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SeaFrance : 
les vraies raisons d'un gâchis
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Ce qu'en pensait la Cour des comptes...

Le Tribunal de commerce de Paris a reporté à lundi prochain l'étude de l'offre de reprise de SeaFrance par une Société coopérative et participative. Un projet soutenu lundi par le gouvernement qui permettrait aux salariés de reprendre à leur compte la compagnie maritime. Pourtant, un rapport de la Cour des comptes en 2009 annonçait le naufrage de la compagnie en raison d'une gestion calamiteuse par une direction prise en otage par des syndicats tout-puissants, indifférents aux contingences économiques.

[Mise à jour du 03/01/2012 à 15h]

La décision du tribunal de commerce est tombée. Pour en savoir plus, lire notre article :L’examen du dossier SeaFrance reporté à lundi prochain.

Le Tribunal de commerce de Paris devrait trancher ce mardi sur l'offre de reprise de SeaFrance par une Société coopérative et participative (SCOP). L'enjeu est de taille pour l'ensemble des 880 salariés ainsi que pour les élus CFDT de la compagnie maritime française qui ont porté ce projet de SCOP et se sont illustrés par leur intransigeance, prêts a risquer le naufrage de l'entreprise en raison de leur difficulté a se projeter dans des solutions de reprise raisonnables.

Selon le rapport particulier de la Cour des comptes du 13 mars 2009 relatif aux comptes et à la gestion de SeaFrance pour les exercices 2004 à 2007 (avec actualisation à 2008 pour la gestion), la situation financière de la compagnie maritime était déjà fragilisée. Les sages avaient -déjà- pointé plusieurs « spécificités » qui menaçaient de couler SeaFrance :

(Pour se remémorer la chronologie qui précède la décision du Tribunal de commerce de Paris, lire en cliquant ici :  SeaFrance : chronique d'une reprise douloureuse)


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Un personnel embauché par cooptation

D’entrée, les sages de la rue Cambon signalent, dans un euphémisme dont l’administration a le secret, que « l’entreprise n’a pas fait preuve d’une politique de recrutement très transparente au cours de la période sous revue, ce qui se concrétise notamment par un sureffectif au niveau des équipages du service général ».

Et de juger qu’ « il ne semble pas que SeaFrance ait une véritable politique en matière de recrutement ». C’est peu dire. Ainsi, « pour les ADSG (« Agent de service général », NDLR), le recrutement s’effectue largement par cooptation selon des critères peu transparents. Les recommandations familiales et surtout l’appui de la formation syndicale majoritaire entrent comme un facteur déterminant dans la sélection des candidats. Le recrutement du personnel d’exécution a provoqué de nombreuses remarques au sein même de l’entreprise, faisant mention de personnes peu motivées et n’ayant souvent aucune qualification (…) Ce contexte ne peut que susciter des interrogations sérieuses sur la manière dont SeaFrance recrute son personnel ». Avant de citer plus bas : « l’étude AtKearney (qui) avait proposé de réduire le nombre d’ADSG par la suppression d’un certain nombre de postes, mais ce plan n’a jamais été mis en application ».

(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

39 journées d’absence par an et par salarié !

Plus bas, la Cour note que « l’absentéisme a augmenté sur la période bien plus vite que les effectifs de SeaFrance ». Le nombre de journées d’absence étaient de 51 998 en 2004 et de 66 404 en 2007, soit une augmentation de 28%. Ce qui, quand on ramène ce chiffre aux 1699 salariés de l’entreprise, représente une moyenne de 39 journées d’absence par an et par salarié.

Le rapport évoque à ce sujet un « taux de fréquence des accidents de travail des personnels d’exécution (…) passé de 9,33% en 2004 à 12,12% en 2007, soit une augmentation de 30%. » Les sages signalent que les « maladies en cours de navigation (…) et surtout les maladies hors navigation qui se rapportent en général au cas du marin qui tombe malade au cours de la période qu’il passe à terre entre deux embarquements, ne sont le plus souvent l’objet d’aucun contrôle (…) pour la part la plus importante de l’absentéisme (90% des arrêts maladie sont hors navigation), aucun contrôle n’est finalement exercé. »

3 Des syndicats très privilégiés…

Outre la cooptation pour l’embauche, le rapport constate que les délégués CFDT bénéficient d’avantages « exorbitants » dénoncés début 2007 par l’intersyndicale des officiers de SeaFrance. Et de citer par exemple : « des promotions de personnels arrivant en fin de carrière à des postes d’assistants officiers ne correspondant pas aux qualifications des intéressés. » Alors même que cet usage -visant à améliorer la pension d’anciens délégués- est prescrit par le décret du 7 mai 1952. Plus loin, les sages épinglent « l’emprise de la CFDT et la mainmise de ce syndicat sur l’embauche et l’avancement du personnel ». La Cour des comptes n’épargne pas non plus l’intersyndicale CGC-CGT des officiers et son dans le conflit social de 2008… Et si « les conséquences de la grève sont difficiles à évaluer », note prudemment le document, « la compagnie avait estimé (…) sa perte de revenus de 5 M€. »

4 Certains personnels payés à ne rien faire

La Cour s’étonne de ce que « la compagnie continue de payer en congés un certain nombre de personnels, en particulier des ADSG, bien au-delà de la fin de leurs congés acquis, au lieu de les embarquer, alors même que la société a recours à des CDD. On dénombrait ainsi au 31 juillet 2007 un total de 203 marins dans cette situation dont 153 ADSG. »

5 Le surcoût du sureffectif et des CDD pléthoriques

« Malgré le souci affiché de SeaFrance d’adapter l’offre à la demande, le nombre des ADSG semble rester supérieur aux besoins et le recours à des CDD dépasser la proportion habituelle d’un volant supplémentaire de personnel. Cette pratique appelle une observation critique » conclue l’étude… Or les CDD reviennent plus cher à l’entreprise. Plus alarmant : « les rotations fréquentes des personnels en CDD ne facilitent pas leur familiarisation à la sécurité du bord. »

6 Les cicatrices de la grève de 2008…

Le rapport précise que durant la grève de février-mars 2008, « la longueur du conflit et le caractère imprévisible de sa cessation ont fortement pesé sur la relation fret ». De quoi provoquer des pertes importantes pour l’entreprise : «les clients directs ou indirects, qui étaient restés jusque-là des clients exclusifs de SeaFrance ont diversifié leurs transporteurs transmanche ». Tandis que « la relation avec les « petits » clients (directs ou indirects) a été très endommagée du fait que ceux-ci ont été plus durement touchés par la grève, alors même qu’ils présentent les meilleurs délais de paiement ».

7 SNCF, un actionnaire bien peu actif

La compagnie nationale, actionnaire à 100% de SeaFrance, est montrée du doigt. « Son attentisme, note le rapport, est à l’origine d’un manque de visibilité de moyen terme ». Avant de rappeler la SNCF a ses obligations : « Il est aujourd’hui indispensable que la SNCF explicite sa stratégie, qu’il s’agisse de son positionnement sur le trafic transmanche ou de sa politique d’investissement. »

8 Le Molière, un bateau à problème

Outre sa politique de ressources humaines contestable, Seafrance a aussi pâti de retards techniques. La Cour des comptes rapporte l’achat à Veolia en 2007, d’un navire, le Jean Nicoli -rebaptisé Molière. Ses travaux d’adaptation ont été beaucoup plus onéreux que prévu, dépassant d’au moins 7 M€ le budget initial, tandis que la perte d’exploitation due au retard des travaux, « serait de l’ordre de 3 M€ ». 

9 Des rapports tendus avec le port de Calais

La Cour regrette la « fragilité et l’exigüité du dispositif actuel » du port de Calais. Et de citer : « l’avarie du poste 7 en février 2005 (qui) a considérablement désorganisé le fonctionnement du port, seuls deux postes restant ouverts jusqu’en mars 2006 » et « la passerelle du poste 7 (…) de nouveau fortement endommagée en 2008 ». De plus, « l’exigüité des installations transmanche du port de Calais limite les occupations de poste aux opérations strictement commerciales des navires de SeaFrance » et incite les autorités portuaires à « déplacer ces navires à des postes d’attente ». Autant de mouvements et de coûts supplémentaires que SeaFrance ne paie plus depuis avril 2004. Or, juge le rapport, « l’attitude de SeaFrance se comprend difficilement et l’expose à des risques importants de contentieux… »

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0 La gabegie des centres d’appels

Le rapport cite les recommandations d’AtKearney pour améliorer la rentabilité de l’entreprise. Il s’agissait de « rationaliser les points de vente (économie estimée de 100 à 240 K€) et (…) de délocaliser au Maroc ou en Inde les centres d’appel (économie estimée de 980 K€ à 1,5 M€) » Avant de déplorer que « aucune de ces mesures n’a(it) été mise en œuvre. »

Antoine de Tournemire

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