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Emmanuel Macron inquiète Manuel Valls beaucoup plus que les frondeurs de l’extrême-gauche
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Atlantico Business

Au cours des dernières 24 heures, Manuel Valls a passé plus de temps à recadrer son ministre de l’Economie qu’à essayer de calmer les frondeurs de l'extrême-gauche...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis trois jours, le Premier ministre a encore passé beaucoup plus de temps à essayer de recadrer son ministre de l’Economie qu'à essayer de convaincre les frondeurs du Parti socialiste sur la loi Travail. Pourquoi ? La raison est simple. Les frondeurs représentent le passé. Ils portent des valeurs conservatrices. Emmanuel Macron, lui, a préempté le créneau de la modernité. Or, la modernité, pour Valls, était sa chasse gardée. Pas question de laisser ce domaine braconné par un jeune sorti de nulle part pendant qu'il s'occupe du 49.3 pour en finir enfin avec la loi Travail qui n’intéresse plus personne.

D abord, il a surveillé de près ce qu’Emmanuel Macron disait aux journées économiques d'Aix-en-Provence dimanche dernier. Là-bas, il y a été accueilli sur un tapis rouge par les universitaires et les grands patrons qui lui ont quasiment fait une standing ovation pour les propos qu’il a tenus sur la réforme nécessaire de la France et la modernité de l’Europe. En clair, Macron a été reçu en futur président de la République avec une seule question récurrente : "Quand allez-vous démissionner de Bercy et annoncer votre candidature à la présidence ?"

La réponse est toujours la même : il ne sera candidat à la présidence de la République que si François Hollande ne peut pas se présenter. Il n'empêche que tout le monde a compris qu'il ne resterait pas à Bercy jusqu'à la fin du mandat, sinon il serait considéré comme co-responsable du bilan désastreux. Il va donc sortir avant la fin de l’année pour se dédouaner de ce bilan et laisser Manuel Valls l’assumer seul avec François Hollande. Du côté de Macron, on pense que Manuel Valls va porter toute sa carrière comme un boulet ce ratage du quinquennat Hollande.

Le Premier ministre, qui n'est tout de même pas novice en coup politique, ne découvre pas les difficultés dans lesquelles le met son ministre de l’Economie.

Lundi, alors qu'il est en Corse, il prend le temps de faire des tweets pour soutenir le secrétaire d’Etat au budget Christian Eckert, assez vexé par la façon dont le ministre de l'Economie règne sur Bercy. Cette histoire est surréaliste. "Ce super ministre, ce surhomme, dit-il, qui se mêle de tout et de ce qui ne le regarde pas".

Cette querelle est du niveau de la cour d'une école maternelle, le seul intérêt est d’avoir appris qu’il y avait bien un ministre du Budget, et que le patron Valls en était profondément agacé et s’est senti obligé de remettre en place l’élève le plus brillant de la classe pour excès d'arrogance.

Cette affaire est incroyable et montre le niveau de la gestion du gouvernement. Tout est ego, tout est communication. Le Premier ministre va avoir du travail s'il veut continuer de surveiller son poulain qui lui échappe parce que la presse, qui reçoit l’agenda de Macron, est admirative de l'emploi du temps et de la capacité du ministre à faire mousser des non-événements. Hier matin, il est aller vérifier dans une gare routière si les départs en vacances par les bus dont il est le parrain se passaient bien. Là encore, c’est dire le niveau.

Emmanuel Macron a deux sorties par jour de prévues pendant cette semaine. Il est probable qu'il ne prenne pas de vacances et en profite pour aller encourager tous les jeunes qui ont arraché un boulot d’été pour payer leurs études, tous ceux qui suivent des cours de rattrapage et tous ceux qui peuvent partir en vacances comme ceux qui restent coincés chez eux, faute d’argent. Si Manuel Valls veut le pister, il va falloir qu’il s’accroche.

Pendant ce temps, le Premier ministre doit néanmoins faire son job, qui est de faire voter des lois. Pour la énième fois, il doit expliquer à ses amis d'extrême-gauche, qui de toutes façons ne voteront pas cette loi, que la législation est bonne pour l’emploi et pour l’avenir. Le discours ne passe pas. Personne n’écoute et personne ne s’intéresse plus à cette loi qui sera versée au bilan du Premier ministre comme une bonne intention mais ratée. Le résultat de ce cirque est que le Premier ministre est coincé par les frondeurs mais qu'il s'en moque, parce qu'ils ne représentent pas l'avenir. Globalement, avec les écologistes radicaux et les partisans de Jean-Luc Mélenchon, ils sont minoritaires.

Or, lui ce qui l’intéresse, c’est de se construire une majorité présidentielle moderne. Mais la modernité, il ne l’incarne plus puisqu’il doit ménager les frondeurs. Les sondages indiquent qu’il est porteur des valeurs de sécurité mais aussi de sévérité ou d’arrogance.

A côté, Emmanuel Macron, lui, s’est forgé le personnage d'un Valls plus jeune, plus intelligent, plus formé, plus gentil, et surtout plus moderne. Par conséquent, sa grille de lecture des évènements et des réformes est très simple et très lisible.

1) Il doit assumer la mondialisation parce qu'elle est inéluctable.

2) Il doit promouvoir le progrès technologique parce qu'il est générateur d'innovations, donc de croissance et d’emplois.

3) Il doit protéger la concurrence parce que la concurrence est un facteur de progrès.

Avec un discours en boucle autour de ces trois items, Macron peut ratisser large et tisser sa toile. Les décideurs, les femmes d'affaires, les très actifs, les Européens, les jeunes surtout mais aussi les seniors parce qu'ils ont des enfants et des petits-enfants. Et que beaucoup voyagent, ils connaissent le monde. Ni à droite ni à gauche.

Valls n'est pas loin de partager ces ambitions génériques, mais lui fait de la politique. Il sait que l'opinion est animée de vagues plus profondes et surtout il exploite les marchés de la gauche. Il est coincé.

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