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Devons nous rester en démocratie ? Le grand débat pourrait servir à y répondre
©LUDOVIC MARIN / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Sommes-nous encore en démocratie ? Quelle démocratie ? Est-ce encore utile et surtout efficace ? Est-ce faire preuve de vigueur démocratique que d’écouter n’importe qui, n’importe quand ? Ou l’aveu d’un échec ?

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Le mouvement des Gilets Jaunes, auquel tout le monde donne beaucoup trop d’importance, nous questionne sur les limites éventuelles de la démocratie. La France pense que l’écoute du premier « bruit » émis, est une preuve exemplaire d’un grand dynamisme démocratique. La France, qui a succombé à la tyrannie des chaînes d’infos, aux cancans du journal de 20H, à la dictature du cas isolé, qui justifierait une législation générale, applicable à tous, n’est plus, ne lui en déplaise, une démocratie. Une démocratie c’est une promesse, c’est une délégation de pouvoir, c’est une liberté de parole, c’est une diversité de provenance et une égalité des chances, une hauteur de vue et non une émission de radio qui donne la parole aux auditeurs, pour mieux la ramener au sol. 

Une promesse tout d’abord. Celle d’un mode de vie qui rende la vie en collectivité supportable, sur fonds d’élévation sociale possible. Autre nom donné à l’égalité des chances. Ce n’est pas pour tout le monde, mais c’est possible. Le « peuple » se « prive » d’un pouvoir qu’il confie à des représentants, en contrepartie d’une capacité à bénéficier de larges services publics, d’un accès à l’éducation, à la santé, parfois. Mais ce qu’attend fondamentalement le « peuple » c’est de pouvoir s’élever, d’une génération à l’autre. Car le peuple, si il accepte un pouvoir collectif, souhaite avant tout un bonheur individuel. Comme très peu de nos concitoyens comprennent vraiment l’économie, la politique, et l’entreprise, ils se concentrent sur le résultat et non sur les moyens. Les moyens c’est le café du commerce, que nous confondons désormais avec la démocratie, le « ya ka », les mesures éparses sans cohérence, qui selon chacun, surtout depuis les gilets jaunes, est de nature à changer le monde. La réalité est que le peuple est majoritairement incapable de savoir ce qui doit être fait et comment, et que l’ignorance individuelle n’accouche jamais d’une intelligence collective. 

Mais, en dehors de tout cela, la promesse de l’élévation, est une promesse cassée. Chacun le sent bien. Les chances d’améliorer la situation de la génération précédente s’épuisent et s’effacent. La promesse évanouie, équivaut à perdre le joint qui tient les briques, et l’édifice est en voie d’écroulement. Nous ne sommes plus en démocratie, car sa promesse est vaine.

Une démocratie, c’est aussi une indépendance. Celle du pouvoir élu. Que dire d’un pouvoir qui accorde plus de valeur aux ragots, aux faits divers, du journal de 20H qu’à la vision, au destin d’un pays. Cette tyrannie du court terme, dans une démocratie qui devrait se concentrer sur une vision de l’avenir, est une insulte faite à sa définition originelle. La profusion incontrôlée de lois, destinées à répondre aux commérages du café du commerce, prouve à quel point le pouvoir dit démocratique est devenu un cahier de doléances quotidien et non plus la construction d’un destin national. Qu’un accident touchant une personne fasse la une, et l’arsenal législatif qui s’émeut et se met en branle pour en faire une loi nationale. L’arme atomique, pour tuer les mouches. La paille qui aveugle la vision. Le législateur éclairé que nous devons élire, est devenu une assistante sociale et un technicien de surface cathodique. La télé est devenu sa source d’inspiration et sa raison d’être. Le pouvoir est otage du quotidien. La promesse, là encore, est rompue. 

Et que dire de la dictature du portable ? Le moindre mot, traqué par le portable du premier pigiste venu, sortit de son contexte, exerce une dictature sans pitié sur le quotidien. Le journaliste est passé du rôle de celui qui cherche, réfléchit et informe, au rôle de celui qui doit développer une aptitude hors du commun à approcher son portable le plus près possible, de celui qui pourrait lui fournir la petite phrase du jour. C’est donc l’opportunisme et la longueur du bras, la qualité du portable, qui fait désormais la qualité de nombre de « journalistes ». Notre démocratie devient ce lieu intense de débat intellectuel qui consiste à désamorcer la nuit, ce que la captation téléphonique, aura « capturé » le jour. La pêche du jour, dont le politique devient comptable, et qui doit consacrer un temps précieux confié par les institutions à couvrir son odeur.

Le débat démocratique se réalise sur Twitter. Les procès sont débattus et les jugements rendus sur le net. Le politique en devient le jouet. Une chambre d’écho et un renvoi de fonds de court, deviennent les seules fonctions de nos représentants. Une démocratie ? Un simulacre. Au mieux. 

Et que dire de la liberté de pensée ? Du propos ? De la diversité de provenance de nos élites ? On ne peut plus s’exprimer, sauf si l’on réunit plus de 3 portevoix dans la rue. Le politiquement correct tient lieu de tribunal du langage, qui n’a rien à envier à la censure des dictatures. La seule différence c’est que ce tribunal n’est pas institutionnel mais diffus. Mais fait l’objet d’un consensus. Sortez des clous de l’acceptable et observez le déchaînement des garants de la « bien pensance », qui faute d’idée et de réflexion, préfère interdire la contradiction. Quant à nos élites, qui s’auto-reproduisent, et s’assurent de conserver un pouvoir destiné à servir leur carrière et leur sécurité.  Une démocratie ? Nous n’en avons à peine la façade.

Les Gilets Jaunes représentent la preuve même de cet échec démocratique. Ecouter n’importe qui, qui raconte n’importe quoi. Lui donner de l’importance. Mobiliser nos institutions pour s’abaisser à insulter une démocratie qui détient pourtant un pouvoir légitime et ne devrait jamais se laisser dicter sa loi par la rue. La rue n’écoute qu’elle même. La masse est confondue avec la raison. Et quelle masse ? 3% de la population française au pic de sa mobilisation ? Ridicule. 

Nous avons touché le fond. Non qu’il soit inutile, et au contraire indispensable, d’écouter ceux qui manifestent leur compréhension de la fin de notre système. Il faut analyser et comprendre. Mais jamais sous la pression de l’instant. Et sans état d’âme pour y mettre fin, quand la revendication tourne à la pantomime, tragi-comique. Cet épisode doit être l’occasion de questionner, non pas l’ISF, le salaire minimum, le retour de Dorothée à la TV ou la sortie de la France de l’Europe, et le retour de la télé noir et blanc…mais ce que nous appelons une démocratie et la façon dont un Etat devrait fonctionner.

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