Contrairement aux opinions publiques, les marchés boursiers ne cèdent pas à la panique… car ils ne croient pas à la ruine de l‘économie<!-- --> | Atlantico.fr
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©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Atlantico Business

Le Covid-19 génère un débat public braqué sur l’arbitrage entre sauver des vies ou sauver l’économie. Les opinions occidentales n’ont pas franchement choisi. Elles réclament les protections sanitaires mais reprochent au gouvernement de ne pas savoir protéger l’économie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si on s’arrête au débat public et politique tel qu’il est relayé par les médias, nous n’aurions de choix qu’entre la mort lente et la mort subite. En bref, si on ne fait rien, on laisse le Covid circuler et décimer des milliers de vies humaines qu’on est incapable de soigner ou alors si on confine et on se protège, on contraint l’activité économique à ralentir et à s’éteindre, donc à créer les conditions d’une mort lente mais inéluctable.

Tels sont les termes du débat simple mais gravissime.

Or, les termes de ce débat sont purement théoriques. Rien ne prouve qu‘il n’y ait pas d’alternatives crédibles et que nous soyons condamnés. Rien, pas même l’histoire. Rien, pas même le monde de la finance et des marchés boursiers qui ont toujours été doués de prémonitions quasi infaillibles. Parce que s’il existe un monde capable de prédire les tendances lourdes qui traversent les sociétés humaines et d’annoncer ce qui peut se passer, à court et long terme, c’est bien celui des marchés.

Or, depuis le début de l’année et plus précisément depuis le démarrage de la crise, les marchés n’ont pas bougé. Ils s’agitent de temps en temps, décrochent 24 heures mais reprennent très vite. Ils évoluent dans un tunnel, incapables de trop monter ou de trop descendre. Et si on est toujours capable d’expliquer pourquoi ils décrochent, on n’a jamais les vraies raisons pour lesquelles ils raccrochent quelques heures plus tard.  A Paris par exemple, l’épargnant qui aurait acheté l’indice CAC 40 en juin, après le krach, il l’a fait à moins de 5000 points. Aujourd’hui, le CAC est encore autour de 5000 points.

L’économie a pourtant été arrêtée à 70% pendant le premier confinement. L’année 2020 se terminera probablement en baisse de croissance de 11%, et l’année 2021 ne rattrapera jamais les pertes de valeur. Du moins pas avant 2022 ou 2023, et malgré ces perspectives, la bourse reste zen, sereine et stable. Les indices boursiers ne bougent pas, les rapports de changes monétaires ne bougent pas et les taux d’intérêt ne bougent pas. Il n’existe aucune anticipation globale à la chute.

Hormis certains secteurs très particuliers comme l’hôtellerie, les transports aériens et la construction aéronautique. Et encore au niveau boursier, ça n’est pas la catastrophe dans ces secteurs.

Globalement, de New-York à Londres, de Paris à Francfort, les boursiers n’ont pas gagné d’argent, mais à la surprise des oiseaux de mauvais augure, ils n’en ont pas perdu.

Du coup, le débat public, politique et médiatique sur les moyens de lutter contre la pandémie serait devenu complètement hallucinant et toxique. Et ne fait qu’accroitre l‘inquiétude et le stress.

La société n’a jamais été aussi angoissée sur les dangers sanitaires, mais jamais été aussi angoissée par les remèdes pris et les mesures de protection considérant qu’en étant fondées sur le confinement, ces mesures allaient ruiner les appareils de production.

Il suffit que le gouvernement ou le président de la République annonce de nouvelles mesures de restriction, que le concert médiatique commence par un adagio sur les libertés individuelles, se poursuive par un concerto pour prévenir de la menace sur l’équilibre économique avec des accents très wagnériens, pour terminer la séquence sur le stress de la ruine annoncée, sans oublier un rappel à Dieu, c’est à dire à l’exécutif, pour le prévenir que de toute façon, ça ne marchera pas. Bref, nous serions au cœur d'une malédiction mais les boursiers ne la voient pas.

Le concert est construit pour un peuple qui se désespère de tout. De l‘état sanitaire, des errements, des médecins et des administrateurs politiques qui ne savent plus où ils habitent à partir du moment où rien ne marche, les tests, les masques, les traçages etc…

Désormais, le peuple stresse de penser que l’économie va s’effondrer.  Donc de stress en stress, ce peuple va finir par s’étouffer d’angoisse.

Pendant ce temps-là : que font les boursiers ? Ils ne font rien. Mieux, ils font confiance dans ces peuples puisqu’ils continuent de croire en leur résilience.

Le jeu qui consiste à s’inquiéter de la situation et à en vouloir à ceux qui nous dirigent s’appuie sur une réalité qui est donc plus ressentie que réelle.

Il existe des raisons de refuser cette vaste entreprise de destruction collective.

1er point. Le gouvernement, le président et l’administration ont fait d’énormes erreurs. Les médecins aussi. Dans leurs analyses, leurs diagnostics et leurs prescriptions. Mais il faudrait reconnaître que les uns comme les autres n’avaient guère de certitudes sur l’efficacité de solutions alternatives. A quelques nuances près, tous les pays ont fait à peu près les même politiques, et ont obtenu des résultats identiques. Du moins, si on prend les pays européens.

2e point. Ces vagues d’épidémie nous ont amené des cortèges de décès et de douleurs humaines et sociales. Personne ne peut dire si avec une autre politique, il aurait pu en être différent. Ce qui est certain, c’est qu’en se protégeant, masques, tests et confinement, on a sans doute sauvé des vies humaines. Et ce choix a été fait collectivement. L’opinion publique n’aurait pas accepté un nombre de victimes équivalent à ceux de la grippe espagnole ou de la peste qui, à chaque fois, ont couté la vie à près de la moitié de la population européenne. Et même si les décès sont peu nombreux et touchent principalement des personnes âgées (plus de 80 ans), souffrant par ailleurs de morbidités connexes, c’est à dire de maladies cardiaques, d’obésité ou de cancer, les mortalités sont insupportables et c’est un signe de progrès.

3e point, sur le volet sanitaire, on finira par trouver un vaccin (début de l’année prochaine) et on a déjà défini des protocoles de traitement qui ont diminué le nombre de malades gravement atteints.

4e point, sur le volet économique, il n’y a pas de raisons pour annoncer la fin du monde ou la ruine généralisée et planétaire. Jamais à la bourse sur quelque place que ce soit, on a vu de tels scénarios circuler. Au contraire, les analystes de bourse ont plutôt compté sur les facteurs de résilience et ils sont nombreux :

Les aides publiques d’Etat ou de banques, les aides sociales, les mobilisations d’investissement, les progrès de la science digitale et la capacité d’adaptation, tout cela mis bout à bout sont autant de moyens, de facteurs pour protéger les systèmes de production.

Il n'y a pas eu de destructions d’actifs comme lors d’une guerre. Pas d’usines détruites, pas de bateaux coulés, etc ... et peu de contrats de travail arrêtés.

On peut donc logiquement penser, et c’est la partition des boursiers, que dès que le facteur de stress sera levé, les économies vont rebondir très vite. Et très fort.

5e point : Restera à gérer le changement et nous avons une allergie quasi culturelle au changement par l’intelligence. On préfère le changement via la violence. Les secteurs vulnérables et archaïques seront sans doute encore plus fragiles et vulnérables. Les entreprises malades avant le Covid auront du mal à survivre, mais les autres sauront se redresser et se réinventer. En 2020, la perte de richesses sera de 11% en moyenne...  Ça veut dire que 90 % des systèmes de production ont fonctionné. En 2021 et 2022, des secteurs entiers vont devoir se réinventer, mais les besoins du marché resteront les mêmes. Ceux qui annoncent un arrêt des voyages en avion, une mise en télétravail de l’ensemble de la population active, une fermeture définitive des hôtels, ne sont pas responsables.

Tous ces secteurs sont dirigés par des chefs d’entreprises responsables dont le métier est de s’adapter et de se moderniser. Y compris dans la restauration. Les patrons de brasseries et les chefs de cuisine avaient sans doute raison de s’émouvoir bruyamment, mais les plus sérieux d’entre eux ont trouvé des solutions alternatives pour servir avant 21 heures du soir... Les Anglais, les Américains et d’autres le font déjà depuis des siècles.

6e point : Restera à juguler et à financer l’endettement accumulé mais si la croissance revient, il faudra considérer l’effort public comme un nouveau plan Marshall. Lequel, on ne s’en souvient pas, n’a été un fiasco ni pour les préteurs, ni pour les bénéficiaires. Le seul risque d’ordre macro-économique qu’il va falloir assumer sera le risque de la déflation. Tant que les économies n’auront pas retrouvé leur niveau d’avant, ce risque pèsera. Et le risque de la déflation, c’est le risque du ralentissement global et généralisé. L’intelligence collective et l’innovation doivent permettent de l‘éviter ou de l’amortir.

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