Voiture électrique : le plan d’Elon Musk, le milliardaire qui veut nous y convertir en masse<!-- --> | Atlantico.fr
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Elon Musk n’est pas un acteur traditionnel de l’automobile.
Elon Musk n’est pas un acteur traditionnel de l’automobile.
©Reuters

Conduite écolo : que pour les riches ?

Elon Musk vend des voitures électriques destinées aux classes favorisées. Ses voitures allient autonomie et facilité de rechargement afin de s'imposer sur un marché encore difficile.

Nicolas Meilhan

Nicolas Meilhan

Nicolas Meilhan est ingénieur diplômé de l'ESTP et du MIT. Il est spécialisé dans les domaines du transport et de l'énergie.

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Atlantico : Elon Musk vend des voitures électriques. Aujourd'hui 450 000 voitures électriques sont en circulation dont 40 000 en France (voir ici). L'autonomie est le principal point qui occupe les consommateurs intéressés par les voitures écologiques. Elon Musk en a fait une priorité, passant l'autonomie de ses voitures de 150 à 320 km. Il vise actuellement les 650 km. Quels sont les différents points sur lesquels le milliardaire mise afin de pouvoir vendre ces voitures électriques en masse ?

Nicolas Meilhan : Il faut bien comprendre avant toute chose que le principal frein à l’achat d’une voiture électrique, c’est son prix très élevé à cause du coût élevé du stockage d’énergie - les batteries.

En effet, il faut embarquer un grand nombre de batteries afin de permettre à la voiture d’avoir ne serait-ce que100 km d’autonomie. Par conséquent, ces voitures ne sont aujourd’hui abordables que pour les personnes ayant un revenu élevé.

Une voiture électrique a actuellement une autonomie de 100 à 150 kilomètres. La plupart des conducteurs achètent leur voiture en pensant bien entendu à leurs trajets quotidiens mais aussi aux 600 kilomètres qu’ils devront parcourir pour partir en vacances. Il y a donc un écart énorme entre les deux. La voiture électrique peut être donc seulement envisagée comme une  seconde voiture, alors que la plupart du temps un budget plus limité est alloué à cette seconde voiture, qui est souvent une voiture d’occasion. C’est donc pour l’instant un gouffre financier pour les particuliers. Pour rentabiliser l’achat d’une telle voiture, il faudrait rouler beaucoup plus – au moins 80 km par jour. C’est pourquoi le système de partage de voitures électriques permet d’amortir ce surcoût à l’achat sur un nombre plus élevé de kilomètres. C’est d’ailleurs ce que font de nombreuses entreprises qui raisonnent en termes TCO (Total Cost of Ownership), c’est-à-dire que l’on réfléchit en coût complet en incluant non seulement l’achat mais aussi l’utilisation que l’on fera de cet achat.  

Le projet d’Elon Musk, propriétaire de Tesla, est de construire une "gigafactory", une usine immense qui produirait environ 500 000 batteries par an en 2020. En produisant de grandes quantités de batteries, Tesla réduirait ainsi le coût de la batterie grâce aux économies d’échelle et permettrait de rendre le prix de la voiture électrique plus abordable. Le géant de l’automobile espère par la suite que les constructeurs lui achèteront ses batteries. L’approche est intéressante mais ce n’est sans doute pas suffisant. Le problème des batteries existe depuis plus d’un siècle : les voitures électriques courent après les voitures à essence à cause du coût des batteries trop élevé couplé à une autonomie limitée. Pour que les voitures électriques puissent se vendre à monsieur tout le monde, il est critique de réduire au maximum la quantité de batteries embarquées pour non seulement en limiter le coût mais aussi le poids – il faut embarquer 1 tonne de batteries pour avoir la même autonomie qu’avec 40 kg d’essence.

Pour optimiser la taille de ces batteries, il existe deux leviers très importants :

Le premier levier, c’est de réduire le poids de la voiture. En effet, une voiture pèse environ 1,3 tonne (en moyenne en France). Si l’on divise ce poids par deux, on peut diviser la taille de la batterie (et donc son poids et son coût) par deux pour une autonomie équivalente

Le second levier concerne l’autonomie en mode électrique de la voiture, qui est sans doute le talon d’Achille de la voiture électrique. La grande différence que cette dernière a avec les voitures que la plupart d’entre nous conduisons aujourd’hui, c’est l’emplacement de la station essence. Dans le cas de la voiture électrique, cette station « essence » ou de recharge se situe chez vous, dans votre garage, et vous pouvez donc faire le plein tous les jours. Par conséquent, vous n’avez besoin d’embarquer que la quantité de batteries vous permettant de couvrir vos trajets journaliers, qui représentent 50 km dans 80% des cas. Cela vous permet de diviser la taille de votre batterie de 150 km d’autonomie par 3. Bien évidemment, il faut ajouter un petit prolongateur d’autonomie, qui est un petit moteur thermique, afin de couvrir les 20% des trajets restant sans ne jamais craindre la panne sèche d’électricité. Ce petit prolongateur d’autonomie joue en fait le rôle de l’infrastructure de recharge rapide qui serait directement embarquée à bord de la voiture. Ces deux leviers combinés permettraient déjà de réduire par un facteur six la taille, le coût et le poids de la batterie et donc de rendre la voiture électrique enfin abordable et compétitive par rapport aux voitures thermiques.

Quel est le moteur de sa stratégie ? Possède-t-il un avantage sur ses concurrents ? 

Elon Musk n’est pas un acteur traditionnel de l’automobile. Il se focalise uniquement, contrairement à ses concurrents, sur le développement et la production de voiture électriques. Il en a vendu 22000 en 2013 et commence à avoir un retour d’expérience intéressant notamment sur les performances de ses batteries. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il va réussir à en vendre des millions. Il suffit de regarder regarde les ventes de voitures électriques de Nissan, Renault et même BMW. En 2013, celles-ci représentaient 0,5 % du marché mondial alors qu’il existe par exemple dans la plupart des pays une subvention de l’ordre de 5000€ pour tout acheteur de voiture électrique. Affirmer qu’il existe aujourd’hui un marché pour ces voitures électriques est encore un peu prématuré.

Pour que cette voiture électrique puisse se vendre, elle devra être au moins aussi performante que nos voitures à essence ou diesel (coût, autonomie, recharge, puissance). Son cahier des charges doit donc comprendre un minimum de 500 km d’autonomie, une puissance de 110 chevaux, un prix de 20000 € maximum  et un temps de recharge acceptable. Rien ne laisse aujourd’hui penser qu’Elon Musk réussira son pari. Tesla vend pour l’instant quelques voitures (22000 voitures sur un marché mondial de plus de 70 millions de voitures) à des personnes qui ont les moyens de le les payer et qui peuvent se permettre le luxe de s’offrir une conscience écologique alors qu’ils roulent dans un « tank électrique» de 2,2 tonnes qui consomme plus d’énergie que la voiture thermique moyenne de 1,3 tonne.

Sur quels autres points Elon Musk tente t-il de se démarquer des autres constructeurs afin d'imposer sa voiture ?

Elon Musk a effectivement tenté de se démarquer sur le design et plus précisément sur l’aérodynamisme de la voiture, afin de réduire la consommation d’énergie de la voiture et donc de limiter la quantité de batteries à embarquer. Le bon coefficient de pénétration dans l’air de ses voitures permet donc de moins consommer d’énergie. Contrairement à la Toyota Prius par exemple, Elon Musk a réussi à développer une voiture agréable à regarder tout en ayant de bonnes performances aérodynamiques.

Ses voitures sont pour le moment encore vendues extrêmement cher, la Tesla S est vendue 60 000 euros en France. Elon Musk compte baisser ses coûts de production afin de conquérir une clientèle plus large. Il compte par exemple sur la baisse du coût du lithium utilisé pour ses batteries. Les voitures électriques seront-elles bientôt abordables pour le plus grand nombre ? A quelles conditions ? 

Malgré son projet de méga-usine qui devrait permettre de faire des économies d’échelle sur le coût des batteries, je ne pense pas qu’il arrivera aux conditions nécessaires pour que monsieur tout le monde puisse s’acheter une voiture électrique. Il faudrait pour cela réduire par deux le poids de la voiture, baisser la puissance, mettre une batterie plus petite (50 km d’autonomie) couplée à un petit prolongateur d’autonomie et à partir de ce moment-là seulement, la voiture électrique deviendra abordable pour un grand nombre de conducteurs.  Mais pour inciter ensuite les gens à acheter des voitures moins puissantes, plus légères et donc moins confortables, il faudra mettre en place un système de bonus/malus annuel afin de donner un prix au kilo et au cheval supplémentaire

Voir la présentation slideshare « Pourquoi la voiture du futur ne pèse que 500 kg ? »

Comment Elon Musk pourra-t-il s'y prendre pour faire baisser le prix de ces voitures ? A partir de quand deviendront-elles plus intéressantes que des voitures classiques ?  

Elon Musk fait actuellement ce qui est en son pouvoir pour réduire le coût des batteries grâce aux économies d’échelle qu’offrira sa "giga-usine" de batteries. Mais il n’y arrivera pas tout seul. Pour encourager les conducteurs à acheter des voitures électriques, il faut aussi les décourager d’acheter des voitures à essence ou diesel. En Norvège par exemple, le plus important marché de voitures électriques en Europe, cela coûte moins cher d’acheter une Nissan Leaf qu’une Golf. Pour quelles raisons ? Parce qu’il n’y a pas de TVA sur la Nissan Leaf, tandis que les Golf ont une TVA mais aussi un malus du fait qu’elles fonctionnent à l’essence. Par ailleurs, les voitures électriques ont accès aux couloirs de bus en Norvège, ce qui permet des gains de temps significatifs sur les trajets domicile-travail en évitant les bouchons. En Europe du Nord, des péages urbains ont été instaurés afin de limiter l’accès aux villes pour les véhicules les plus polluants. En France, une mesure pourrait être très efficace: augmenter le prix du stationnement dans les grandes villes. Le stationnement résidentiel à Paris coûte 12 € par mois, alors qu’il est gratuit pour les voitures électriques – vous conviendrez que la différence est faible pour ne pas dire infinitésimale. Si le stationnement résidentiel revenait à 100 €  voire 200 €  pa mois, sauf pour les voitures électriques, un certain nombre de parisiens de sépareraient assez rapidement de leur voiture qui dort sur l’espace public plus de 99% du temps. Mais pour mettre en place ce type de mesures impopulaires, on a besoin de courage de la part de nos hommes politiques. Et pour l’instant, ce courage fait cruellement défaut.

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