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Cette gauche qui nous désintègre : les imposteurs de l’indignation face au racisme
©Reuters

Bonnes feuilles

L'ancienne porte-parole de Manuel Valls Zohra Bitan prend la parole pour faire ses adieux à une certaine gauche, condescentante et sirupeuse avec les enfants de l'immigration et de la banlieue. Extrait de "Cette gauche qui nous désintègre", publié chez François Bourin éditeur (1/2).

Zohra Bitan

Zohra Bitan

Membre fondatrice de La Transition, Zohra Bitan est cadre de la fonction publique territoriale depuis 1989, ancienne conseillère municipale PS de l'opposition àThiais (94), et était porte-parole de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de 2011. Militante associative (lutte contre la misère intellectuelle et Éducation), elle est l'auteur de Cette gauche qui nous désintègre, Editions François Bourin, 2014.

 
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Voilà donc ce qu’a produit l’indignation sélective, celle dictée au pas de charge, obligatoire, celle qui te range dans les gens du bien, dans les protecteurs du vivre ensemble, de la suprématie de la culture de la différence. Voilà ce que peut produire une indignation qui n’a pas intégré que dans les banlieues, les maux du racisme sont moins forts que le mal d’éducation, et que les dos de centaines de jeunes gens restent collés aux murs des barres des cités comme des arapèdes à l’ennui. Attention, la police de la pensée est partout, celle qui décide que le racisme est plus fort que tout. Et il est même plus fort que moi, puisqu’il ne produit pas de coup de jus en moi, en tout cas pas autant que bien d’autres fléaux. Alors, quand les indignés des salons affûtent leur plume, lustrent leur clavier, aiguisent leurs slogans et prennent leurs airs outrés, l’heure est grave. Et si grave que les chômeurs devront faire la queue pour leur cause, que les pauvres continueront de tendre leur gamelle pour quelques miettes de RSA et que les jeunes n’ont qu’à se contenter de rêver à l’endroit où ils pourraient trouver leur avenir. Et Sélim continuera de traîner sa carcasse, de ruelles parisiennes en impasses…

Lire également l'interview de Zohra Bitan : Comment le socialisme est devenu un club d’indignés de salon

L’antiracisme revient en fanfare, et sous les applaudissements d’une gauche dont la déliquescence idéologique ne pouvait pas trouver mieux pour faire briller ses talents de bienfaitrice, meilleure que tous et que n’importe qui !;

En 1983, le PS au pouvoir en plein tournant de la rigueur économique, trottinait après la Marche dite pour l’Égalité, qui, arrivée à Paris le 3 décembre de cette année-là, suscita l’intérêt du gouvernement, et même du président de la République. Trente ans plus tard, le PS au pouvoir, en pleine impopularité, remet le couvert suite au délire verbal d’une folle raciste qui n’a pas hésité à insulter une ministre de la justice, d’origine guyanaise. C’est triste pour la lutte antiraciste, dommageable pour des millions de Français qui ne sont en rien des racistes. Je n’ai pas besoin que l’on me dicte l’endroit où je devrais sentir la douleur, ni comment je devrais soigner celle qui pourrait me faire souffrir. Mon choix d’indignation n’est pas un business pour me laver d’une histoire, en enfiler une autre et venir vomir sur celles et ceux qui n’auraient pas eu la chance de se décrasser de la misère ou de la pauvreté.

Lorsque la Solférinosphère enfume l’entourage avec l’encensoir de sa bien-pensance, c’est toute la France qui a les yeux piqués, et qui tremble à l’idée terrible de penser à l’inverse de ce que ces gens pensent bien ! Certes, ceux que la droite qualifie de bobos de centre-ville ne sont pas les fabricants de tous les maux, loin de là. Mais reconnaissons qu’ils sont forts, et assez influents, et même dominants pour décréter la tendance ! Avec leurs discours prêchi-prêcha, Ils peuvent être drôles malgré eux, mais aussi navrants de sectarisme et d’enfermement intellectuel. Des banlieues, ils cultivent une vision périphérique précisément, qui se résumera à des bouquins bien torchés décortiquant un univers gris, trash et souvent bien triste. Ah, les histoires banlieusardes : à déguster comme de l’empathie nutritive, c’est excellent pour son équilibre émotionnel !

C’est touchant cette capacité que ces gens-là ont de s’indigner à ta place. Ils veillent à ce que je ne sois plus traité de « sale bougnoule ». Moi, pour ma part, je veille à ce que personne ne vive le cerveau et le ventre vides. On est complémentaires, c’est pour ça que j’en compte plein parmi mes relations et même mes amis, de ces antiracistes qui dramatisent ta couleur de peau. Souvent, on refait le monde ensemble dans des restos branchés. Ils aiment par-dessus tout, les colloques, les conférences dans lesquels ils parlent des heures sur ta cause, ta misère, ta condition sociale, ton « arabitude » ou ta « noiritude », juste pour dire qu’ils comprennent ton cas, et se rassurer au passage sur leur propre bonté d’âme. Ce sont ces champions des luttes anti-discrimantes qui se chargent, depuis des décennies, de coller sur ton front, les stéréotypes qui te qualifieront dans le camp du bien ou dans les zones du mal.

Extrait de "Cette gauche qui nous désintègre", de Zohra Bitan, publié chez François Bourin éditeur, 2014. Pour acheter ce livre cliquez ici.

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