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Cette gauche qui nous désintègre : quand les Noirs servent à blanchir des idéaux
©Sony Pictures Releasing France

Bonnes feuilles

L'ancienne porte-parole de Manuel Valls Zohra Bitan prend la parole pour faire ses adieux à une certaine gauche, condescentante et sirupeuse avec les enfants de l'immigration et de la banlieue. Extrait de "Cette gauche qui nous désintègre", publié chez François Bourin éditeur (2/2).

Zohra Bitan

Zohra Bitan

Membre fondatrice de La Transition, Zohra Bitan est cadre de la fonction publique territoriale depuis 1989, ancienne conseillère municipale PS de l'opposition àThiais (94), et était porte-parole de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de 2011. Militante associative (lutte contre la misère intellectuelle et Éducation), elle est l'auteur de Cette gauche qui nous désintègre, Editions François Bourin, 2014.

 
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En 2012, lors des élections législatives, Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, avait consacré un point presse à ce qu’il avait appelé « les candidats de l’égalité ». L’occasion était trop belle pour ne pas le souligner, le dire, le clamer, comme un pied de nez au FN qui présentait lui aussi sa nouvelle génération de militants ! « Nous aussi, on a les nôtres et ils sont bien de chez nous, Zohra, Mamadouh, Brahim, Youri… ». Tant mieux pour la République, pour notre pays, pour la politique… Et pour le succès de la discrimination positive, concept poussé sous le quinquennat Sarkozy (2007-2012) et qui ne dit jamais son nom à gauche !

Concluant son laïus enthousiaste, Benoît Hamon avait cru bon de préciser : « Ils se font élire sur leurs idées ». Alors la question qui m’est venue à ce moment-là, c’est : à quoi bon citer ces candidats et particulièrement, ceux-là, les mettre en avant, marquer leur particularisme, égrener le nom et prénom de certains pour finalement les ramener dans le troupeau des socialistes ?

Tout comme la question identitaire qui frappe les Français issus de l’immigration, le PS semble lui aussi atteint d’une espèce de schizophrénie où, à la fois, il revendique d’intégrer ces militants sur le même pied d’égalité que les autres, mais ne rate aucune occasion de les exhiber comme des trophées exotiques, des touches de couleur pour preuves irréfutables de sa capacité d’assumer ces « pas comme les autres » ! Pourquoi ne les dissout-il pas tout simplement dans le grand ensemble des candidats socialistes, et qu’importe le sexe, le territoire, l’origine sociale ou ethnique ? Intégrer des bronzés dans ses rangs passe aussi par une nécessaire invisibilité, comme preuve d’égalité. Mais là est le dilemme qui asticote ces belles âmes : une Noire ou un Arabe qui passent inaperçus sur l’affiche, ça n’apporte rien comme preuve d’être de gauche. Faut se faire respecter dans sa générosité, bien étaler son catéchisme actif de lutte contre les discriminations.

Quand les Noirs servent à blanchir des idéaux

« Les candidats de l’égalité… » Avec le speech de Benoît Hamon, je découvrais donc la nouvelle appellation qui venait encore nommer une catégorie de militants politiques. Nous sortions à peine de l’appellation « minorité visible », après avoir enterré tour à tour, « issue de la diversité » et « issue de l’immigration ». C’est fou ce que la classe politique a besoin de toujours nous identifier, de nous circonscrire en nous nommant, comme si nous devenions tout à coup visibles en nous qualifiant avec un tas de termes techno. On parla même d’un « pack diversité », formule extraordinaire trouvée par Christophe Borgel, le monsieur Élections du PS. Car le cru électoral de 2012 a été un gros succès pour le Parti socialiste, qui a vu huit députés colorés entrer à l’Assemblée nationale. Enfin, le PS avait des « élus » et pas n’importe lesquels ; ceux du fruit de l’égalité ! Ces parlementaires étaient la récolte de trente ans de combat pour l’égalité, pour la diversité, pour une France multiculturelle et pour la lutte antiraciste ; huit députés ! Rien que ça ! La France avançait à grand pas, et le PS pouvait enfin rattraper la honte de son retard sur la question : Rachida, Rama et Fadela, du mandat précédent, étaient enfin dépassées

Dans un article du Monde, titré « Législatives : la diversité progresse peu », paru le 30 novembre 2011, j’avais répondu à la journaliste Sylvia Zappi. Extraits : « Le PS continue à avoir du mal avec ses Arabes et ses Noirs ! », réagit Zohra Bitan, conseillère municipale à Thiais (Val-de-Marne). Cette ancienne porte-parole de Manuel Valls lors de la primaire réfute pourtant le « pack diversité » décidé par la direction socialiste : « vingt-cinq ans après la Marche des beurs et autant d’années de militantisme au PS, on est encore obligés de mettre le pétard sur la tempe des premiers fédéraux pour avoir des femmes et des colorés. »

Décrocher la possibilité de siéger avec les Blancs, les autorisés, les élites. Alors, avec huit députés bronzés, le risque de se « reproduire entre eux » devient tout à coup la possibilité de se reproduire en couleur. Il aura fallu attendre trente ans ! Trente ans pour que ce parti daigne repeindre un peu son élitisme.

Extrait de "Cette gauche qui nous désintègre", de Zohra Bitan, publié chez François Bourin éditeur, 2014. Pour acheter ce livre cliquez ici.

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