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La France doit-elle nationaliser Facebook ?
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Zone franche

Quand Facebook est hors-ligne, il laisse 850 millions d’utilisateurs sur le carreau mais ne fournit aucune explication. La patrie des droits de l’homme et du service public peut-elle rester sans réaction ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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J’ai une idée formidable pour réorienter le débat pré-présidentielle sur une thématique au moins aussi grotesque que la viande halal ou la confiscation des revenus jugés trop élevés par la morale progressiste, mais plus marrante et high-tech : pourquoi ne pas exiger la nationalisation par la France de Facebook ?

Ok, dit comme ça, ça à l’air un peu étrange, comme suggestion, mais il y a un angle.

Le « réseau social », comme on dit désormais, est resté hors-ligne trois heures durant hier matin, laissant des centaines de millions d’utilisateurs européens et asiatiques sur le carreau. Pour les gens qui, comme ma mère (oui je sais, je prends souvent ma mère comme exemple de technophobe de compète mais si vous la connaissiez vous comprendriez), préfèrent bavarder avec les voisins près des boîtes aux lettres plutôt que d’échanger des lolcats sur Facebook pour tuer le temps, ça n’est pas si grave. Mais pour les autres, pourtous les autres, qui dépendent presque intégralement du bidule pour garder le contact avec le reste du monde et s’épanouir pleinement en tant qu’humains, c’est une catastrophe d’ampleur fukishimesque.

Pour ne rien dire des millions d’entreprises qui l’utilisent désormais comme « apporteur d’affaires » et perdent du temps et de l’argent lorsqu’il est en rade.

Comme le dit Spider Man, qui n’est pas qu’un bodybuilder sans neurones, « with great power comes great responsability ». Et si près d’un milliard d’inscrits, ce n’est pas un immense pouvoir, où va-t-on ? Tiens, rien que pour la France, c’est 24 millions d’abonnés, soit cinq fois plus que l’effectif total de notre fonction publique, pour comparer de grandes masses entre elles !

Plus de courrier transporté par Facebook que par La Poste

Si Facebook devient aussi essentiel à la vie sociale et économique du Terrien moyen, et donc du Français standard (sauf ma mère, qui n’est pas standard, comme on l’a vu), et élimine graduellement la concurrence (regardez un peu où en sont MySpace et Copains d’avant), on n’est plus trop loin de la notion de « service public monopolistique » à la gauloise. M’est d’ailleurs avis que le site transporte bien plus de courrier que La Poste, même si j’ai la flemme d’aller chercher les stats. Et un service public authentique, ça ne se laisse pas aux mains d’un ploutocrate en claquettes de piscine dont le seul but dans la vie est d’accumuler des brouzoufs par milliards. Oh non !

Surtout s’il se révèle incapable d’expliquer pourquoi ses affiliés sont privés de « likes » et de « pokes » pendant des heures et ne s’en excuse que du bout des lèvres. Merde alors, je veux bien qu’en France, quand il y a une grève de métro, on ne s’en aperçoive plus mais « Facebook down », c’est limite prise d’otage des usagers.

Oui vraiment, la transformation de Facebook en un grand service public mondial de la relation sociale est une évidence et je subodore qu’un Mélenchon pourrait parfaitement l’intégrer à son programme (Hollande, je n’ai pas confiance : il se contenterait d'une participation minoritaire et refuserait de nommer les dirigeants directement, ce social-libéral !). Et qu’on n’aille pas ergoter en mentionnant que l’entreprise est américaine : au Venezuela, Chavez a nationalisé Exxon et Total et on n’en pas fait tout un fromage.

Après tout, nous sommes quand même le pays où l’on exige du président qu’il ferme les paradis fiscaux (quoi, cinq ans à l’Élysée et il en reste encore ?!) et réorganise les flux financiers mondiaux (quel échec patent !). Et s’il faut vraiment attendre le reste du monde avant d’initier des trucs un peu courageux, on n’est pas arrivés : en 1789, on ne s’est pas arrêté de couper la tête des aristos au prétexte que ça mettait les Anglais ou les Allemands mal à l’aise… Être le phare du monde, ça se mérite.

D’autant plus qu’en nationalisant Facebook, on pourrait ramener la rémunération du boss à un niveau plus raisonnable, quelque chose comme 20 fois le SMIC, ce qui est amplement suffisant pour s’acheter une Renault Mégane toutes options et investir dans de l’immobilier locatif à loyer plafonné en petite couronne.

Mais bon, Mélenchon aura-t-il le courage de s’en prendre à un tel géant et de rendre le pouvoir au peuple, seul propriétaire légitime de la première agora électronique de la planète ? Pas si sûr. Bah, qu’importe : s’il ne réagit pas, je poke Poutou.

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