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Les ministres seraient deux fois plus riches sous le quinquennat d’Emmanuel Macron que sous François Hollande
©BERTRAND GUAY / AFP

Bonnes feuilles

Vincent Jauvert publie "Les Voraces, les élites et l’argent sous Macron" chez Robert Laffont. Jamais sous la Ve République les élites qui dirigent notre pays n'ont été aussi riches et obnubilées par l'argent. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi la situation a-t-elle empiré sous Emmanuel Macron ? Extrait 2/2.

Vincent Jauvert

Vincent Jauvert

Grand reporter à L'Obs, Vincent Jauvert est notamment l'auteur des Intouchables d'État (Robert Laffont, 2018).

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Merci, monsieur Cahuzac ! Sans lui, nous ne connaîtrions pas le montant du patrimoine des ministres, ni le détail de leurs revenus passés. Conséquence de la crise politique provoquée par les mensonges du secrétaire d’État au Budget, une loi relative à la transparence, adoptée en 2013, oblige les membres du gouvernement à fournir des déclarations d’intérêts et de patrimoine à la HATVP, qui doit les rendre publiques sur son site Internet. Une véritable révolution démocratique. 

En effet, que nous apprennent ces fiches ? D’abord que, sous François Hollande, les ministres étaient deux fois moins riches que sous Emmanuel Macron – 700 000 euros de patrimoine en moyenne, tout de même ! contre 1,4 million. Ensuite que les plus aisés d’entre eux n’étaient pas encore des rétropantoufleurs, une espèce rare à l’époque. 

De 2012 à 2017, le mieux nanti au gouvernement de la France est un éditeur de presse, Jean-Michel Baylet (8 millions d’euros), propriétaire de La Dépêche du Midi. Viennent ensuite Laurent Fabius (5,2 millions), patron du Quai d’Orsay, qui était bien énarque mais n’a jamais rejoint de groupe privé ; Michèle Delaunay (5,2 millions aussi), dermatologueoncologue ; Jean-Marie Le Guen (2,6 millions), médecin et consultant. 

L’énarque Michel Sapin (2,5 millions) n’a pas non plus pantouflé – jusqu’en septembre 2019, en tout cas. Son patrimoine a une origine tout autre : les terres et les biens immobiliers à Argenton-surCreuse dont il a hérité ont été acquis par l’un de ses ancêtres pendant la Révolution à la suite d’une adjudication des biens de l’Église… 

Quant au bon docteur Cahuzac, chacun sait qu’il a fait fortune grâce à sa clinique d’implants capillaires. Enfin, les autres ministres de Hollande, les Duflot, Moscovici, Peillon, Filippetti, Valls, Taubira, Montebourg ou Lebranchu, n’étaient pas millionnaires, parfois loin de là. Aucun, en tout cas, n’avait fait de passage juteux dans le privé après avoir été haut fonctionnaire…

Plusieurs ministres du gouvernement Philippe, si. Par exemple, la secrétaire d’État à la transition écologique, Emmanuelle Wargon, quarante-huit ans. Elle est la fille de Lionel Stoléru, un polytechnicien du corps des Mines, ministre de Giscard et de Mitterrand. Sa mère était énarque. Elle-même, après HEC, a fait l’ENA avec… Édouard Philippe, justement. Elle en sort auditrice à la Cour des Comptes. 

Sa carrière dans l’État va bon train, plutôt à gauche. Nommée en 2001 conseillère du ministre de la Santé, Bernard Kouchner, elle se retrouve douze ans plus tard déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle. L’un des plus gros postes de l’administration. Là, elle gagne très bien sa vie. Son salaire s’élève à 169 000 euros (Déclaration d’intérêts à la HATVP du 9 décembre 2018) net par an, soit 14 000 euros par mois. Plus que le président de la République, François Hollande, qui a réduit les émoluments du chef de l’État d’un tiers, à 12 696 euros net. Elle sait qu’elle ne peut pas espérer beaucoup plus dans la fonction publique. 

Alors, comme Muriel Pénicaud, elle part pantoufler chez Danone, dont elle devient la directrice des affaires publiques, autrement dit lobbyiste en chef. Un job moins prestigieux mais tellement mieux payé ! Ses émoluments grimpent très vite, nettement plus, en tout cas, que le point d’indice de la fonction publique… En trois ans, ils triplent : elle perçoit 245 000 euros en 2016, 327 000 en 2017 et 475 000 pour les dix premiers mois de 2018, juste avant qu’elle n’entre au gouvernement (Déclaration d’intérêts à la HATVP du 9 décembre 2018). 

Le patrimoine d’Emmanuelle Wargon, qui est toujours membre du corps de la Cour des Comptes, s’élève à 5,3 millions d’euros. Si l’ISF existait encore, elle devrait payer aux alentours de 34 000 euros par an d’impôt sur la fortune (calculs de l’auteur). Aujourd’hui, elle n’a rien à débourser. Comme sa maison de 150 mètres carrés, dans le Val-de-Marne, n’est estimée que 1,5 million, elle n’est, en effet, pas soumise à l’IFI (le plancher de l’IFI est de 1,3 million mais après un abattement forfaitaire de 30 % pour la résidence principale). Gain net, donc : trois Smic. 

On remarque que, dans ses avoirs mobiliers, donc échappant à l’IFI, on trouve une assurance-vie de 2,6 millions d’euros souscrite au… Luxembourg. Quand je l’ai interrogée sur cette troublante découverte, la ministre m’a répondu (E-mail du conseiller presse d’Emmanuelle Wargon à l’auteur, le 10 septembre 2019) qu’elle en a hérité « suite au décès de ses parents ». Que « ce compte a bien évidemment été déclaré au fisc français », et que, en 2017, elle a payé l’ISF sur cette assurance-vie, qui a fait l’objet « d’un mandat de gestion détenu par une banque française ». Elle a ajouté qu’elle n’a pas jugé nécessaire de rapatrier cette « assurance-vie inerte » quand elle est devenue ministre malgré le risque politique d’un tel avoir dans un pays considéré par le passé comme un paradis fiscal, « car il s’agit d’un héritage auquel elle n’a pas touché et qui a eu lieu avant sa prise de fonction au sein du gouvernement ». 

Notons que c’est à elle, et à Sébastien Lecornu, qu’a été confiée la charge d’organiser le grand débat national mis en place après la crise des Gilets Jaunes.

Extrait du livre de Vincent Jauvert, "Les Voraces, les élites et l’argent sous Macron", publié chez Robert Laffont 

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