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Pourquoi l'Allemagne et le Japon peuvent se permettre de se foutre du reste du monde
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Tour d'ivoire

L'Allemagne et le Japon ont tant de points communs. Tous deux accumulent les excédents commerciaux, reçoivent des capitaux étrangers en abondance, et se soucient finalement peu de l'émission monétaire. Première partie de notre série en deux volets consacrée à la relance économique et budgétaire allemande.

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau est l'ancien patron du marketing chez Citibank, ancien Directeur général des groupes Crédit Lyonnais et HSBC.

Il a notamment publié La désillusion, abécédaire décalé et critique de la banque et de la finance, paru aux éditions Jacques Flament en 2011.  Il publie également "Au pays de l'eau et des dieux"

Il tient également un blog évoquant les questions économiques et financières.

 

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Deux pays dans le monde sont heureux comme Ulysse revenu à la maison : le Japon et l’Allemagne. Ils ont tant de points communs ! On ne parle pas ici du passé. On ne" montebourisera" pas ! On parle des temps contemporains : il serait dommage de ne pas faire un détour par le Japon pour comprendre les relations entre les Allemands et la monnaie, la création de monnaie, les billets, les banques, la monétisation des dettes souveraines etc.

L’Allemagne et le Japon, même combat !

Sortis exsangues de la dernière Guerre, ils ont en commun d’être devenus des exportateurs hors pairs. La balance commerciale des deux pays est fortement excédentaire depuis des années. Ils sont exportateurs nets de produits industriels à haute valeur ajoutée. Ils ont constitué des entreprises puissantes, animées par un esprit très fort, et dirigées par des équipes soudées.

Le Japon accumule les excédents commerciaux. Ce n’est un secret pour personne qu’il a constitué une sympathique cagnotte de dollars, même s’il s’est fait distancer par les Chinois. Il a su se créer un glacis de sous-traitant dans l’ensemble des pays asiatiques qui l’entoure (y compris en Chine). Pour continuer dans le domaine des comparaisons : il refinance la quasi-totalité de sa dette publique via ses caisses d’épargne, dont la Banque postale. Il emprunte à des conditions incroyables sur les marchés internationaux, et sa monnaie est poussée par ces mêmes marchés à la réévaluation.

Pourtant son taux d’endettement public est incroyablement élevé, 225% de son PNB ! Comme les Grecs, sauf que… Voilà un pays qui n’a pas à se poser la question de la production de monnaie ou de la monétisation de la dette publique. C’est fait, en interne. C’est aussi un pays qui n’a pas à se soucier de l’opinion de l’étranger sur sa solvabilité. Il est exportateur net et reçoit des capitaux étrangers en abondance. Et l’Allemagne ? Même chose ! Dans ce cas, pourquoi l’Allemagne irait-elle se soucier d’émission monétaire par la BCE ? Elle se trouve dans la même situation que le Japon… en mieux !

Ce que l’Allemagne a de mieux que le Japon, c’est la zone euro

L’euro écarte de l’Allemagne un des démons qui planent au-dessus de l’archipel nippon depuis bientôt 25 ans : la réévaluation du yen et la poussée permanente à la hausse de cette devise. Les Allemands sont protégés contre ce risque par l’euro !  Bien sûr l’euro fait comme toutes les monnaies, il fluctue. Contre dollar, contre yen, contre livre sterling. Pour les Allemands, cela n’a pas grande importance. L’euro n’est pas poussé à la réévaluation comme ce fut le cas pour le Deutschemark. Jusqu’à la création de l’euro, les Allemands voyaient le Deutsch Mark prendre de la valeur, années après années, ce qui à la longue pouvait avoir un impact négatif sur leur balance commerciale. Depuis que l’euro est arrivé, les excédents peuvent s’accumuler sans souci, car les exportations allemandes sont très largement orientées sur des pays qui payent en euro. Pas de risque de change. Pas de risque de réévaluation de la monnaie allemande ! Pas de danger pour la compétitivité, puisque l’Allemagne exporte en Europe !!!!

Les excédents de la balance commerciale allemande, fruits incontestables des qualités de leur brillante économie industrielle, ne sont que le résultat de ses exportations en Europe. Il est là, le principal intérêt de l’euro pour les Allemands. Leurs acheteurs sont les Européens. Dans ces conditions, l’euro est tout bon ! L’office Fédéral du commerce extérieur allemand indiquait qu’en 2010, la zone euro représentait 55% de l’excédent commercial et l’Europe 80% ! Une performance ? Pas si géniale à la réflexion. « Mighty Germany », ne joue pas dans la grande cour des opérations internationales, mais dans une cour domestique, locale, on a envie de dire « avec les petits ». Ça, c’est une grande différence avec le Japon. Mais, c’est aussi ce qui permet aux Allemands de jouer un jeu commode en matière de soutien à l’activité économique.

Tous les économistes le savent : les exportations en analyse keynésienne ont un effet renforcé par le jeu multiplicateur du commerce extérieur, d’autant plus puissant que l’excédent commercial d’un pays est élevé. Ce dernier s’analyse comme une injection d’argent public dans l’économie. Le multiplicateur, puis l’accélérateur lié à la consommation en renforce les effets bénéfiques. C’est à ce moment-là que l’attitude allemande, face à l’action d’une Banque centrale, face à celle aussi de la BCE, commence à prendre un aspect particulier : les Allemands n’ont pas besoin de relancer leur économie si leurs voisins le font pour eux !

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