Les écoterroristes menacent-ils la France ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres de l'Animal Liberation Front (ALF).
Des membres de l'Animal Liberation Front (ALF).
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Ecolo war

Mus par la critique de la corrida, des OGM ou des nouvelles technologies, un certain nombre de groupuscules français se livrent à des actions spectaculaires voire violentes pour faire passer leurs idées. Dernier en date : l'incendie criminel de la maison d'André Viard, figure de la tauromachie française, la semaine dernière.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : L'incendie de la maison d'André Viard, figure de la tauromachie française, vous semble-t-il relever de ce que l'on appelle l'écoterrorisme ?

Eddy Fougier : Je suis toujours très prudent avec les interprétations à chaud. Il y a quinze jours, une flopée de consultants livraient leurs analyses très pointues pour parler d'un attentat islamiste à Oslo, à cause de la présence norvégienne en Afghanistan et des tensions migratoires... On voit qu'il n'en était rien. De la même façon, en 2004, à Nîmes, un certain Simon Casas avait été lui aussi l'objet d'un attentat. Tout de suite, les accusations s'étaient portées sur les anti-corridas, mais elles se sont révélées infondées.

Aujourd'hui, la thèse selon laquelle il s'agit d'une action perpétrée par des anti-corridas est défendue... par la victime. Et pour l'instant, l'Animal Liberation Front (ALF) n'a pas encore revendiqué l'incendie...

Des groupes anti-corridas sont-ils selon vous capables de se livrer à de telles actions ?

La question de la corrida est extrêmement sensible, surtout qu'elle vient d'être inscrite au patrimoine culturel immatériel français et pourrait être reconnue prochainement par l'Unesco.

Au même titre que la défense des animaux ou l'écologie, elle fait donc partie des champs d'action de groupuscules français – "écoterroristes" selon la police, "écoguerriers" dans leur propre jardon – qui sont capables de mener de telles actions. L'ALF a, par exemple, récemment revendiqué sur son blog une action contre une entreprise vendant de l'équipement d'abattoir.

Il y a deux modes d'action : le sabotage, qui vise à faire arrêter des activités économiques en minant leur rentabilité grâce aux risques en termes de sécurité, et l'intimidation des acteurs, que l'on pourrait par exemple retrouver dans l'incendie de la maison d'André Viard.

Ces actions se font-elles exclusivement au nom d'une idée phare, ou peuvent-elles se rapprocher de l'altermondialisme à travers une critique plus globale de la société ?

Au-delà des écologistes radicaux, certains groupes se revendiquent du néo-luddisme : ils luttent contre des technologies considérées comme liberticides (biométrie, nanotechnologies...), et ont par exemple perturbé le débat public de 2009 sur les nanotechnologies. Leur action est comparable à celle des anti-OGM qui s'attaquent aux centres de recherche.

Certains revendiquent la désobéissance civile et agissent pacifiquement et à découvert, avec des caméras de télévision, comme José Bové ou d'autres mouvements altermondialistes. D'autres, beaucoup plus radicaux, procèdent plutôt par sabotages ou harcèlement des personnes, la nuit, de façon anonyme. Il leur arrive même d'accuser les altermondialistes d'être trop mous !

Même si ces deux types de mouvement partagent une même critique, il ne faut donc pas les mettre dans le même sac.

Ce type d'activisme est-il nouveau dans l'Histoire ?

Si l'on prend le luddisme, ce n'est pas nouveau : les ouvriers détruisaient déjà leurs machines en signe de protestation au XIXe siècle. Ce qui est plus récent, c'est bien sûr l'opposition aux technologies. Par exemple, les premières campagnes anti-OGM ont eu lieu en 1996 en France, et les premières destructions de plants en 1997.

Ces mouvements étant souvent composés de jeunes, ils s'insèrent dans des traditions mais ont également leur propre vision. Par exemple, le mouvement issu du néo-luddisme Pièces et mains d’œuvres, notamment composé de jeunes universitaires, se revendique du mouvement anti-nucléaire des années 1970 - on peut cependant remonter à mai 1968 pour entrevoir une première critique de la technique.

Dans les années 1990, le grand combat tournait autour des OGM. Aujourd'hui, il a rebondi sur la critique des nanotechnologies, des ondes électromagnétiques, etc...

Ces mouvements sont-ils cantonnés aux pays industrialisés ?

Par forcément. Par exemple, le mouvement anti-OGM a démarré dans le Sud, où cette technologie s'est diffusée le plus rapidement : les mouvements paysans indiens et latino-américains ont été les premiers à porter cette lutte.

Toutefois, en ce qui concerne l'écologie, ils ont une vision assez différente de celle des pays du Nord : à titre exemple, le végétarianisme ne doit pas être très populaire dans les pays du Sud, où la consommation de viande et de produits laitiers est signe de développement.

Mais il ne faut pas se fourvoyer : par rapport au monde anglo-saxon, l'écologie radicale est assez peu développée en France. Je suis toujours surpris de voir que l'entreprise la plus régulièrement attaquée par ces groupes au niveau mondial est L'Oréal, car elle teste ses produits sur les animaux. En France, cela ne choque pas vraiment, car le sujet est beaucoup moins sensible : on a plutôt tendance à parler de Liliane Bettencourt ! Certes, la question de la corrida est l'objet d'un certain nombre de combats, mais cela ne compense pas vraiment.

Les combats de ces groupes sont-ils locaux ou globaux ?

Prenez l'ALF : le mouvement est d'origine anglo-saxonne, mais les revendications sont écrites en français et en anglais.

De la même façon, certaines actions anti-OGM de José Bové ont été appuyées par des militants indiens, à la fin des années 1990. La Confédération Paysanne a, quant à elle, été très influencée par le groupe Via Campesina, qui réunit différents mouvements paysans des pays du Sud.

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