Des voitures Apple ou Google ? Pourquoi pas des moulins à poivre Peugeot ?<!-- --> | Atlantico.fr
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©REUTERS/

Zone franche

Peugeot ne croit pas aux voitures Apple et Google. C'est normal : les inventeurs de la diligence ne croyaient pas non plus aux automobiles conçues par un fabricant de moulins à café...

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Ca ne marchera jamais...

Carlos Tavares, le boss de PSA (Peugeot + Citroën) est certainement un type intelligent et compétent, mais il ne semble pas avoir grand chose d'un visionnaire. Interrogé, cette semaine au salon de Genève, sur le risque posé par un débarquement des géants de la Silicon Valley dans son pré-carré industriel, il a fait la réponse suivante : « Je ne les vois pas entrer dans l'automobile. Le ticket d'entrée est beaucoup trop élevé et demande un savoir-faire, des compétences, acquises sur des décennies, voire pour certains constructeurs plus de cent ans. »

C'est certain, ni Apple ni Google n'existaient il y a cent ans mais la fin de non-recevoir qu'il leur oppose ne rassure pas vraiment sur les capacités d'observation du dirigeant français. D'abord, ces deux larrons-là s'intéressent de très près à la mobilité, affichent très clairement leurs ambitions, sont déjà allés chercher les meilleures équipes d'ingénieurs pour se mettre à niveau et, pour ce qui est du « ticket d'entrée », disposent de réserves financières qui leur permettraient de racheter trois ou quatre PSA avec ce qui ressemble à de la menue monnaie.

De fait, il n'y a plus beaucoup de secteurs de l'économie traditionnelle qui ne soient pas directement menacés par les nouveaux entrants de ce type, dans les services comme dans l'industrie. Et la réussite éclair d'Elon Musk, prototype du crâne d’œuf ayant d'abord fait fortune sur le Web avec PayPal avant de se mettre à bousculer l'univers automobile avec Tesla Motors, devrait amener Tavares à réévaluer ses certitudes.

Oui, les géants centenaires de la bagnole sont mortels. Oui, il est possible d'appliquer des méthodes de conception, de construction, de commercialisation d'un produit complexe totalement « disruptives » et directement issues de la nouvelle économie. Si ce n'était pas le cas, Tesla, avec ses parts de marché ridicules, ne vaudrait pas trois fois plus cher en bourse que PSA -- signe que les investisseurs sont ouverts au changement. Et si Tavares doute encore, qu'il se souvienne que sa propre entreprise, avant de fabriquer des autos, était surtout connue pour ses moulins à café et à poivre. On imagine que sa diversification dans l'automobile, en 1896, a bien dû faire rigoler chez les fabricants de carrioles tirées par des chevaux. Ils sont où, désormais, ces fabricants ?    

Littérature fiscale

Les Français ne sont pourtant pas toujours en retard d'une guerre en matière de perception de l'avenir. Témoin, ce différend entre le gouvernement gaulois et l'Union européenne, qui vient de décider qu'il était interdit de taxer le livre numérique au même niveau que le livre papier.

La France applique en effet le même taux de TVA réduit (5,5%) aux deux supports, considérant que ce qui compte, c'est le contenu. L'Europe dit le contraire, Houellebecq sur Kindle étant un « service » (donc taxable à 20%), et Houellebecq en version brochée restant de la littérature. C'est absurde. Et c'est un réfractaire (pour le moment encore, je me soigne) à la lecture de livres sur tablettes qui le dit. Et même un Européen convaincu, ce qui ne gâche rien.

Apartheid : où sont passés les guillemets ?

C'est désormais officiel, la France est un régime d'apartheid. Je veux dire, d'apartheid sans guillemets. Lancée, à mon avis fort maladroitement même si les intentions étaient sans doute louables, par Manuel Valls, l'expression est maintenant reprise par les médias et les politiques comme une évidence un peu partout en même tant que sont déclinés les moyens de lutter contre.

Qu'une analogie puisse être formulée entre un système juridique ségrégationniste et raciste (l'Afrique du Sud d'avant 1992) et une société où des discriminations objectives existent mais sont réprouvées et combattues par toutes les instances possibles et imaginables (la France contemporaine), c'est raisonnable. Mais que cette analogie se transforme en la description banalisée de la situation que nous vivons est extrêmement dérangeant. On dit que pour régler un problème, il faut être d'abord être capable de l'identifier. On n'en prend pas le chemin.

On ne peut vraiment pas rire de tout...

Peut-être êtes-vous passé à côté, tout va si vite en buzzland, mais le canular lancé par Nana, une marque produits d'hygiène féminine, au sujet d'un broyeur de serviettes périodiques portatif fait surréagir les médias qui étaient tombés dans le panneau. La boîte se serait rendue coupable, en cette Journée internationale de la femme, de traiter par dessus la jambe (hum...) un sujet aussi grave et sérieux et, surtout, aurait « menti » aux médias.

M'étant moi-même fait avoir dans un premier temps, même si je trouvais le concept assez bizarre, je ne partage pas l'opinion de ceux qui transforment un gag en délit. Il paraît que Mikado, en annonçant le lancement de biscuits sans chocolat, et Carambar, en évoquant l'arrêt des blagues du même nom, ou toutes les marques qui se lancent dans ce type d'opérations de communication décalées, rompent « le lien de confiance qui les lie aux consommateurs ». C'est en tout cas ce que prétend le spécialiste de la pub Florian Silnicki dans le Huffington Post, qui parle de « manipulation », de « cancer de la publicité », de « trahison » et de « décadence du marketing ».

Chez Nana, on répond fort pertinemment qu'il n'était tout de même pas question d'annoncer une cure contre le cancer mais juste d'un gag à propos d'un appareil censé broyer des tampons pesant près de un kilo et à transporter dans un sac-à-main... C'est plutôt rigolo. On conseillerait bien aux mauvais coucheurs de, comme on dit dans ces cas-là, j'ose à peine l'écrire, péter un coup, mais ça n'est peut-être pas une si bonne idée maintenant que l'on sait que le broyeur de protections intimes n'existe pas.

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