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Geoffroy Didier : "les responsables de droite se sont trop souvent réfugiés dans des postures sans être capables, une fois au pouvoir, de mettre leurs actes en conformité avec leurs déclarations"
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Interview politique

Emmanuel Macron a reçu Donald Trump pour le Défilé du 14 juillet vendredi dernier. Il a également dû affronter les critiques du Général De Villiers qui s'est opposé aux réductions de budget de l'armée. Dans cette interview, Geoffroy Didier revient sur cette actualité politique chargée.

Geoffroy Didier

Geoffroy Didier

Geoffroy Didier est député au Parlement européen et directeur de la communication de la campagne de Valérie Pécresse.


 

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Atlantico : Que vous a inspiré la séquence des trois derniers jours, Donald Trump en visite à Paris, Emmanuel Macron recadrant les militaires avant d'enchaîner avec la commémoration de Nice? Tout le monde s'accorde à dire que le président de la République maîtrise sa communication d'une main de maître. Derrière les images, les actes  - en politique internationale, en matière de lutte antiterroriste par exemple - vous paraissent-ils à la hauteur des défis auxquels est confrontée la France ?

Geoffroy Didier : Inviter Donald Trump à Paris est un sain choix diplomatique. Il a été élu démocratiquement par son peuple et dirige la première puissance économique mondiale. Aurait-il fallu passer sous silence le centenaire de l'entrée en guerre des Etats-Unis en Europe sous prétexte que certains tweets de Donald Trump dérangent? La France a de profonds désaccords avec lui, à commencer par son retrait de l'accord de Paris sur le climat. Mais la diplomatie, ce n'est pas seulement tenir ses positions, c'est aussi poursuivre le dialogue. Quant à la communication d'Emmanuel Macron, elle est globalement sympathique mais son espérance de vie sera courte. Si dans quelques semaines, nous en sommes encore aux seules images, l'effet boomerang sera violent. 

Les explications du gouvernement et le "rappel à l'ordre" du Président à ceux dans l'armée qui se plaignent des coupes budgétaires vous ont ils convaincu ? Acte d'autorité ou accès d'autoritarisme?

Ne prenons pas à la légère qu'un chef d'état-major, malgré une tradition de discrétion, éprouve la nécessité d'alerter publiquement l'exécutif sur l'état de santé des Armées. Le président de la République ferait mieux de comprendre ce signal d'alarme plutôt que de le dénoncer. Depuis plusieurs années, je conteste la paupérisation des services fondamentaux de l'Etat. Je propose que celles et ceux qui assurent la protection de nos concitoyens (armée, police, gendarmerie, autorité judiciaire) voient le budget de leurs missions non seulement sanctuarisé mais aussi augmenté. Cela s'effectuera au détriment assumé de certains autres budgets, subventions et aides moins essentielles sur lesquels des sacrifices devront être faits. Mener une action publique, c'est établir des priorités, avoir le courage de faire des choix difficiles et de les mettre en œuvre jusqu'au bout.

À quoi aurait pu ressembler le démarrage d'un quinquennat dans lequel la droite aurait gagné les élections au regard de la situation budgétaire héritée du quinquennat Hollande ?

Mais ce dérapage budgétaire était parfaitement connu! Les députés Les Républicains l'avaient signalé au Conseil Constitutionnel durant le dernier quinquennat. Alors, l'excuse permanente de l'héritage, ça suffit ! François Hollande s'était longtemps caché derrière le prétendu passif Sarkozy. Emmanuel Macron, pourtant ministre de l'économie de François Hollande, se plaint désormais du quinquennat passé. Le début d'un mandat n'est jamais une page blanche, encore faut-il avoir la volonté et le courage de ne pas gagner du temps par des artifices sémantiques. C'est une question de respect de ceux qui vous ont choisi pour mettre en œuvre sans attendre un projet pour cinq courtes années. 

A droite, 'la mission d'une nouvelle génération est de savoir tourner les pages', avez-vous déclaré dans Le Figaro en faisant référence au mariage pour tous. Est-ce à dire que de manière plus générale et dans le fil de votre engagement pour une droite "plus forte, ouverte et moderne", la droite devrait selon vous tourner la page du conservatisme ?

S'il s'agit de protéger les racines, la culture et l'identité françaises, vous pouvez me qualifier de "conservateur". Si, en revanche, le conservatisme nécessite de mener à tout prix des combats sociétaux d'arrière-garde, alors je ne m'y reconnais pas. Forte de ce qu'elle est et de ce qu'elle a construit à travers son histoire, la France avance et vit avec son temps. Expliquer que l'avenir de la droite, c'est revenir sur la loi Taubira, c'est se tromper lourdement sur les aspirations de la société française. 

Vous souhaitez que le droite redevienne plus populaire également, comment atteindre cet objectif ?

Une droite populaire, c'est une droite qui arrête d'avoir pour seules volontés la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, de l'ISF, des indemnités chômage et du mariage pour tous. Infidèle à son ADN, la droite n'a plus voulu s'adresser aux jeunes, aux ouvriers, au monde rural, aux banlieues. Redevenir la droite, c'est promouvoir l'ascenseur social et le bon sens économique, c'est à-dire la culture du mérite et l'esprit de responsabilité. Redevenir la droite, c'est protéger les plus fragiles des excès normatifs, des abus fiscaux et des assauts communautaristes dont ils sont les premières victimes. Chaque Français aspire à vivre tranquillement et à progresser socialement. 

Comment être une droite forte et constructive à la fois ? Personne ne se réclamant d'une opposition stérile et de principe, en quoi être constructif et donc se déterminer principalement par rapport au projet d'une autre formation politique peut-il permettre aux Républicains de reconstruire leur propre identité ?

Vous aurait-il échappé qu'une grande partie des électeurs de droite avaient voté en Marche lors des élections législatives? Pensez-vous que nous pourrions faire comme si de rien n'était? Les Français de droite restent de droite, mais ils ont envoyé un signal de défiance aux dirigeants de leur famille politique. Pendant dix ans, les responsables de droite se sont trop souvent réfugiés dans des postures sans être capables, une fois au pouvoir, de mettre leurs actes en conformité avec leurs déclarations. On ne vote pas à droite pour voir baisser le nombre de policiers et de gendarmes. On ne vote pas non plus à droite pour voir son gouvernement s'opposer frontalement à la loi Macron qui pourtant allait dans le sens attendu. Pour tirer au mieux les leçons du passé, soyons donc nous-mêmes. Arrêtons avec les inerties et les postures. Quant au gouvernement actuel, je fonctionnerai de manière très simple avec lui. Lorsqu'une réforme ira dans le bon sens, je l'approuverai. Lorsqu'elle ira dans la mauvaise direction, je m'y opposerai. Cet état d'esprit constructif n'empêchera en rien de porter une droite offensive, bien au contraire!

Vous étiez le cofondateur de la motion de la droite forte, qui se réclamait du sarkozysme en 2012. Apres avoir été candidat à la primaire, vous avez rallié Alain Juppé, comment définiriez vous votre positionnement aujourd'hui ?

En 2012, nous avons fondé la Droite forte dans le prolongement de la France forte de Nicolas Sarkozy. C'était une aventure militante exceptionnelle basée sur de solides convictions de droite. En cinq ans, la France s'est transformée. Nous avons connu le Bataclan, et la pression des attentats reste quotidienne. Le chômage a explosé et de nombreux nouveaux métiers sont apparus au détriment d'autres qui disparaissent. Le monde nous bouscule, du Brexit à l'élection de Trump en passant par de nouvelles possibilités technologiques et d'inédits défis environnementaux. Je suis et reste un homme de droite, mais j'ai compris qu'une droite forte ne suffirait plus. Il faut que la droite soit à la fois forte, moderne et ouverte. Nous devons accompagner les mutations plutôt que de leur résister. Nous devons reconstruire l'Europe pour ne pas qu'elle disparaisse. Si la droite et la gauche existent, ce seul clivage n'est plus suffisant à saisir et traiter les maux de la société. 

À sa manière, Laurent Wauquiez s'inscrit dans le fil d'un héritage sarkozyste si on raisonne en termes de valeurs mise en avant. Que vous inspire sa candidature ?

L'avenir de notre famille politique ne dépendra pas d'un seul homme. Il relèvera d'un choix politique : voulons-nous nous enfermer ou, au contraire, rassembler plusieurs sensibilités? Cette question est fondamentale. Je me suis opposé à l'exclusion des dits "Constructifs" car je crois à la force d'un mouvement politique moderne et ouvert qui assume le débat interne. Il existe plusieurs manières de faire vivre des valeurs communes. 

Les procès en trop-a-droitisme dont vous avez vous-même fait l'objet avec Guillaume Peltier à l'époque vous paraissent-ils justifiés aujourd'hui ?

Ceux qui m'attaquaient le plus n'avaient habituellement pas pris la peine de me rencontrer. Je les invite au moins à découvrir mon ouvrage "La Fronde nationale" (éditions du Moment, 2014). Ils auront un avant-goût de mes convictions solides, constantes et sincères.

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