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(Enième ) plan de sauvetage de l’industrie automobile française : une obsession politique contre-productive
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Soutien face à la crise

Emmanuel Macron a dévoilé un plan de relance en faveur du secteur automobile alors que l'industrie est à l'arrêt depuis des mois face à la crise du Covid-19. Le fait que le gouvernement indique la direction à prendre tant à l'industrie automobile qu'aux consommateurs est-il une bonne chose ? Est-ce à l'Etat de donner sa direction à l'industrie automobile ?

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Jean-Pierre Corniou : Plus qu’avec la crise de 2009, les industriels de l’automobile vont devoir se battre sur tous les fronts. 2019 n’avait pas été une très bonne année pour la plupart des groupes automobiles.  2020 devait être encore plus médiocre, avant Covid-19. Mais, depuis février, Covid-19 a transformé une contre-performance annoncée en catastrophe avérée. 

La crise sanitaire est venue brutalement frapper l’industrie qui a été mise à l’arrêt environ trois mois dans les différents pays producteurs, d’est en ouest, de Chine en février à l’Amérique, Etats-Unis, Mexique, Brésil, en avril.  En Europe, ce sont 2,5 millions de véhicules qui ont été perdus en quatre mois, et les ventes d’avril 2020 ont été inférieures de 76% à celles d’avril 2019. Ce sont des millions d’emplois en jeu. En Europe, 13,8 millions de personnes sont employées dans la filière automobile, soit 6,1% des emplois totaux et 11,4% des emplois manufacturiers.

Or, cette crise vient se surajouter à un environnement déjà complexe. Tous les facteurs qui ont contribués à l’ascension historique de cette industrie depuis 130 ans sont remis en cause : automobile vécue comme un vecteur de liberté, motorisation thermique efficace et peu coûteuse, grandes entreprises dominantes et cartellisées, modèle économique d’accès à la pleine propriété de véhicules régulièrement renouvelés à travers des réseaux propriétaires sous contrôle. Ce système cohérent s’est montré résilient pendant des décennies, surmontant toutes les crises par une nouvelle augmentation des volumes.  Mais, on commence à penser que le « car peak » a été atteint et que le marché pourrait ne jamais dépasser 100 millions de véhicules particuliers. L’issue à la crise peut difficilement se trouver aujourd’hui dans les volumes de production. Face à cette remise en cause générale, l’industrie a manifesté sa colère contre les réglementations, et a commencé, contrainte et forcée, à explorer de nouvelles solutions pour pérenniser son existence à travers l’électrification. Mais, pour l’heure, elle se retourne vers les États pour subvenir à ses besoins immédiats de trésorerie. 

Les mesures de relance de cette industrie, pour être efficaces, ne doivent pas seulement répondre aux défis immédiats, elles doivent contribuer à corriger les problèmes structurels de l’industrie. Or pour les gouvernements européens, confrontés à une opinion publique divisée entre un soutien inconditionnel au libre usage de l’automobile et un rejet parfois violent de ce que la voiture individuelle représente comme facteur de pollution et d’encombrement. 

A terme, se profile dans de nombreux pays une interdiction des moteurs thermiques entre 2030 et 2040 et d’ores et déjà la chute du diesel a sévèrement touché les producteurs européens et provoqué une transformation rapide des habitudes des consommateurs.

Rien ne permet, malgré la crise, de remettre en cause ces contraintes qui répondent à des choix forts de politique de mobilité. Les gouvernements, sans se renier en remettant en cause l’ensemble des mesures prises depuis plusieurs années, doivent donc arbitrer entre des objectifs contradictoires :

- Protéger l’automobile indispensable à la plupart de leurs concitoyens, notamment en zone de faible densité, 

- Satisfaire la fraction environnementaliste de la population, notamment urbaine

- Sauver immédiatement l’emploi industriel et toute la filière diffuse

- Consacrer les investissements à la préparation de l’avenir, qui sera électrique 

Atlantico.fr : Le gouvernement a annoncé un plan de relance du secteur automobile alors que l'industrie est à l'arrêt depuis des mois. Que peut-on dire des annonces du Président de la République ?

Jean-Pierre Corniou : Le plan pour la filière automobile présenté par le président Macron vise à satisfaire ces différentes cibles en misant essentiellement sur une électrification rapide de l’offre et sur un soutien choc à la demande. Au total, un million de véhicules électriques devraient être construits en France en 2025. C’est un plan massif et diversifié qui représente une aide globale de 8 milliards € à l’industrie sous forme de trois séries de mesures :

- Soutien à la demande

C’est une mesure classique des plans de soutien à l’automobile qui consiste à pousser les clients chez les concessionnaires pour déclencher un achat qui ne se serait pas spontanément produit. En baissant artificiellement le coût des modèles, c’est une aide au consommateur qui revient en fait à aider les constructeurs. Dès le 1er juin, et jusqu’à la fin de l’année, l’aide versée à un particulier pour l’achat d’une voiture électrique est portée de 6 000 à 7 000 euros, et de 3 000 à 5 000 euros pour les flottes professionnelles, soit 50% de la demande. Ceci ne concerne pas les voitures de haut de gamme, car l’aide est plafonnée aux voitures de moins de 60 000 €, et ne sera à taux plein que pour les voitures de moins de 45 000 €. Les hybrides rechargeables, précédemment oubliées par les aides, peuvent en bénéficier pour un montant de 2 000 € si elles coûtent moins de 50 000 € et disposent d’au moins 50 km d’autonomie en tout électrique.

Le gouvernement relance la prime à la casse en introduisant une « prime de conversion » pour tout achat d’un véhicule neuf ou d’occasion récent en échange d’un véhicule ancien, qui sera détruit, de classe Crit’Air 3. Cette aide octroyée aux ménages qui par personne ont déclaré mois de 18 000 € de revenu fiscal annuel, par part, s’élève à 3 000 € pour l’achat d’un véhicule thermique et 5 000 € pour un véhicule électrique. 

- Soutien à l’offre

L’industrie automobile doit traverser cette période difficile et se reconstruire pour gagner en compétitivité en misant sur une filière électrique française. 

Le gouvernement a convaincu les deux constructeurs de développer en France une filière de traction électrique. PSA va fabriquer tous les composants de ses véhicules électriques en France et multiplier par cinq sa production d’hybrides rechargeables en France, la future 3008 sera fabriquée en France à Sochaux. Renault doit construire dans son usine de moteurs de Cléon le moteur destiné à l’Alliance et fera passer de 60 000 à 240 000 le nombre de véhicules électriques produits en France en 2024. Renault s’engage désormais aux côtés de PSA et Total avec ses filiale Saft, dans le projet européen de construction de batteries en Europe.

L’Etat s’engage à développer le réseau de bornes de recharges électriques pour atteindre 100 000 en 2021, en avance d’une année sur le plan initial. Les constructeurs ont toujours argué que l’insuffisance du nombre de bornes expliquait le manque d’engouement des clients pour le véhicule électrique, argument discutable car 90% des recharges sont faites à domicile ou en entreprise.  Néanmoins, le réseau de bornes publiques, qui n’est pas rentable, serait mal entretenu et poserait pour les clients de nombreux problèmes de fiabilité et de facilité de paiement. 

- Modernisation de la filière 

Ce volet du plan comprend des mesures déjà identifiées dans les travaux de la filière automobile. Des aides supplémentaires vont être consacrées à la modernisation des petits acteurs de la filière pour qu’ils développent leur robotisation, leur transformation numérique et leur engagement dans l’industrie 4.0.  Ce fonds comprend 200 millions €, auxquels s’ajoutent 150 millions € consacrés à la recherche de ces petites entreprises. Par ailleurs, un fonds d’investissement de 600 millions €, alimenté à hauteur de 400 millions par l’État et 100 millions pour chaque constructeur, destiné à aider les industriels de la filière en quête de fonds propres pour se moderniser ou créer des ensembles plus larges et compétitifs. 

Il s’agit, enfin, d’éviter la délocalisation d’activités effectuées en France par l’engagement, un peu théorique, à travers une charte de bonne conduite, des constructeurs à ne pas pousser leurs fournisseurs à externaliser pour des raisons de prix de revient et de coût leurs productions dans les pays à bas coûts.

Est-ce la première fois que les différents gouvernements français préparent ce genre de manœuvre ? Quels ont été les effets des derniers plans de relance ?

Jean-Pierre Corniou : Les plans d’aide à l’industrie automobile ont été lancés par chaque gouvernement lors des crises antérieures. On se souvient de la prime à la casse instaurée par le gouvernement Balladur, puis Juppé, dénommée « balladurette » en 1994  et « juppette » en 1996. 1,5 million d‘automobilistes en ont bénéficié, mais dès la fin de la mesure, le marché, artificiellement dopé, s’est contracté. Ces primes visaient à la fois à moderniser le parc et à relancer la demande. Il s’agit à chaque fois de protéger l’emploi immédiat en France et de préserver l’autonomie de la filière automobile française. Les constructeurs sont « too big to fail ». Mais ces plans n’ont pas empêché la production automobile française de décliner régulièrement ainsi que l’emploi.   

La crise de 2008/2009, toutefois moins aigüe que celle que l’industrie est en train de vivre, avait conduit à un plan important de 7,8 milliards €, comprenant un prêt de 3 milliards € à chaque constructeur et une aide aux sous-traitants et établissements de crédit des constructeurs. Une prime à la casse a été instituée de décembre 2008 à décembre 2010. Un  Fonds de modernisation des équipementiers automobiles a été créé en janvier 2009. En 2013, Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif, lance un plan automobile renforçant les bonus écologiques, poussant à la commande publique de véhicules électriques et au déploiement de bornes de recharge. Un effort particulier doit être mis par les constructeurs à la conception de véhicules basse consommation, le véhicule 2 l/100, sans lendemain. C’est un plan ambitieux qui engage toute la filière à se moderniser  grâce à la création d’un nouveau fonds, le Fonds d’aide à l’investissement de la filière automobile. 

Le Conseil national de l’industrie a, en février 2018, créée le « comité stratégique de filière » qui a travaillé à la conclusion entre la profession et l’État d’un « contrat d’engagement de filière » de 2018 à 2022 Le plan annoncé par le Président s’inscrit dans la continuité de ces travaux. 

La difficulté de ces plans, qui sont conçus  sur un modèle identique avec un fort niveau d’ambition et d’engagement,  tient au fait qu’ils sont conçus pour une aide immédiate qui soulage les difficultés temporaires, mais ne parviennent pas à régler les problèmes structurels. Or l’industrie automobile est désormais mondiale, Renault et PSA ne réalisent en France, respectivement, que  17% et 24 % de leurs volumes. Les modèles d’entrée et de gamme sont moins générateurs de marge que les modèles les plus onéreux ; or c’est la spécialité des constructeurs français qui ont, pour cela, du transférer la production de ces véhicules, comme 208 ou Clio, vers leurs usines étrangères, espagnoles ou turques, quand ce n’est pas une gamme entière, comme Dacia qui est réalisée en Roumanie et au Maroc. L’industrie allemande s’est ainsi constituée à l’est de l’Europe un réseau de production qui lui permet de baisser ses coûts. La logique industrielle l’emporte toujours sur les impératifs de politque économique. C’est pourquoi Renault, dès la fin 2019, avait annoncé travailler à un plan de réduction d ses coûts qui passeraient par la fermeture de sites industriels

Ensuite l’industrie est orientée vers la satisfaction de ses clients avant celle de l’Etat. C’est pour cela que depuis des années elle a construit des véhicules plus lourds et plus consommateurs d’énergie, car les SUV ont la faveur du public.

Le fait que le gouvernement indique la direction à prendre tant à l'industrie automobile (avec les aides sous conditions) qu'aux consommateurs avec des aides à la consommation (comme au diesel il y a quelques temps ou l'électrique aujourd'hui) est-il une bonne chose ? Est-ce à l'état de donner sa direction à l'industrie automobile ? 

Jean-Pierre Corniou : L’État est toujours intervenu massivement dans le destin de l’industrie automobile. Ceci tient à un facteur simple mais totalement structurant : l’automobile est le seul bien de consommation courante, accessible à tous sans condition, sinon le permis de conduire, qui nécessite autant d’investissements publics pour que les consommateurs puissent l’utiliser en toute sécurité. La cohabitation des 36 millions de véhicules du parc français ne peut se faire que parce qu’il y a des routes en nombre suffisant et bien entretenues, une signalisation, un code de la route, des services de sécurité et d’intervention qui veillent à ce que la circulation routière, qui a produit quand même, en 2019, 3 493 morts et 73 046 blessés, se fasse dans les meilleures conditions. L’Etat intervient aussi pour protéger les autres utilisateurs de l’espace public qui ne sont pas automobilistes et pour réduire les pollutions et impacts environnementaux de cette industrie polluante, suspectée de contribuer à la mort précoce par maladies respiratoires de 48 000 personnes par an. 

Or l’industrie a tout misé depuis 70 ans sur une évidence indiscutable pour tous les professionnels de l’automobile : on ne pourra jamais se passer de l’automobile individuelle, à la fois moyen de transport efficient et outil de rêve et du fameux « plaisir de conduire » qui nourrit les publicités. Ce dogme se heurte durement à la réalité de l’urbanisation de la planète qui concentre les populations dans des zones urbaines denses où la congestion du trafic est facteur d’inefficacité dans les déplacements et produit des pollutions locales intenses. La crise sanitaire a révélé l’ampleur des conséquences environnementales de l’usage de la voiture individuelle en ville. 

La lutte contre les émissions de CO2 pousse la réglementation vers des contraintes de plus en plus sévères et l’adoption de standards de mesures en conditions réelles, moins conciliants, avec la norme  WLTP. L’Union Européenne impose une moyenne d’émission de 95 g CO2 /km à partir du 1er janvier 2020, obligation assortie de lourdes amendes. Ce résultat ne peut être obtenu que par une augmentation de la part des véhicules électriques. La Chine a imposé sa norme China 6 en juillet 2020, semblable à Euro 6, et décourage la production de véhicules thermiques. Elle s’est fixée comme objectif 2025 d’atteindre 25% de la production automobile en NEV, véhicules à énergie nouvelle… 

L’industrie automobile est dictée par ses propres logiques. Elle est pragmatique, suit, de façon incrémentale, l’évolution de la technique et des goûts des consommateurs au gré de l’évolution de ses gammes. Le fait de donner une inflexion claire aux choix de l’industrie reflète la responsabilité des gouvernements, et aussi du Parlement européen, de développer une vision globale de la politique de mobilité. Il est dès lors logique que l’argent public, très demandé en période de crise, soit fléché vars des objectifs d’intérêt général tels que les identifient les pouvoirs publics. 

Loïk Le Floch-Prigent : Nous savions depuis plusieurs jours que nous allions avoir droit à une pièce de théâtre sur l’automobile, nous l’avons eu mardi 26 Mai, les acteurs sont contents, et les commentateurs sont heureux et applaudissent, ils ont aimé la représentation.

Il y en a même qui ont entendu là une première pierre du sauvetage de la France industrielle, en attendant la séance suivante sur l’aéronautique !

Est-il  nécessaire de décortiquer les annonces, les discours, ne finissons nous pas par lasser tout le monde en pointant les enfantillages des promesses, des anticipations, des délais courts impératifs, de tout ce qui est fait pour convaincre et que l’on finit pas ne plus écouter.

Notre industrie a fabriqué 400 000 véhicules de trop qui ne trouvent pas acquéreurs, on va aider 200 000 ménages à acheter des véhicules neufs à prix d’ami, sous réserves de faibles ressources confirmées par leur feuille d’imposition. Le taux de chômage était de 8%, on a mis la moitié du pays en chômage partiel, une grande partie d’ entre eux se demande s’ils vont trouver un emploi à la fin de cette période, ils font leurs comptes avec angoisse, et on pense vraiment qu’ils n’ont qu’une idée en tête, s’acheter une nouvelle voiture ? Bien sur les voitures disponibles sont des diesels ou des essences, et on leur dit que l’avenir est électrique. On aide donc les « pauvres » à s’équiper sur le moyen terme des véhicules dont, en même temps, on indique qu’ils appartiennent au passé coupable « impropre ». Les autres (quels autres ?) sont incités à acheter les voitures « propres » dès maintenant, voitures dont on nous dit que la valeur ajoutée est réalisée en Asie avec les batteries qui représentent 40% de leur cout. On finance donc (un peu) les moins fortunés pour qu’ils achètent les voitures du passé, et on finance les autres pour qu’ils subventionnent l’industrie chinoise et sud-coréenne. Où est la logique, où est la cohérence, quelle est l’intention, où mène-t-on le bateau France ? Si l’on est chinois, on applaudit.

Supposons que le Gouvernement soit persuadé que l’avenir de l’automobile française soit le véhicule électrique et qu’il ait envie de favoriser cette mutation, est-ce que la méthode employée est la bonne ? C’est-à-dire on fixe des conditions aux aides de l’Etat au secteur automobile et on multiplie les subventions à la consommation ?

Il faudrait, dans un premier temps, qu’il dise en quoi le véhicule électrique est la solution pour chaque français. Il le traite de véhicule « propre », c’est vrai pour les métropoles, c’est inexact pour les campagnes. Pour plus de la moitié du territoire français le sujet n’est pas d’actualité. Le problème capital est la batterie, chère, importée, à la charge non encore résolue et « sale » dans la mise à disposition des matériaux comme à leur non recyclage. La concentration urbaine conduit à l’utilisation de véhicules électriques, mais leur « propreté «  est liée à leur utilisation, pas à leur cycle de fabrication et de vie.

Néanmoins, le Gouvernement est décidé, soit, il prend donc les trois entreprises françaises clés et leur demandent de réaliser une fabrication française à ambition mondiale de batteries pour 2023. Quelles batteries, avec quels matériaux, à quel prix, à quel nombre de cycles…questions triviales que les électro chimistes se posent depuis quarante ans  et qui se heurtent toujours à des difficultés scientifiques, techniques, industrielles avec en plus les problèmes d’approvisionnement. Hier c’était le vaccin, aujourd’hui c’est la batterie…ce n’est pas aussi simple.

Avant de décider que l’on va mettre toutes ses forces dans un édifice industriel, on doit s’assurer que c’est possible ou que les personnes compétentes estiment que c’est réalisable comme cela a été le cas pour les épopées nucléaires. Ici on se heurte à des dizaines d’années de galère qui ont conduit à une filière qui parait la plus fiable mais dont les matériaux actifs sont d’une grande rareté et monopolisés depuis dix ans par la Chine ! On a le devoir de se poser des questions avant de mettre tout l’argent que l’on va emprunter dans un dispositif incertain ! Il ne s’agit pas de nier la nécessité de trouver des solutions non polluantes à la mobilité individuelle dans les métropoles, et donc de nier l’intérêt du véhicule électrique pour la France et l’Europe. Mais considérer, comme cela vient d’être dit que c’est la bonne solution, la seule et que tout les français doivent se ranger en lignes d’oignons pour célébrer la bonne doctrine, c’est aller un peu vite, un peu loin, et se précipiter dans le mur. Il y a 65 millions de Français qui ont droit de penser,  de réfléchir, de discuter , et de décider de la manière dont ils veulent organiser leur vie. Il y a quelques années on leur avait dit, avec des incitations faibles mais efficaces, qu’il fallait acheter des voitures diesel, ils ont fini par le faire à plus de 65% !Depuis des mois on leur dit que c’est la voiture électrique qui va les sauver, ils ne sont pas persuadés qu’ils vont pouvoir partir en vacances avec elle sans avoir des problèmes de recharges de batteries, ils renâclent , et maintenant on leur dit dans une atmosphère de pénurie, de chômage, de débâcle économique, que l’on va mettre tous nos œufs dans le même panier, l’électrique…tandis que l’on parle aussi de l’hydrogène comme combustible et qu’ils doivent acheter au plus vite un véhicule classique déjà produit pour sauver l’industrie automobile. Il y a de quoi avoir le tournis !

Il serait donc très difficile pour un esprit cartésien de justifier la dernière mise en scène produite ce mardi 26 Mai, les  punitions contre les automobilistes ont déjà conduit à une année de « gilets jaunes », les directives aux ensembliers automobiles et les ordres donnés à la population de se conformer aux visions de l’avenir des gouvernants peuvent conduire à la révolte comme à l’anesthésie, mais en tout état  de cause la méthode est douteuse car, une fois de plus elle supposerait une connaissance approfondie du donneur d’ordres des réalités scientifiques, techniques et industrielles, ce qui n’est manifestement pas le cas.  

Comme il est toujours opportun de conclure par une note d’espoir, le fait qu’ait été reconnue la précarité des fournisseurs , des sous -traitants fort nombreux du monde automobile a certainement mis beaucoup de baume au cœur à bon nombre de salariés qui broient du noir depuis des mois, même des années. Pour une fois , il y a eu une pensée pour eux , merci à tous ceux qui ont œuvré dans ce sens.

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