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Week-end de tous les dangers : l'euro est-il entré en phase terminale ?
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Flambée des taux d'intérêt, tensions en sein du couple franco-allemand, élections législatives chaotiques en Grèce... ce week-end est-il celui de la dernière chance pour l'eurozone ?

Frédéric  Farah

Frédéric Farah

Frédéric Farah est économiste et enseignant à Paris I Panthéon Sorbonne.

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Le ciel se couvre sur la zone euro de nuages aussi lourds et insistants que ceux qui défigurent notre été désespérément absent. Mais si le lyrisme n’est pas de mise, nous n’osons pas dire pour autant que la zone euro joue son avenir.

En effet, depuis 2009, début de la crise grecque nous l’avons entendu un nombre incalculable de fois. Les sommets de la dernière chance, et j’en passe, qui devaient éteindre l’incendie n’ont été que l’action de pompiers pyromanes résolus à préparer la prochaine crise. Les jours à venir peut-être seront un coup de butoir supplémentaire, voire le dernier, à l’édifice de l’euro si l’on encore on peut parler d’édifice, mais aussi peut être une chance pour l’Europe. La proposition peut paraître paradoxale et folle. Mais elle mérite un petit détour.

A première vue, rien ne peut aller dans le sens de cette proposition. Le couple franco-allemand est au bord du divorce. Madame Merkel fustige la médiocrité de certains propos en matière de stratégie économique. En somme, elle tance tout ce qui rejette la rigueur. M. Ayrault n’a pas de mots tendres pour la position allemande qu’il juge par bien des aspects contreproductive. M Hollande tente un rapprochement avec M. Monti pour promouvoir un plan de croissance. Le président du conseil italien voit les taux intérêt de la dette italienne prendre une direction inquiétante et se propose même de vendre des biens nationaux.

L’Espagne ne se porte guère mieux, plombée par ses banques et mise à genoux par son chômage de masse et emprunte autour de 6%. Chypre, le Portugal sont les prochains candidats au précipice. Et les grecs s’apprêtent peut être à donner la majorité à un gouvernement prêt à remettre sur la table les conditions d’octroi des plans dit d’aide à la Grèce. C’est donc un week end à zyudcoote pour paraphraser le livre de R. Merle qui fait récit de la bataille de Dunkerque, qui se prépare plus qu’une quelconque espérance. 

Pourtant nous nous refusons à souffler sur les braises sans pour autant ignorer la gravité de la situation. En économie, la confiance est clef et force est de constater que l’austérité à tous les étages, les plans de restructuration à répétition, les traités TSCG et autres, les fonds de solidarité financière ont peine à redonner espoir aux peuples ou confiance aux investisseurs.
L’appel au feu risque d’entraîner des surréactions dont les marchés sont les habitués, sans compter les prophéties autoréalisatrices. Lire A Orlean par les temps qui courent serait salutaire pour comprendre le fonctionnement des marchés érigés en juges de paix de nos politiques économiques.

Mais éclairons notre position. Le week end qui s’annonce va être politique et dans toute cette affaire il s’agit de politique, mais au sens noble du terme c’est à dire qui concerne la vie de la cité. Les peuples vont parler alors que tout se lie pour qu’ils se taisent. La France va probablement offrir à l’actuel président de la république une majorité pour gouverner, et les grecs vont s’exprimer. Mais l’Union économique et monétaire tremble car le parti de gauche de M Tzypras pourrait l’emporter. Ce dernier refuse les plans à l’œuvre et souhaite demeurer dans l’euro mais à d’autres conditions. Après tout, acceptons l’événement, le surgissement d’autre chose. Si le Pasok et Nouvelle Démocratie obtiennent la majorité des sièges, chacun criera l’euro est sauvé, en attendant la prochaine crise qui ne manquera pas d’arriver rapidement.

De toutes les manières, les plans proposés depuis trois ans pour sauver la zone n’aboutissent pas, mettent en place un fédéralisme autoritaire, une coordination négative, éloignent les peuples de l’Union, n’apportent pas la croissance et l’emploi. Et il faudrait les continuer , c’est quelque peu absurde.

La Grèce peut être dimanche soir le meilleur allié de l’union car si le vote du peuple grec intime le changement, ce vote n’échouera pas dans le vide. L’Italie, la France, l’Espagne avec leurs différences comprennent que le cocktail réformes structurelles et assainissement budgétaire ne sont pas les bonnes réponses du court et moyen terme. Il ne s’agit pas de croire que certaines réformes ne doivent pas être faites. Mais il convient de voir que leurs effets sont discutables et incertains.

L’OCDE dans une étude du mois de juin 2012 «  perspectives de l’OCDE sur les pensions 2012 » révèle que les réformes des retraites mise en œuvre dans 28 des 34 pays de l’OCDE se soldent par une baisse des 20 à 25 % des prestations. Les réformes structurelles qui ont affecté les marchés du travail italien, français, allemand , portugais ,espagnol ont eu pour conséquence d’accroître la dualisation de ces marchés sans apporter réponse au chômage. Une société de plein emploi quand bien même on y parviendrait n’aurait de sens que si l’emploi proposé est digne.

En l’état, la zone euro est dans l’impasse. Recréer le Merkozy, faire courber les grecs davantage alors qu’ils ont les yeux déjà près du sol, ligoter davantage la souveraineté des peuples ne changeront rien et ne donneront pas plus de vie à la zone euro, ce serait l’extension des moyens palliatifs et rien d’autre. Que ce week end illustre les vertus de la confrontation et non de l’affrontement. L’Europe est dans les pièges d’un conservatisme terrible il ne s’agit pas pour nous de dire qu’elle doit s’appuyer sur un endettement inconsidéré ou oublier les impératifs de compétitivité ou de productivité, mais la voie pour y parvenir n’est pas la bonne.

L’Allemagne doit accepter de rejoindre le débat car la crise va la gagner « Même si les commandes en provenance des pays hors zone euro restent dynamiques (3,6 % début 2012), le poids de la zone euro reste trop fort pour que les exportations vers les pays émergents puissent compenser le recul des commandes adressées par la zone euro à l’Allemagne, ce qui se répercutera inévitablement sur la croissance allemande. Le PIB devrait donc progresser moins rapidement en 2012 qu’en 2011 (0,9 % selon l’OFCE[3], après 3,1 %). L’Allemagne échapperait donc à la récession sauf si la contraction budgétaire devait s’amplifier dans l’ensemble de la zone euro. » Comme le souligne une stimulante note de l’OFCE le 13 juin.

La Grèce nous a offert il y a bien longtemps un legs : celui de la démocratie. Ce principe est celui d’un homme = une voix, dans sa version moderne. Sur les marchés, ce principe n’existe pas. Ce week-end soyons athéniens, retrouvons l’amour de l’agora, discutons d’Europe. Et place à la divergence et tant pis pour les consensus mortifères faits d’austérité impossible et de croissance différée, l’Europe vaut bien une saine querelle.

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