que de ne rien faire. C’est à dire accepter des milliers de morts. Ainsi dans  un sentiment de renoncement fataliste presque atavique plusieurs commentateurs attendent que la résurgence se calme et zappent sur le terrorisme qui leur permet de changer de peur. Le gouvernement aussi. Les vieux réflexes basés sur l’aphorisme d’Henri Queuille. Il est peu probable que nous éviterons une résurgence massive en France même s’il faut encore et toujours éviter la transmission. Cette annonce fracassante qui vient encore contredire tous les Cassandre de la pandémie et des vaccins est elle de nature à changer la stratégie pour la vie quotidienne des prochains mois?

L’incertitude n’est pas le doute et la science expérimentale a pour but de la réduire

Personne ne sait en détail ce qui s’est vraiment passé il y a six à huit semaines et personne ne sait ce qui se passe actuellement et gouverne la dynamique de la transmission qui apparaîtra dans quatre semaines. Il y a une grande incertitude comme le mettent en évidence tous les modèles. Mais ces modèles permettent de borner cette incertitude et c’est la leur utilité dans la décision politique. Or les politiciens actuels sont particulièrement étrangers à cette rationalité scientifique et donc incapables de l’exposer aux citoyens. Leur credo est l’omniscience de l’état, le planisme et l’absence de transparence des données. Alors il reste la pensée rapide qui active les centres émotionnels au lieu d’inciter à la réflexion.  Le gouvernement, opportunément, a joué sur la corde sensible en mettant en scène récemment une visite en réanimation où se trouvaient des patients jeunes et une crise de nerfs à l’assemblée nationale. Les spectacles sont interdits mais la scène politicienne est en pleine forme. Les Français déjà « comblés » par la cacophonie médicale française d’experts connivents des médias, de spécialistes de quelque chose qui n’ont jamais vu un patient ou de personnalités pathologiques se disent « c’est pareil chez les députés ». Nous savons depuis mi-août qu’il y a une forte résurgence mais les prochaines semaines sont incertaines concernant le quantum de malades et de décès. Il faut le dire et le répéter.

En revanche nos résultats actuels ne sont pas bons.

C’est une impression de déjà vu, février, mars, avril 2020. Le déni, l’attentisme, une certaine désinvolture cette fois en plein été. Or nous avons les masques, les tests et l’expérience récente. Malgré cela la transmission a explosé entraînant un nombre élevé de nouveaux cas et ipso facto de malades, d’hospitalisés et de décès. Seule la dynamique a changé preuve que pour le même virus, dans un même pays, les masques et l’éloignement sont très efficaces c’est à dire nécessaires mais pas suffisants.

La doctrine du gouvernement est fondée sur des preuves trop fragiles et continue à ignorer l’isolement à l’intérieur et aux frontières

Ce qui ressort des discours c’est que pour des raisons multiples nous ne sommes pas installés dans un fonctionnement sociétal résilient qui casse la transmission mais pas l’économie.

Les Français peuvent mieux faire mais c’est une minorité qui gâche les résultats des barrières mises à la transmission.

Cette résurgence est majeure mais grâce au comportement d’environ 70% des Français elle est amortie et moins mortelle. Ce comportement peut être amélioré, par exemple dans l'entreprise.  “Les Français interrogés sont 68 % à déclarer qu’ils portent le masque « systématiquement » durant toute leur présence dans les locaux. 26 % déclarent le porter « uniquement à certains moments ou lors de leurs déplacements dans l’entreprise ». 6 % disent ne pas le porter du tout”. Et les disparités sont importantes entre les branches professionnelles. Il peut l’être à moindre frais dans les centres commerciaux. Il peut l’être aussi au domicile mais c’est plus difficile. Fait aggravant l’éloignement est ignoré quand on porte le masque ce qui est une erreur favorisant la transmission ce d’autant que la distance recommandée par l’état est insuffisante (c’est 1,8 mètre).

L’isolement reste le talon d’Achille de l’organisation sanitaire française.

Lord Kelvin: « if there is no measurement there is no science »

Neuf mois après le début de la pandémie aucune preuve n’existe que nous isolons plus de personnes positives qu’en février-mars-avril. Karine Lacombe qui a été l’objet d’attaques ignobles à la suite de sa prise de position courageuse sur la chloroquine a regretté récemment que nous ayons manqué de civisme cet été. En revanche elle n’a pas souligné l’absence de logistique d’aide et de contrôle à l’isolement véritable chaînon manquant de l’organisation sanitaire du gouvernement depuis le début, c’est à dire depuis neuf très longs mois. Si bien qu’il faut le répéter nous ne ferons pas l’économie de cet isolement pour éviter le yoyo entre confinement subi et déconfinement accélérateur de la transmission. Le président a récemment déclaré: “On doit progressivement aller vers une stratégie, dans tout le pays, qui est '’tester, alerter, protéger” qu'on doit faire monter en puissance tout le mois de novembre et en décembre”. Il est heureux que l’état se rende compte que l’essentiel n’est plus une doctrine mais une stratégie. Pour le reste c’est erroné et trompeur. Tester sans que les résultats soient transmis à l’organisation sanitaire est une faute car cela coûte des vies. Alerter au lieu de tracer est inefficace. Protéger est de la comm, du « care » à la Aubry mais ne sauve pas une seule vie. Tester, tracer, isoler par contre permet de sauver des vies en maîtrisant la transmission. Et par là même de sauver l’économie en évitant les travers du confinement indifférencié généralisé (CIG). Ce CIG qui est un piège que les politiques au pouvoir n’ont pas su éviter pour la deuxième fois. Nous n’étions, après la phase sporadique, pas mieux préparés en cas de résurgence, cela se vérifie.

Je lis que trois députés portent ce sujet dans un projet de loi. Il est dommage qu’ils n’aient pas auditionné les scientifiques pour ce faire ou bien fait eux mêmes la revue de la littérature. En effet le projet ne prévoit pas la transmission de tout résultat de test à l’organisation sanitaire avec les coordonnées de la personne testée. C’est à nouveau peine perdue car l’isolement n’est pas facile à faire. Et l’auto-isolement ne marche pas. Les pays asiatiques l’ont démontré. C’est pourquoi ce projet de loi apparait plutot comme un wishful thinking de la majorité qui sait très bien que l’opinion a compris où est le maillon faible. Il est nécessaire d’avoir un indicateur du pourcentage d’isolement réussi des nouveaux cas testés. Même le conseil scientifique reconnait que cette question est centrale et le titre choisi est parfait: “COVID-19: la France aux prises avec la pragmatique de l'isolement”.

La vision de la pandémie est très erratique.

Il paraît que l’exécutif s’inquiète de la perte de confiance des citoyens dans la parole de l’état. C’est observable dans la vie courante même si les Français sont coutumiers de ces sautes d’humeur. L’exemple le plus embarrassant est celui des frontières. Pour autant comment l’exécutif peut il rester aussi inactif pour reprendre le contrôle de nos frontières ? Alors que les Français doivent être munis d’un document attestant du caractère dérogatoire de leur déplacement dès qu’ils mettent un pied dehors il n’y a aucun changement perceptible aux frontières. Le président est tellement ambigu quand il renvoie aux frontières de l’UE le nécessaire contrôle, que tout le monde a compris qu’il ne veut toujours pas fermer les frontières de la France aux porteurs du virus. C’est incompréhensible.

Les test antigéniques sont un moyen diagnostique comme les test rt PCR, ils n’arrêtent pas la transmission, l’isolement la réduit drastiquement

Le ministre de la santé et les hauts fonctionnaires du ministère ont déclaré avoir déployé plusieurs essais de tests antigéniques (avec apparemment plusieurs centaines de milliers de participants). C’est utile pour accélérer le diagnostic notamment des cas contacts. Mais l’après test est toujours aussi indigent. Tester sans isoler ou tracer c’est gaspiller des moyens précieux. Ensuite il est nécessaire de réserver ces tests à certaines situations et de conserver les rt PCR pour d’autres ce qui ne pourra se faire sans les médecins généralistes. Les tests gratuits en libre service c’est l’open bar c’est à dire une demande infinie pour une offre finie.

Les personnes fragiles ne doivent pas être confinées mais activement protégées

A propos de la récente réponse du ministre sur la question du confinement des personnes fragiles.

La protection renforcée des personnes fragiles est parfaitement fondée sur le plan scientifique puisque la charge virale compte et que le risque de mortalité et de morbidité est plus élevé chez ces personnes. Autrement dit il faut mettre des obstacles à la transmission comme les masques et l’éloignement afin que le nombre de particules virales qui pourraient atteindre une personne fragile soit le plus faible possible. Pour ce faire il ne faut pas les confiner! Il faut les équiper de masques appropriés et leur éviter les sorties dans les espaces clos contaminants. C’est à dire les accompagner pour marcher dans un parc ou des allées proches autant que souhaité mais leur apporter les courses. Les soigner uniquement et autant que faire se peut par télé consultation. Surveiller très régulièrement le personnel qui s’en occupe car c’est par le personnel que le virus entre dans les lieux de vie. Aérer les locaux et couvrir les personnes en conséquence.

Il est assez incroyable que parmi les sujets fragiles, personne ne cite les soignants.

Or nous savons que le risque de morbimortalité est disproportionné chez les soignants qui sont atteints de la Covid-19. La raison en est simple, ils reçoivent des charges virales élevées et certains ne sont plus tout jeunes. Il est urgent de mettre à la disposition des soignants des conditions de travail sûres. Pour cela il faut des équipements qui constituent une barrière beaucoup plus efficace que les masques. Il faut aussi que l’air des espaces clos où se trouvent des personnes atteints de COVID-19 soit renouvelé fréquemment, filtré et/ou aseptisé. Les syndicats si sourcilleux sur les RTT sont plutôt taiseux sur le sujet, paradoxe.

La non linéarité de certains événements de transmission ou de contrôle

Pour comprendre la pandémie il faut accepter la notion d'incertitude. Il est aussi très important de comprendre comment sa dynamique se développe. Contrairement aux phénomènes linéaires la pandémie mais aussi son contrôle par la maîtrise de la transmission sont au moins en partie non linéaires. Autrement dit et sans entrer dans les détails certains évènements produisent un emballement considérable de la contamination mais d’autres peuvent freiner beaucoup plus vite et plus fort qu’on ne l’imagine. C’est le cas de la fermeture des lieux clos où le masque ne peut être porté ou bien du signal de confinement obligatoire qui s’accompagne de comportements d'auto-confinement plus généralisés que prévus. Nous pourrions assister à un scénario de ce type actuellement, avec des effets mesurables assez rapides. Puisque nous n’avons pas freiné en Août il a fallu en arriver au confinement qui reste trop indifférencié. Il faut rouvrir les commerces au fur et à mesure que les dispositions sanitaires sont vérifiées en particulier la ventilation et la jauge. Ce confinement 2 où les administrations fonctionnent doit être un temps d’action. J’observe qu’il n’y a aucun contrôle en ce moment dans ce sens et que des commerces restent fermés sans que l’état ait mesuré l’impact de leur fermeture sur la transmission. Pour autant compte tenu du nombre de commerces restés ouverts l’impact économique sera moindre et nous en avons un indice: la mobilité vers les lieux de travail.

Que faut-il faire à l’école?

La question des établissements d’enseignement est importante car sans école il faut garder les enfants à la maison et donc impacter la force de travail. Ensuite, comme la pandémie est là pour des mois encore il n’est pas envisageable de fermer les écoles et de recourir uniquement au télé enseignement au moins pour le primaire. Enfin la transmission à l’école est importante et difficilement contrôlable. C’est donc très complexe. Tout d’abord il faut appliquer la loi, sanctionner le non port de masque le non éloignement interpersonnel et tout autre comportement attentatoire aux règles de lutte contre la transmission. Il semble que de ce point de vue il y ait beaucoup de chemin à faire. Ensuite il faut aérer les locaux en permanence même en hiver quitte à garder le manteau ou l’anorak et même à demander pour les jeunes enfants aux parents de fournir une couverture si la salle est froide à l’entrée des élèves après l’aération. Aucune activité scolaire ne doit déroger à la lutte contre la transmission et donc la restauration collective, les cours présentiels et les salles d’études doivent être placés sous le même corpus de règles.

Les limites de l’organisation en protocole complexes et irréalistes: nos enfants et petits enfants  tiraillés entre des syndicats obscurantistes et une bureaucratie soviétique

Un des lieux de transmission à l’école est la cantine et cela ressemble à un casse-tête; il va bien falloir le résoudre. Si la place manque dans certains établissements le recours à l’enseignement alterné ou en bulles est un recours qui doit rester à l’initiative du chef d'établissement.

Le chef d'établissement doit être à la manoeuvre pour adapter l’établissement et son fonctionnement à l’urgence sanitaire

Enfin et surtout il faut que le chef d’établissement comme son nom l’indique décide et adapte la jauge en fonction des locaux, c’est à dire organise l’enseignement en bulles ou en alternance. Nous devons nous installer dans un fonctionnement sociétal résilient à la pandémie pour des mois, de longs mois. Il sera facile de revenir au fonctionnement pré pandémie mais, en revanche, il est totalement absurde et particulièrement dangereux de refaire un psychodrame à chaque résurgence.

Au total il existe à propos de cette pandémie en cours des sujets incontournables sans réponse sanitaire à ce jour. La suite de ce confinement 2 impose qu’ils soient réglés au plus vite car nous en avons les moyens et les connaissances. Le gouvernement doit protéger les Français et c’est lui et son administration qui sont en retard. Sinon les résurgences se répéteront en 2021, malgré l’annonce et demain la disponibilité d’un vaccin.

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