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SNCF : Guillaume Pepy à la reconquête hasardeuse de la clientèle perdue par la grève
©ERIC PIERMONT / AFP

Calmer la colère

Dans une interview au Parisien, le patron de la SCNF a annoncé une opération de "reconquête" envers les usagers, avec notamment des billets à prix réduits.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Atlantico : Guillaume Pepy entend reconquérir ses clients en proposant tout le long de l'été des billets de TGV à moins de 40 euros pour au total 3 millions de billets mis en vente. Pensez-vous que cela sera suffisant pour atténuer la grogne des clients?

Loïk Le Floch-Prigent : Je pense toujours qu’un bon diagnostic est le préalable indispensable à une bonne mesure. Quel est donc le diagnostic ? Je n’en sais rien et peut-être a-t-on interrogé les clients mais on ne le dit pas. Pour moi qui prend souvent le train et à qui clients comme cheminots s’adressent gentiment j’ai l’impression que tout le monde est désorienté. Les clients souhaiteraient comprendre ce qui se passe vraiment et les cheminots se sentent désarmés par les critiques auxquels ils sont soumis. Tout le monde grogne, comme vous dites, mais personne ne comprend où on va. Mais je n’ai pas fait d’étude des sentiments de la clientèle et je ne suis pas le récepteur de s : ondages sur le sujet.

Est-ce utile de faire une telle opération de reconquête, considérant que les clients de la SNCF pour beaucoup sont captifs?  Ils sont nombreux à n'avoir pas d'autres choix que d'y avoir recours, même en prenant en compte les services annexes comme Blablacar, les entreprises de location de voiture ou Air France ?

La formule de grève choisie a été une erreur tactique, les clients ont appris à se passer du train en utilisant leur smart phone. Une grande partie, en particulier les jeunes, se sont « débrouillés » et la suppression des trains a fait grogner, mais cela n’a pas été le drame annoncé. L’été qui s’annonce est différent, il y a les enfants et les grands parents et beaucoup de captifs du train, la reconquête est donc facile, elle va venir de la nécessité. Je pense que le problème va être d’assurer l’existence de trains et de fluidifier les changements de dates, c’est-à-dire d’éviter les sanctions en cas de modification des dates des  trajets. Cela n’a rien d’évident mais c’est une demande des clients du train, c’est une tradition, et les grèves actuelles vont augmenter cette exigence de la clientèle. On aime le train parce que l’on y respire, qu’on est au calme, et il faut retrouver les fondamentaux de l’affection de la clientèle pour ce mode de transport.

Ne vaudrait-il pas mieux engager une réflexion sur le coût global des différents services  de la SNCF (bus, Blablacar...)?

Le point de départ, en ce qui concerne les coûts, ce serait d’avoir un consensus de diagnostic, ce que j’appelle un diagnostic partagé. On en est loin ! J’entends dire que la changement de statut des cheminots fait faire des économies, que la concurrence fera de même et ainsi de suite. Moi ce n’est pas mon avis, mais je suis prêt à me laisser convaincre. Pour cela il faut mettre à plat les contributions réelles de l’Etat, la masse salariale, et la part du prix des billets. Tout cela est bien plus complexe que ce qui est propagé dans les discours. Et c’est par là qu’il aurait fallu commencer. La Suisse a décidé que le train devait être prioritaire. En conséquence elle a investi lourdement dans la maintenance et elle a demandé à accentuer les cadences. Autrement dit elle a fait une politique de l’offre. Le résultat c’est que les clients ont déserté la route pour le train puisqu’il était toujours possible de partir et de revenir…comme avec une automobile, mais sans embouteillages et avec des horaires minutés. La priorité a conduit, bien sûr, à ce que les tarifs soient compétitifs, c’est-à-dire que la collectivité a subventionné largement les billets. Dans nos pays où la concentration urbaine devient un problème de vie, le train est un outil essentiel et nous avons la chance d’avoir conservé un réseau très maillé. Il va falloir apprendre, non à vouloir « fermer » les lignes, mais à les valoriser en multipliant les cadences et en en diminuant les prix pour les clients, c’est cela le monde moderne vers lequel nous allons, celui du développement durable. Bus et Blablacar donnent dans cette épreuve de la grève une alternative, mais dans l’avenir c’est le train qui globalement sera le moins couteux pour la collectivité, encore faut-il  que celle-ci accepte d’investir comme l’ont fait nos voisins. Voilà ma conviction, et l’exemple à méditer, on peut ne pas partager mon avis, mais il faut alors, comme vous le suggérez revenir au cout global et me persuader que j’ai tort.

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