Un commissariat au plan, c’est la cerise sur le gâteau... Pour les chefs d’entreprise, le comble du ridicule<!-- --> | Atlantico.fr
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François Bayrou Emmanuel Macron commissaire au plan
François Bayrou Emmanuel Macron commissaire au plan
©GEORGES GOBET / AFP

Atlantico Business

Jusqu’alors, les chefs d’entreprise étaient d’un calme absolu. Ils essayaient de prendre du recul pour appréhender la situation et trouver des réponses mais ils commencent à penser que la fébrilité politique ne contribuera pas à trouver les bonnes solutions et l’idée d’un commissariat au plan les afflige.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il y aurait sans doute d’autres moyens de faire plaisir à François Bayrou que de lui offrir la présidence d’un commissariat au plan. Personne ne comprend la manoeuvre et si le gouvernement a besoin d’éclairage pour l’avenir, il a à sa disposition toutes les agences de prospectives possibles qui font d’ailleurs un excellent travail, qu’elles soient publiques ou privées.

Il suffirait de les réunir comme en Allemagne et construire avec elles un diagnostic du consensus.

Si l’objectif est de simplement trouver un job à François Bayrou, l’initiative ne va pas contribuer à réconcilier les Français avec l’appareil politique. Le projet sera plus toxique que profitable. Indépendamment de la personnalité de François Bayrou qui aurait sans doute mérité un meilleur traitement.

Mais passons.

Les responsables de la sphère économique et sociale ont été jusque-là dun calme absolu. A la fois les chefs d’entreprises et les chefs syndicaux. Pendant toute cette période dramatique, ils n‘ont pas alimenté des querelles et les polémiques stériles qui n’auraient fait qu’aggraver la situation. Tous les dirigeants ont accepté l'état d’urgence et le confinement total. Alors que beaucoup doutaient de son efficacité, en pensant qu‘il y avait peut-être d’autres solutions moins couteuses pour l’économie, mais au final, tout le monde a joué le jeu. Les études récentes publiées en Grande Bretagne puis dans la revue Nature montrent que le confinement aurait permis d’éviter 3,5 millions de morts supplémentaires. La France, par son confinement total, a sans doute été le pays qui a le plus épargné sa population. Peut être, parce que la France était aussi l’un des pays les moins bien équipés. Il fallait donc se protéger.

Donc, il n’y a pas eu de débat violent et public au sein des dirigeants français. Alors, il faut dire que l’Etat a tout fait, en terme d’argent distribué pour éviter la casse et protéger les hommes (chômage partiel) et les actifs de production ; mais tous les gouvernements européens ont fait des efforts à peu près équivalents. Donc pas de débat.

La décision de sortir du coma a été plus compliquée à prendre et à mettre en œuvre... Mais l’économie a tendance à redémarrer. Là encore, il faut dire que les personnels ont été protégés, et les entreprises ont été mises sous respiration artificielle grâce aux PGE.

Les acteurs sociaux nont pas de critiques importantes à formuler sur la façon dont ces deux premières phases ont été gérées. En auraient-ils eu de fondées, que la plupart des acteurs, très pragmatiques, les taisent en préférant se concentrer sur l’avenir.

Or, pour lavenir justement, la clef de sortie de crise cest un retour de la confiance. Les chefs d’entreprise qui essaient aujourd’hui de remettre en route les systèmes économiques commencent à s’interroger sérieusement sur les conditions auxquelles ils devront faire face à la rentrée.

Il faut évidemment faciliter le redémarrage des entreprises qui étaient en état de fonctionner avant le Covid et qui sont en mesure de s’adapter au changement. Ce sont les plus nombreuses, même si certaines ont été fracassées parce que leur marché s’est écroulé, comme dans le transport aérien ou le tourisme.

Au delà, il faut aussi traiter les entreprises qui étaient fragiles avant et qui le sont encore davantage après. Ces entreprises sont en risque de faillite et leur personnel en risque de licenciements.

Dans ce contexte, dont l’analyse est partagée par tout le monde, chefs dentreprise et syndicalistes, on considère que la sortie de crise passe par un retour de la confiance. C’est la confiance dans l’avenir qui permettra au consommateur de recycler son épargne dans une consommation qui fait défaut. C’est la confiance qui libérera le chef d’entreprise pour qu’il investisse puisqu’il a l’argent pour cela. Les 2/3 des capitaux drainés par les PGE n’ont pas encore été utilisés.

Pour restaurer la confiance, il faut donc prendre du recul et éviter les sujets qui fâchent inutilement. Et aujourd’hui, beaucoup de chefs d’entreprises qui sont restés très calmes commencent à élever la voix parce que les questions qu’ils se posent n‘ont pas de réponse.

La première question serait de savoir pourquoi le gouvernement et les responsables politiques ont-ils tendance à dramatiser la situation.On dramatise la situation sanitaire et on dramatise la situation économique. C’est le cas du président de la République et de ses collaborateurs. 

Au Medef où on est resté très calme et positif jusqu’alors, l’un des vice- présidents, Patrick Martin, vient de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : l’exécutif dramatise. 

En substance, qu’il y ait des risques de reprise de l’épidémie, c’est possible et même probable, mais la France a maintenant les moyens de lutter contre le virus sans être obligée de tout confiner.  Si le réveil du Covid-19 se vérifie, comme c’est probable, mieux vaudra compter sur le renforcement des obligations de se protéger dans le respect des normes sanitaires et des gestes barrières plutôt que de faire planer la menace dun nouveau confinement total qui sera refusé parce que ça reviendrait à mettre à mort l’économie.  

La crise sanitaire n’est pas terminée. Il va falloir s’habituer à vivre avec, plutôt que de semer la peur. D’autant qu’on parle moins de vaccins et de traitements parce qu’on n’en a pas. Tout le monde a fini par admettre cette vérité et  chercher à s’y adapter. 

Sur le terrain de l’économie, la dramatisation est aussi excessive. D’abord parce que la reprise de l’économie se passe mieux qu’on ne l’avait prévu. Ensuite, parce qu’il faut aller à l’essentiel, c’est à dire la reprise des entreprises qui seront en difficulté à la rentrée. Lurgence des urgences pour tous les acteurs économiques et sociaux, cest évidemment lactivité des entreprises, la reprise des échanges commerciaux et sans doute pas les modalités de la réforme des retraites et de l’allocation chômage. D’où l’unanimité des partenaires sociaux pour refuser d‘ouvrir une polémique sur les retraites.

Le monde de l’économie et du social ne comprend pas cette fébrilité, cette débauche de déclarations anxiogènes, du côté du gouvernement. Et pour reprendre l’expression d’un des participants, « la question est de savoir si on travaille pour les cameras de télévision ou alors dans les bureaux. »

La deuxième question qui occupe les chefs dentreprise est d’évaluer l’ampleur des changements de vie qui sont impliqués ou ont été révélés par la crise du corona. Les comportements dans le travail (avec le télétravail) et ceux du consommateur qui semble vouloir consommer autrement, moins voyager sont-ils durables ou pas? Les réponses que les entreprises apporteront à ces questions dépendent des stratégies commerciales et des investissements industriels. Beaucoup d’analystes ont spéculé sur un monde d’après qui serait complètement différent du monde d’avant, sans être capable de définir ses modalités de fonctionnement... La réalité perçue par les chefs dentreprise fait quelle dépendra beaucoup de leurs réactions aux tendances lourdes. Et que ces tendances lourdes ne se gèrent pas dans la précipitation, au sein d’une administration ou d’un commissariat au plan, mais plutôt dans la confrontation des marchés qui fabriquent le compromis entre ce que les consommateurs recherchent et peuvent s’offrir et ce que les entreprises sont capables d’offrir.

La troisième question est de savoir combien de temps les banques centrales et les gouvernements pourront assurer les équilibres financiers, notamment en Europe. L’Amérique a l’immense avantage de pouvoir s’endetter à l’infini, grâce à la puissance du dollar qui est encore la seule monnaie à laquelle la majorité des habitants de la planète font confiance. L’Europe n’a pas ce privilège. La résistance de l’euro dépend de la capacité des gouvernements à compenser en liquidités, la chute de la croissance. Pour l’instant, les gouvernements européens s’endettent (auprès de leurs épargnants) en espérant que les générations futures pourront rembourser.  Ça ne peut marcher que si les agents économiques savent que ces dettes vont permettent de rembourser la dette ou alors s’ils le croient. Comme au poker.  Les gouvernements européens trouveront à emprunter si et seulement si les prêteurs pensent que les Européens restent riches ou peuvent le rester. Actuellement, il n’y a pas, à court terme, de risques financiers. Tous les pays ont intérêts à tenir et à s’entraider, y compris les Allemands, y compris les Etats frugaux (l’Autriche, la Suède, les Pays-bas et le Danemark). Tout le monde se tient.

Trois questions donc, sur la fébrilité politique, sur le comportement à long terme des consommateurs et sur la résilience financière des États... Les milieux d’affaires et syndicaux ont beaucoup de raisons d’espérer qu’un commissariat au plan soit en mesure de les éclairer sur ces trois questions. 

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