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Doit-on craindre pour sa vie privée sur Facebook ?
Doit-on craindre pour sa vie privée sur Facebook ?
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Droit cybernétique

Avec Internet et l'émergence des réseaux sociaux, la frontière entre correspondance privée et communication publique s'est faite plus poreuse. Comme Nicolas Sarkozy qui souhaite un Internet "civilisé", de nombreux États ont décidé de renforcer leurs législations. État des lieux de la cyber-démocratie.

Etienne  Drouard

Etienne Drouard

Etienne Drouard est avocat spécialisé en droit de l’informatique et des réseaux de communication électronique.

Ancien membre de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), ses activités portent sur l’ensemble des débats de régulation des réseaux et contenus numériques menés devant les institutions européennes, françaises et américaines.

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Sur les réseaux sociaux, trois catégories d'acteurs peuvent faire la loi : l'éditeur du service communautaire, l'"opinion publique" des utilisateurs si elle existe, les États-Unis, ou les États américains qui hébergent les sièges des principaux réseaux sociaux, en particulier le Parlement de l'État de Californie, où ces grands éditeurs ont une puissance économique et politique forte.

Quand on évoque en Europe la régulation des réseaux sociaux, on comprend vite que les méthodes traditionnelles de création de normes - l'adoption d'une loi, par exemple - ne sont pas adaptées. On peut néanmoins identifier les questions juridiques spécifiques soulevées par les réseaux sociaux.

Vie privée : la loi ne vous protège pas de vous-même

Oublions la raison d'être du droit de la consommation, selon laquelle un "ordre public de protection" s'interpose dans le contrat conclu entre un consommateur et un professionnel. Ici, seule la volonté de l'internaute compte. S'il manque d'informations, il lui suffit de lire le contrat d'adhésion de 10 à 25 pages qu'il a accepté d'un "clic" lors de son inscription, souvent régi par le droit de l'État de Californie ou du Delaware. S'il ne veut écouter que son instinct de communicant, l'internaute est responsable et dispose de sa vie privée en décidant de la partager avec ceux qu'il a choisis - ses "amis" - ou avec d'autres qu'il ne connait pas, les "amis de ses amis" et, au-delà, le monde entier.

Loi applicable : 2011, l'année du changement ?

Pour l'heure, le droit européen consacre l'application du droit américain, lorsqu'un réseau social est opéré depuis les États-Unis. Ceci pourrait changer dans le cadre de la modification des directives harmonisant les règles européennes de protection des données personnelles.

Vivian Redding, commissaire européen en charge de ce dossier, envisage d'ici la fin de l'année 2011 de proposer que la loi applicable aux sociétés extra-européennes qui traitent des données personnelles, devienne celle du lieu où l'internaute européen est situé. Les grands acteurs américains de l'Internet combattront sans doute cette proposition, afin d'éviter d'être soumis, si cette idée se répandait, à autant de lois que de pays dans lesquels leurs utilisateurs résident. On peut les comprendre. Comme on peut comprendre la Commission européenne.

Quelle frontière entre la correspondance privée et la communication publique ?

Le régime juridique applicable à la publication d'une information sur un réseau social varie selon que cette information n'est accessible qu'à des "amis" choisis par l'internaute, ou à un groupe de personnes dont l'internaute ne maîtrise pas seul la composition (les "amis d'amis"). Entre "amis", le régime de la correspondance privée a vocation à s'appliquer. Avec les "amis d'amis", la diffusion d'une information relève de la communication publique.

Les salariés qui se sont vus récemment licencier pour avoir dénigré leur employeur sur Facebook l'ont appris à leurs dépens : la privauté d'une information dépend de la confiance qu'on accorde à la personne avec laquelle on la partage. Chacun de nos "amis" peut, sans faute - autre que morale -, révéler à quiconque un propos que nous ne réservions qu'à lui seul.

Existe-t-il un "droit à l'oubli numérique" ?

Peut-on vraiment disparaître d'un réseau social ? Aujourd'hui, malgré la clôture de votre compte d'utilisateur, la photographie de votre profil sur Facebook est encore accessible à l'adresse à laquelle elle était hébergée. Peut-on avoir un "droit au remords" pour faire effacer une information qu'on avait publiée et qui ne correspond plus à ce que nous sommes ? Manifestement, l'oubli numérique s'accommode mal du partage d'informations, sauf à laisser chacun réécrire son histoire auprès des autres. Paradoxe de l'instant et du temps qui passent…

Voilà un chantier d'avenir pour les (auto)régulateurs de tous bords, qui n'arrivera à maturité qu'à condition que la vox populi l'exige. Car c'est le "marché", ce plus petit dénominateur mondial des attentes et des cultures, qui régit les fonctionnalités des réseaux sociaux, pour autant qu'elles ne privent pas leurs éditeurs de rentabilité.

Vive la cyber-démocratie, si elle existe !

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