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Tournant : quand l'Europe (re)découvre qu'elle ne sortira pas de la crise sans croissance
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Austérité no future ?

En une semaine, l'Europe a changé de perspectives et de hiérarchie de sa politique économique. Les politiques budgétaires trop restrictives sont remises en cause. Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne, veut imposer l'idée d'un pacte européen pour la croissance et même Angela Merkel se résout à en discuter en juin.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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En une semaine tout semble avoir basculé en Europe. Il a suffi que Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne, évoque l'idée d'un pacte pour la croissance lors de son audition au Parlement Européen pour que d'un seul coup l'austérité et l'ajustement budgétaire rapide deviennent des thématiques passées.

Ce changement de perspectives illustre l'inquiétude sur la situation économique de la Zone Euro. Le taux d'évolution de l'activité y sera négatif en 2012 ce qui affectera durablement l'emploi. Sur ce point on en a eu l'illustration avec les chiffres français pour le mois de mars cette semaine.

Les fragilités de la reprise en Europe

Pour bien comprendre les interrogations qui se font jour, un retour en arrière est nécessaire notamment sur la période de reprise depuis le choc de 2008. Pourquoi ce retour aussi loin ? Parce que la reprise de l'activité a été médiocre et très longue à se dessiner dans les pays industrialisés, à l'exception de la Suède et de l'Allemagne. C'est une situation particulière au regard des épisodes de récession passés. Généralement la croissance repartait beaucoup plus vite et avec beaucoup plus de vigueur. Une conséquence directe de cette langueur est un ajustement très lent sur le marché du travail et un manque d'autonomie de la croissance.

De la reprise allemande à la rupture grecque les trajectoires ont été très diverses avec notamment des pays comme l'Irlande et l'Espagne pour lesquels l'adaptation à une dynamique post-bulle immobilière a été et est toujours périlleuse. L'activité, en tendance, y est étale.

La France a eu un rebond limité de sa croissance. Pour fixer les idées, l'activité y a progressé de presque 1.4 %, en tendance annuelle, depuis le point bas du premier trimestre 2009 alors qu'avant la crise la croissance tendancielle était un peu supérieure à 2%.

Cette configuration engendre une hiérarchie nouvelle en Europe. Les pays très réactifs à l'activité mondiale comme l'Allemagne ou la Suède ont connu une reprise rapide et forte. Ceux dont les échanges sont davantage tournés vers l'Europe n'ont pas retrouvé une allure de croissance très rapide. La dynamique interne à l'Europe n'a pas été suffisante.

La conjoncture a donc été beaucoup plus sensible à l'environnement international. Lorsque celui-ci a une allure très robuste comme en 2009 et 2010 l'Europe y trouve des éléments de soutien. En revanche et comme c'est le cas depuis le printemps 2011, lorsque la situation économique internationale est moins porteuse la croissance s'essouffle.

La politique budgétaire restrictive

C'est dans ce cadre que tous les pays de la zone Euro se sont accordés, début décembre 2011, pour mettre en œuvre une politique économique conditionnée avant tout par le rééquilibrage rapide des finances publiques. L'objectif de réduire le déficit public à 3% pour chaque pays en 2013 est un objectif très ambitieux mais probablement trop ambitieux lorsque l'environnement international n'est pas porteur. Dans les exemples passés de réduction rapide des déséquilibres budgétaires, la dynamique globale était toujours favorable et soutenait la progression des exportations. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Dès lors toute politique restrictive se traduit par un effet négatif sur l'activité.

Une politique budgétaire restrictive doit s'analyser comme une hausse de l'épargne de la part de l'Etat. Dans un environnement international qui ne permet pas une accélération rapide des exportations, cette épargne supplémentaire doit être compensée par une épargne moindre des ménages et/ou des entreprises. Si ce n'est pas le cas la baisse de la demande provenant du comportement plus restrictif de l'Etat provoque un repli de l'activité. Ce phénomène ne permet pas alors de rééquilibrer les finances publiques puisque les recettes fiscales ne progressent pas. C'est ce que l'on observe en Espagne, notamment sur les comptes publics des régions. Faut-il alors devenir encore plus restrictif ?

Les changements

Cette situation fragile sur le plan conjoncturel s'observe en Europe aujourd'hui. Oui l'Europe et pas simplement la zone Euro. Au Royaume-Uni l'économie est à nouveau en récession. La stratégie de réduction budgétaire rapide menée par David Cameron ne fonctionne pas. En zone Euro, les fragilités sont nombreuses et ont été mises en avant dans la semaine du 23 avril par la publication de plusieurs statistiques défavorables. La croissance espagnole s'est à nouveau repliée au 1er trimestre, l'Espagne est en récession, et des indicateurs d'enquêtes suggèrent que l'activité s'infléchit rapidement, même en Allemagne En outre, les entreprises ont adopté des stratégies plutôt attentistes comme le rapporte une enquête menée par la Banque Centrale Européenne.

En d'autres termes, la situation est devenue plus fragile en zone Euro. Les politiques budgétaires trop restrictives sont remises en cause. Cela a été le cas de l'Espagne mais aussi la raison de la démission du gouvernement néerlandais le week-end dernier.

Il faut retrouver une dynamique de croissance plus robuste parce que l'objectif de la politique économique doit être l'emploi et pas le niveau de la dette publique. L'histoire montre que l'importance de la dette publique s'estompe lorsque la croissance revient.

Ce changement possible de hiérarchie dans les objectifs devrait être discuté au sommet européen de juin comme l'a indiqué Angela Merkel dans une interview publiée samedi 28 avril.

L'Europe change de perspectives et de hiérarchie de sa politique économique. Cela ne veut pas dire que l'équilibre budgétaire n'est pas important mais simplement qu'il ne pourra être atteint que si la croissance revient. 

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