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Réinventer l'Ehpad : des solutions concrètes existent
©PASCAL LACHENAUD / AFP

Bonnes feuilles

Pendant près de trois ans, Jean Arcelin a dirigé un EHPAD dans le sud de la France, avant de renoncer, épuisé par un trop-plein d'émotions et révolté par la faiblesse des moyens mis à sa disposition. Il publie son tendre et à la fois glaçant témoignage dans "Tu verras maman, tu seras bien" (ed. XO). Extrait 2/2.

Je ne peux pas terminer ce livre sans sacrifier à l’exercice imposé des directeurs d’EHPAD : le plan d’action. Il y a toujours des solutions. La dépendance a été déclarée grande cause nationale.Très bien! Mais concrètement, ça donne quoi?

Avec le grand âge, la dépendance et les démences progressent. Voilà une affirmation qui fait froid dans le dos ! On estime le nombre de personnes touchées dans le monde par la maladie d’Alzheimer à 50 millions en 2017 et à 135 millions en 2030. La progression statistique de cette pathologie mortelle, qui représente 60 % des démences du grand âge, est essentiellement liée au vieillissement de la population. En France, l’espérance de vie a gagné vingt ans depuis 1945. Nous vivons de plus en plus nombreux, de plus en plus longtemps. Selon l’INSEE, la part des personnes de plus de soixante-quinze ans passera de 9 % en 2020 à 15 % en 2050. Elle était de 5 % en 1980. À partir de quatre-vingts ans, selon des études qui varient significativement, entre 30 et 40 % des êtres humains sont touchés par une dégénérescence neurocognitive, de quelque nature qu’elle soit.

Mais restons optimistes ! La science, forcément, trouvera des remèdes à ces maladies qui malmènent les mémoires, et nous assisterons peut-être à ce jour merveilleux où nos vieux, qui ne se souvenaient plus de rien, de leur vie, de nos visages, de la nécessité de manger et de la façon de marcher, retrouveront tout. Alors, à belles enjambées, à grands tours de roues, le sourire aux lèvres, le regard vif et déterminé, ils s’enfuiront de leur maison de retraite. Frappant à notre porte, ils diront : « Je reviens, je me souviens ! » Dans cette attente… Il nous faut trouver des solutions.

[…]

F comme financement

De manière générale, les contribuables français ne savent pas assez tout ce que l’État et ses équipes font déjà concrètement pour les personnes âgées : le financement des EHPAD, l’aide sociale à l’hébergement pour les plus démunis, les allocations logement, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), les aides-ménagères à domicile, la prise en charge des repas…

L’État payeur, qui contribue, par l’ARS et le conseil départemental, au financement de tous les EHPAD commerciaux, doit multiplier les contrôles des dépenses de l’argent public, sans se limiter à l’analyse des documents comptables fournis par les groupes, rédigés de manière habile, avec des commentaires dictés, souffrant quelques variantes, en se rendant sur le terrain, de jour comme de nuit, pour découvrir la réalité des EHPAD, de leurs moyens et des effectifs réellement présents, bulletins de salaire à l’appui.

Aux Palmiers figuraient sur mes listings quelques collaborateurs qui n’y travaillaient plus depuis plusieurs mois, voire des années, sans arrêt de travail, sans indemnités, mais qui n’en étaient pas sortis administrativement. Quand j’en ai demandé la raison à Marco, il m’a juste répondu : « On m’a dit qu’il fallait les laisser… »

Je n’ai pas insisté. Est-ce une manière de gonfler légèrement, artificiellement, les effectifs vis-à-vis de l’administration? Suis-je devenu paranoïaque? À suivre.

Outre le pouvoir de légiférer et de contrôler, l’État possède la maîtrise des autorisations d’ouverture de tous les EHPAD. Les établissements de qualité pratiquant un tarif raisonnable sont pleins et les familles disposent d’un choix limité. Il faut donc créer davantage d’établissements pour générer une saine concurrence et déverrouiller le marché. Et là le problème devient cornélien. Ses caisses étant vides, l’État n’autorise que très peu d’ouvertures de nouveaux EHPAD, puisqu’il faut les financer. Les ouvertures que l’on peut voir s’accompagnent souvent de la fermeture d’un établissement vétuste et du « transfert administratif de ses lits ».

Il faut donc trouver de l’argent pour réellement créer de nouveaux EHPAD, publics et privés. Je n’ai pas réponse à tout, mais quelques pistes : réfléchir à un nouveau mode de financement innovant des EHPAD, à un système coopératif dans lequel les collaborateurs posséderaient des parts, créer un fonds spécial de financement, un Loto « Mamython », une association.

La Croix-Rouge et les Petits Frères des pauvres mènent plusieurs actions en faveur des Anciens, mais il n’existe pas, à ma connaissance, d’association caritative d’intérêt public, spécifique. Elle reste à créer! À promouvoir! Je suis certain qu’elle récolterait de nombreux dons et surtout des legs de personnes âgées voulant aider leurs semblables.

Par ailleurs, peut-on revoir le financement des EHPAD commerciaux en baissant le montant des subventions publiques? Même diminuée, la rentabilité des EHPAD commerciaux resterait attractive en comparaison avec d’autres secteurs d’activité.

A lire aussi, l'interview de l'auteur : Jean Arcelin : “Une large majorité des 700 000 personnes en Ehpad mangera, pour le reste de sa vie, des repas à 1€”

Peut-on imposer plus fortement les bénéfices de ces sociétés qui sont financées par l’État? Ça semble logique, non? L’État peut-il devenir actionnaire de ces sociétés à la hauteur du financement apporté pour pouvoir récupérer une partie des bénéfices?

Les grands groupes leaders voient leurs bénéfices nets progresser en trois ans de 70 % à 400 %, selon plusieurs articles parus dans la presse. Ça laisse songeur! En 2016, Les Palmiers ont rapporté un bénéfice net de 400 000 euros. Soit 10 % du chiffre d’affaires. Pas mal ! Certes, mon objectif était de 15 %…

Il semble que sur les sept mille EHPAD de France, la part des EHPAD commerciaux se stabilise autour de 25 %. Très bien. Personnellement, je favoriserais, autant que possible, le secteur privé associatif qui, par définition, réinjecte ses bénéfices dans son activité et jouit d’un taux d’encadrement supérieur et de tarifs plus accessibles. Je donnerais aussi la priorité à quelques groupes commerciaux de taille petite ou moyenne, comptant des EHPAD de moins de cent résidents, portant un vrai projet pour les personnes âgées. Les usines n’ont jamais fait du sur-mesure.

Le marché des EHPAD offrant peu de nouvelles perspectives en France, les grands groupes commerciaux, en quête permanente de développement, se tournent vers les établissements publics, dont ils proposent de prendre la sous-traitance (comme la délégation de service public des Bougainvilliers) et vers l’étranger, en Europe, en Amérique du Sud, en Chine… Partout où le papy-boom éclate.

Lors d’un reportage récent à la télévision, une journaliste, confrontée aux carences, images chocs à l’appui, de plusieurs établissements d’un groupe, a posé à son dirigeant cette question frappée au coin du bon sens : « Avant d’aller à l’étranger, pourquoi est-ce que vous ne réglez pas d’abord tous vos problèmes en France? » Le dirigeant a toussé, donnant l’impression de ne pas comprendre cette question triviale. Puis, en fin stratège, il a minimisé les difficultés invoquées et a expliqué avec fougue sa vision conquérante… C’est vrai, son truc à lui, c’est la stratégie, pas le flan qui baigne dans la sauce du rôti.

Pour conclure au sujet des EHPAD privés à but lucratif, et ne pas en brosser un portrait trop à charge, j’affirme à nouveau qu’il y a nombre d’établissements de qualité. Il me semble simplement indispensable de fixer un cadre éthique applicable à tous.

Je suis persuadé que les EHPAD commerciaux ont permis par leur dynamisme et une nouvelle approche marketing d’embellir les maisons de retraite traditionnelles et d’en faire des lieux de vie esthétiquement agréables. Je suis également convaincu que certains groupes ont à cœur d’observer une vraie éthique qui est intimement liée à la personnalité et aux valeurs des dirigeants ou fondateurs.

Je dois également reconnaître que le groupe ONYX avait la volonté, sans forcément pouvoir s’en donner les moyens, pris dans l’étau d’impératifs financiers, de mener une vraie politique de qualité.

Quant aux municipalités, tentées de sous-traiter leurs maisons de retraite, je recommande, pour le bien de leurs pensionnaires, la plus grande vigilance dans le choix de leur fournisseur, et d’observer avec attention le cas édifiant de l’Angleterre, où de nombreux établissements privatisés redeviennent publics.

Enfin, je conseille à tous les investisseurs particuliers, tentés par le marché lucratif des EHPAD, de bien choisir leur exploitant, en étudiant vraiment leur savoir-faire, leur éthique et leur réputation, quelques clics sur Internet suffisent pour cela, s’ils ne veulent pas que leurs chambres, achetées à prix d’or, soient vidées sous le coup d’un arrêté préfectoral.

F comme féliciter

On décore, dans les salons dorés de la République, artistes, figures politiques, PDG, évadés fiscaux et dictateurs…

On reçoit à l’Élysée l’équipe de France de football qui a rapporté la Coupe à la maison. Bravo messieurs ! C’est bon pour le moral et ça donne l’occasion d’occuper les ChampsÉlysées de manière pacifique.

Je connais une équipe de France, immense, avec moins d’oseille, mais à nulle autre pareille… C’est l’équipe des travailleuses et travailleurs du secteur médico-social!

Qui félicite « la Nadia » d’avoir illuminé la fin de vie de madame Gervais? Et toutes les Nadia de France? Qui félicite Édith d’assurer chaque jour, dans la joie, la propreté du cadre de vie de nos Anciens? Et à travers elle, toutes les Édith de France? Qui remercie Annie d’enchanter la salle du restaurant des Bougainvilliers? Qui décore Salma pour blessures de guerre après qu’elle a laissé aux Palmiers une partie de sa santé et de ses idéaux?

Extrait du livre de Jean Arcelin "Tu verras maman, tu seras bien", publié aux éditions XO.

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